Le choix d'un
Léonard de Vinci menant l'enquête est une idée aussi originale que délicate à mettre en oeuvre. Comment écrire une fiction historique en y intégrant un personnage ayant réellement existé et admiré de tous sans en ternir l'éclat ni la réputation ? Ici,
Guillaume Prévost semble avoir résolu une partie de ce problème en intégrant au récit un narrateur fictif, un jeune étudiant en médecine, nommé Guido Sinibaldi. Léonard n'est donc finalement pas le personnage central du récit bien qu'il joue un rôle fondamental dans l'intrigue.
Guido, le narrateur de cette histoire, est le fils de l'ancien barigel de Rome. Son père, honnête et compétent, mourut au cours de l'exercice de sa fonction, lors d'une fusillade. le capitaine Barberi, qui était son second à l'époque, était présent au moment du drame et depuis, ne se pardonne pas de n'avoir rien pu faire pour le sauver ce jour-là. Il s'est par la suite beaucoup occupé de Guido et c'est lui qui dans le cas présent lui permit de s'investir dans cette enquête.
La rencontre entre Guido et de Vinci a lieu dès le début de l'affaire, dans la salle de dissection de l'hôpital San Spirito où repose le premier cadavre. Les connaissances de de Vinci, qui avait l'habitude de se rendre à San Spirito pour ses dessins d'anatomie avaient conduit Barberi et le doyen à s'enquérir de son avis sur les causes du décès. Guido, qui admirait beaucoup le célèbre artiste engage la conversation avec lui et lui propose, grâce à ses relations, de prendre part à cette enquête. Léonard, séduit par le mystère de toute cette affaire et ravi de cette opportunité que lui offre Guido accepte sans hésiter. Ainsi commence l'aventure des deux hommes.
A l'époque où se déroule l'intrigue, de Vinci est un vieillard. Il est sous la protection de Julien de Médicis et nous apparaît comme un « sage » qui guide le jeune Sinibaldi. Tel un mentor, il le conseille, l'encourage à se poser les bonnes questions.
Je dois avouer que je me demandai rapidement ce que venait faire ce jeune étudiant dans cette enquête qui ne le concernait en rien. En outre, je trouvais le jeune Sinibaldi assez passif et « inutile », dans le sens où il semblait dépassé par les évènements et plus spectateur qu'acteur de l'investigation. C'était de Vinci, le véritable cerveau du duo, lui qui trouvait les pistes, qui menait à bien les raisonnements et semblait avoir l'enquête en main. Néanmoins, Guido a bel et bien un rôle de premier plan dans le dénouement et est un héros auquel on s'attache.
L'auteur profite aussi de son livre pour nous offrir un splendide diaporama de Rome au XVIième siècle, toile de fond de cette intrigue. Au détour d'un paragraphe, il glisse de fines descriptions des grands monuments (la chapelle Sixtine, colonne de
Marc Aurèle…) et intègre à son récit de grandes têtes historiques. Ainsi, croisons-nous le peintre Raphaël, le pape Léon X ou encore Francesco Melzi, élève de de Vinci. Il nous livre également des anecdotes, glisse des références à la vie de certains personnages (et notamment de la vie de de Vinci). J'ai en outre particulièrement apprécié d'y découvrir en chair et en os Salaï qui a eu une grande importance dans la vie de Léonard ou même certains clins d'oeil tel que de Vinci évoquant sa tendance à ne pas terminer ses oeuvres ou bien la peinture de « Saint Jean Baptiste » (bien que sur le sujet l'auteur ait pris quelques libertés, c'était assez amusant de la retrouver ainsi dans ce roman). Autant de références et de clins d'oeil qui « pimentent » le récit et le rendent d'autant plus savoureux.
Au niveau de l'intrigue policière en elle-même, j'avoue que j'ai noté quelques longueurs. A l'image des personnages, j'ai trouvé qu'on piétinait pas mal de temps. le rythme s'accélère vers la fin. A partir de là, tout s'enchaîne très vite. Peut-être un peu trop vers la fin. Certaines de mes questions restent en effet sans réponse, notamment la façon dont Guido a pu déduire certaines choses.
En revanche, elle est bien menée, recherchée et l'auteur brouille bien les pistes. le coupable a été une « surprise » (entre guillemets parce que comme dans tous les policiers on en vient quand même à suspecter tout le monde !) et j'ai trouvé l'idée du mobile très bon.
La pseudo histoire d'amour de Guido m'a par contre déçue. Je ne l'ai trouvée ni touchante, ni très crédible… et particulièrement bâclée. Sans compter qu'elle n'apporte pas grand-chose à l'intrigue. Quitte à vouloir en intégrer une au récit, j'aurais préféré qu'elle soit plus développée. Ici, elle se concentre sur quelques pages ça et là. A la fin, j'avais même l'impression que l'auteur l'avait complètement oubliée ! Et finalement il la boucle en deux-trois phrases dans la toute dernière page…
Néanmoins, l'ensemble reste un policier historique de grande qualité avec une bonne intrigue, et des personnages travaillés.
Guillaume Prévost nous livre ici une oeuvre très documentée qui permet au lecteur de visiter Rome au XVIième siècle à travers une aventure aussi mystérieuse que captivante.
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