Ouvrage qui concerne la famille et l'école. Comment sanctionner?
Pas n'importe comment en tout cas. D'abord, dans les pays du nord de l'Europe puis dans bien d'autres pays, on punit les punisseurs (les punisseurs sont ceux qui infligent des punitions corporelles). Peut-être bientôt la fessée interdite en France?
Un argument scientifique: l'usage répété de punitions corporelles rend les enfants plus agressifs. Ils deviennent plus tard des adultes brutaux et violents. Un vrai cercle vicieux.
Petite précision préalable sur la définition du mot "sanction"car il recouvre plusieurs sens: il peut être une peine ou un avantage. L'auteur ne retient pas l'aspect de la gratification et de la valorisation mais s'intéresse à ce qui porte atteinte aux normes. Il choisit donc d'utiliser "sanction" comme " punition". Quant au mot "punition", il s'identifie tellement à une conception expiatrice du punir que l'auteur veut l'éviter.
Eirick Prairat dessine donc, par ces mots choisis, une idée de la sanction éducative qui s'éloigne précisément de la conception punitive.
Il illustre ce cheminement par des faits historiques.
Dès l'Antiquité, il y a le mythe de l'expiation: chaque faute, conçue toujours comme un mal, voit l'auteur de cette faute puni d'une peine souvent douloureuse qui équilibre ou "efface" le mal commis. Ainsi, l'expiation sacralise la douleur et lui prête des vertus éducatives, en faisant de l'expérience douloureuse un moment rédempteur. Prairat critique ce mode de sanction tourné vers le passé, comme si cette punition pouvait rétablir une situation antérieure au méfait, et propose de regarder devant soi.
Puis vient Rousseau, repris par un autre philosophe, Spencer, et l'idée de sanction naturelle. " Si l'enfant se goinfre, il sera malade", "s'il est impoli, on ne lui parle plus", "s'il joue avec une épingle, il se piquera". Et avec la théorie comportementaliste, il ne s'agit plus de laisser la nature punir mais de punir comme elle. Limite de cette théorie: cela peut devenir du formatage ou du dressage.
Une piste moyenâgeuse s'ouvre avec Jean Gerson qui suggère de fonder une relation éducative moins sur la contrainte et la coercition que sur la vigilance et l'exemplarité.
Il faut attendre 1803 pour trouver l'interdiction des châtiments corporels à l'école. Et bien longtemps après pour qu'elle soit appliquée...
Dorénavant , ce qui prévaut c'est intégrer la sanction à l'oeuvre d'éducation. "Si l'enfant n'a pas conscience de la faute commise ni de sa responsabilité personnelle, comment voulez-vous qu'il admette la légitimité de la punition?"(Freinet) ". Cela devient comme une primauté de la loi et non plus la prééminence des adultes. C'est à dire:
1. Un principe de signification qui demande que la punition soit comprise
2.Un principe d'objectivation: on sanctionne un vol pas un voleur, une tricherie pas un tricheur, etc. L'adulte centre ainsi son intervention sur la situation et non sur le caractère ou la personnalité de l'enfant.
3.Un principe de privation: le ressort de la sanction est la frustration.
4. Un principe de socialisation, avec un acte de réparation, un geste, une parole - une lettre! ou un don du coupable à l'attention de la victime.
Voilà, il n'y a plus qu'à pratiquer cette théorie dirait un bon pédagogue...
Ce "Que sais-je?" m'a paru intéressant sur les points cités, mais il souffre cruellement de cas concrets. Citer Meirieu ou même
Kant, comme le fait l'auteur, ne donne pas toutes les solutions finalement.