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EAN : 9791097079697
224 pages
EDITIONS DU DETOUR (18/03/2021)
2.7/5   5 notes
Résumé :
A Paris, rive gauche, au pied du Panthéon, se tient le prestigieux lycée Henri-IV : "meilleur lycée de France", tremplin pour l'excellence scolaire et la réussite professionnelle. On rentre à "H4" sur dossier et la sélection est sévère. Beaucoup en rêvent, car le lycée est public, gratuit, et ouvert à toute la France. Pourtant on ne sait pas grand-chose de cette formation d'exception. Sarah Pochon a poussé les grandes portes rouges pour observer, carnet de terrain l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
En France on a l'obsession de l'excellence. Les enquêtes et rapports se succèdent concernant les quartiers défavorisés, l'éducation prioritaire pour tenter de remédier à la ritournelle “le niveau baisse”. Dans cet ouvrage, Sarah Pochon présente les résultats de sa thèse dédiée à l'un des établissements français réputé pour ses bons résultats : le lycée Henri IV. Si l'initiative est louable car originale, il nous faut mettre en avant de nombreux problèmes qui relèvent tant de la connaissance du système éducatif, de la sociologie de façon générale ou de la méthodologie mise en oeuvre pour cette enquête.
Une connaissance du système éducatif superficielle

On s'étonne de prime abord de lire de grossières erreurs concernant le fonctionnement du système éducatif, et ce plus encore alors que l'autrice est agrégée. Par exemple, à plusieurs reprises il est question des “documentalistes” (p. 47 et 163), dont les fonctions consisteraient à gérer la “bibliothèque de prestige” et à “chaleureusement proposer un café”, passant entièrement sous silence les missions de ces professeur·es en matière d'EMI par exemple. de même, il est surprenant de lire que “Le carnet de correspondance est non seulement un moyen de communiquer avec les familles mais aussi un moyen de sanctionner les élèves” (p. 195), la sanction relevant uniquement de la compétence du/de la chef·fe d'établissement, à l'inverse de la punition qui peut être prise par tout·e membre de la communauté éducative.

L'autrice note que “En fait la politique de l'établissement consiste à accorder une grande liberté et une grande autonomie aux lycéens” (p. 194) au motif que les élèves vont et viennent dans l'établissement sans forcément être sous la surveillance directe d'un·e adulte. C'est pourtant ce qui se pratique un peu partout, Henri IV ne fait nullement exception sur ce point. de même, elle indique que “Sur le site internet du lycée, on trouve aussi des “conseils de lecture” pour chaque niveau d'étude et dans plusieurs disciplines.” (p. 166) : ici encore, aucune originalité puisque dans bien des établissements des recommandations sont données aux élèves, même si elles ne figurent pas forcément sur leur site de façon visible depuis l'extérieur.

J'ai été particulièrement gênée par les propos répétés concernant le corps des élèves : “Je ne distinguerai pas non plus de piercing ni chez les filles, ni chez les garçons, ni aucun tatouage et ce même pendant le cours d'EPS où les vêtements bougent et dévoilent les jambes, les bras, les épaules, parfois le dos.” (p. 61), “Il n'y a pas d'élèves dispensés d'EPS. de manière générale, les élèves sont minces et grands. Je ne distingue toujours pas de tatouage ni de piercing. En tout cas rien qui ne soit visible.” (p. 115). S'il est attendu que nous veillons à ce que nos élèves soient muni·es de vêtements et chaussures en bon état, je dois dire qu'il ne me viendrait jamais à l'idée de chercher à repérer des éléments tels que tatouages ou piercings sur leur corps, ça me paraît tout à fait déplacé. En fait, on ignore où l'autrice veut en venir ici : à aucun moment elle n'explicite la raison de sa démarche, ni ce qu'elle sous-entend en cherchant ces informations. de même, elle relate à plusieurs reprises l'absence de dispense d'EPS ou de tenue spécifique (p. 144), sans expliciter ce que ces éléments disent des élèves et de leur rapport à cette discipline selon elle.
Une contextualisation sociologique qui réinvente l'eau tiède

À plusieurs reprises, l'autrice fournit des éléments relatifs à l'environnement de l'établissement. Par exemple, on lit un long passage décrivant les populations qui vivent aux abords du lycée ou des informations quant aux activités extra-scolaires des élèves : “Je soupçonne certains promeneurs de résider au coeur de ce 5e arrondissement, à la façon qu'ils ont de s'habiller. Les dames portent de longs manteaux ou des trenchs beiges ; la plupart doivent avoir dépassé la soixantaine, elles sont apprêtées : leur coiffure est recherchée, travaillée – elles ont l'air d'y avoir mis du soin. A moins que ce ne soit leur coiffeur. […] Je reconnais les “D” de plusieurs porte-clefs en or sur les fermetures éclair des sacs Dior, les deux “C” entrelacés de la maison Chanel, et les lettres “L” et “V” de Louis Vuitton affubler ces coûteux accessoires” (p. 17) ; “Le tennis s'impose ensuite comme seconde activité physique hors lycée, devant la natation, le basketball, l'équitation, le football, puis le badminton. Interroger les élèves sur leur pratique ou non du piano suppose de fait qu'ils pratiquent un instrument, qu'ils sont inscrits en conservatoire ou dans une école de musique, et qu'ils possèdent peut-être même chez eux un piano pour travailler la méthode et les partitions. Ailleurs, la question pourrait être indiscrète, voire décalée.” (p. 75). Si la présence des ces éléments est pertinente, il aurait été souhaitable de corréler ces relevés avec les conclusions des sociologues et ses géographes dans leurs travaux respectifs, car finalement ces informations ne sont pas neuves.

La question de la plus-value de l'établissement est abordée en toute fin d'ouvrage. Les campagnes d'ouverture de l'établissement aux pauvres-utiles sont largement mises en avant : “On ne peut pas nier qu'un effort est fait à Henri-IV pour scolariser des élèves boursiers ou, en tout cas, des élèves qui seraient scolarisés dans des établissements plus populaires et qui viendraient d'un milieu plus modeste.” (p. 162) ; “D'ailleurs, le lycée affiche clairement sa politique d'ouverture à “la diversité socioculturelle” en soulignant le fait que, chaque année, 15 à 17% des élèves de seconde sont issus de collèges relevant de l'éducation prioritaire.” (p. 163), le point culminant étant une citation d'un livret édité par l'établissement à l'occasion des journées du patrimoine, et sans aucune critique ou mise en perspective : “Aujourd'hui, le lycée Henri IV se revendique comme un établissement d'excellence, ce dont attestent ses résultats : 99 à 100% de réussite au diplôme nationale du brevet, 100% de réussite au baccalauréat avec près de 99% de mentions et 67% de mentions TB” (p. 177).

Néanmoins, concédons que la formule magique de la réussite scolaire nous est donnée en fin d'ouvrage : “La sélection qu'opère l'établissement doit donc lui permettre d'agir ensuite sur les élèves, en optimisant leur productivité. Ce qui compte implicitement, c'est de recruter de très bons élèves, ambitieux et travailleurs, y compris des élèves scolarisés dans des établissements moins favorisés, à condition qu'ils soient tout aussi ambitieux et “talentueux”, afin de maintenir le niveau de compétitivité de l'établissement.” (p. 178). Et finalement, ce sont les professeur·es qui en parlent le mieux, puisque “Annick l'affirme sans détour : “Je pense que c'est dû à une certaine intelligence quand même. L'intelligence enfin, une connaissance de soi, un regard sur soi-même aussi. On y contribue, mais honnêtement la base de tout ça, ce n'est pas nous. Je suis franche. On y contribue parce que voilà, on insiste sur certains critères et on les fait travailler en relation avec ces critères-là, mais je pense que c'est aussi dans leur éducation, les parents, chez eux, les activités extra-scolaires, c'est un tout”.” (p. 212) et “Sylvie me confiera : “Ces élèves ont déjà toutes les qualités. Nous, on se contente de les mettre sur les rails.” Parce que finalement, la fabrication de l'élite est familiale avant d'être scolaire.” (p. 213). On retiendra donc que pour obtenir d'excellents résultats il faut… avoir d'excellent·es élèves. Aussi surprenant que cela puisse paraître, la maigre bibliographie de fin d'ouvrage ne fait nullement mention de Bourdieu et Passeron, comme si Les Héritiers n'avait jamais été écrit.
Problèmes de méthodologie

Concernant la méthodologie, il est frappant de constater une certaine tendance au remplissage, via l'énoncé de banalités. C'est le cas par exemple lorsque l'autrice décrit la salle des professeurs : “Derrière moi, une machine Nespresso encore fumante et des tasses disposées sur une étagère au-dessus d'un évier ; à côté, un micro-ondes et un petit réfrigérateur blanc” (p. 71), “Il est 12h45. L'heure de déjeuner. Jocelyne et Annick sortent leur salade du petit réfrigérateur blanc ou leur plat “maison” prêt à réchauffer au micro-ondes” (p. 151). On apprend donc que la salle des profs est équipée d'un micro-ondes, d'un frigo et que les profs d'Henri IV… mangent. de la même façon, concernant le CDI, on découvre que “Tout au fond de la salle, le centre de ressources multimédia met à disposition des ordinateurs et une photocopieuse” (p. 48), bref comme partout ailleurs.

De même, l'ouvrage est émaillé de répétitions, parfois de passages copiés-collés, par exemple concernant le système de mutation par lequel passent tous/tes les enseignant·es de France : “Or c'est un recrutement normal : tu demandes ta mut'. Tu as les points, tu viens. Tu n'as pas les points, tu ne viens pas quoi, il n'y a pas plus de points.” (p. 33), “Tous les gens pensent que c'est un recrutement spécial, que ce sont les meilleurs… Or, c'est un recrutement normal. Tu demandes ta mutation, tu as les points, tu viens. Tu n'as pas les points, tu ne viens pas ; il n'y a pas plus de points…” (p. 100).

De façon générale, l'ouvrage reste très descriptif et on cherche les passages d'analyse. Plus grave encore, elle rapporte les propos d'un personnel de direction, sans émettre la moindre critique, contextualisation ou analyse, suggérant ainsi que les propos tenus sont fiables. L'ennui, c'est qu'au-delà du fait qu'elle offre une tribune sans contradiction à un personnel de direction, les propos suggèrent un certain mépris vis-à-vis des professeur·es qui enseignent ailleurs : “Les enseignants ici, eux, enseignent. Ils ne sont pas dans la déploration en salle des profs ; ils sont vraiment dans le programme, dans la connaissance. Ils sont très mobilisés, il n'y a jamais de grévistes.” (p. 95).

Finalement, les problèmes de cet ouvrage sont résumés par l'autrice elle-même, lorsqu'elle écrit “Difficile d'expliquer que je ne sais pas moi-même ce que je viens chercher. Et s'il y a d'ailleurs quelque chose “à trouver”.” (p. 108). Dans ces conditions, difficile de démontrer quoi que ce soit.
Lien : https://valmed.hypotheses.or..
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C'est peut-être intéressant pour un étudiant en sociologie, mais franchement, que c'est fastidieux à lire ... Entre les descriptions architecturales à rallonge, et pas mal de redondances, j'ai lu certaines pages en diagonale (beaucoup, finalement ... ) et le livre m'est tombé des mains arrivée à la moitié.
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Video de Sarah Pochon (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Sarah Pochon
Que se passe-t-il derrière la porte d'un grand lycée parisien ? Elles nous font entrer à Henri-IV : Sarah Pochon, socio-ethnologue et auteure de "Derrière la grande porte" (Editions du Détour, 2021), et Laure-Elisabeth Bourdaud, co-scénariste du téléfilm d'Arte "Les Héritières", sont nos invitées.
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