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EAN : 9782908606935
150 pages
Entrelacs (19/11/2014)
3.12/5   4 notes
Résumé :
Réunis plusieurs fois à l'occasion des rencontres d'Ascona, H. Corbin et C.G. Jung ont souvent échangé sur l'expérience religieuse. Les rapports du psychanalyste suisse à la pensée bouddhique sont repris dans cet ouvrage, ainsi qu'une analyse de la Réponse à Job, essai dans lequel il évoquait la figure de la divine sagesse Sophia.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Henry Corbin était un bon pote à Jung. Ils ont pas mal causé aux rencontres annuelles du cercle Eranos à Ascona, en Suisse, organisées par une friquée bien intentionnée, Olga Fröbe-Kapteyn, un genre de catalyseuse des avant-gardes spirituelles. Peut-être qu'elle s'ennuyait aussi.


Corbin nous fait bénéficier de sa connaissance des philosophies et spiritualités orientales pour comprendre la psychologie analytique jungienne sous un autre angle. Il se réfère notamment au bouddhisme tel qu'il fut justement présenté par D. T. Sukuzi aux réunions Eranos. On comprend mal ce bon vieux Jung en Occident mais en Orient, il aurait peut-être fait aussi peu d'étincelles qu'un BHL à la RATP. On retrouve dans l'enseignement du bouddhisme, comme dans la psychologie jungienne, l'appel adressé à l'individu en vue d'une expérience qui transforme son mode d'être et de comprendre, sans que ce ne soit une profession de foi dogmatique. Jung avait écrit :


« Je ne doute pas que l'expérience du satori se produise aussi en Occident, car il y a aussi chez nous des êtres humains qui ont le pressentiment de buts ultimes et ne reculent devant aucune fatigue, aucun effort pour s'en approcher. Cependant ils tairont ce qu'ils ont expérimenté […] parce qu'ils savent que toute tentative, tout essai pour la transmission est sans espoir. Car rien dans notre culture ne fait des avances, ne vient à la rencontre de cet effort […]. le seul mouvement de l(‘intérieur de notre culture qui en partie possède, en partie devrait posséder, une compréhension pour cet effort, est la psychothérapie. »


Un paradoxe se présente cependant : le Zen évacue les images tandis que la thérapie jungienne met en oeuvre l'Imagination active. Il se résout cependant facilement en comprenant que la thérapie jungienne demande à chaque conscience individuelle d'élaborer son univers symbolique. « La mise en oeuvre de l'Imagination active dans la thérapie jungienne, tend non pas à imposer un répertoire d'images préalablement fixé mais à mettre le fonds le plus intime et le plus secret de l'âme à même de se libérer par la configuration de ses propres symboles ». Dans les deux cas, il s'agit d'évacuer les images qui ne nous appartiennent pas.


Un danger se présente pour l'occidental engagé dans cette démarche. Les modèles manquent alors qu'ils abondent dans la tradition bouddhique. Gros risque d'inflation en vue, ou fascination pour des personnages qui se font passer pour les maîtres. L'individu peut aussi sombrer dans la « nuit de l'âme », la grande dépression, parce que ça fait trop d'un coup pour lui. Tout ceci, le Zen l'ignore. L'expérience bouddhique connaît le monde des kléias (passions) mais pas le conflit moral qu'il signifie pour nous, le dilemme éthique qui nous sépare de notre ombre, la connaissance de l'esprit contre la nature. « Pour trouver un parallèle oriental aux tourments et catastrophes qui menacent l'Occidental sur le chemin de son initiation à son être total, il faudra lire le Bardo Thödol à rebours ». L'initiation du vivant consiste alors à remonter depuis l'état où le défunt « était incapable d'accueillir l'enseignement jusqu'à l'état de parfait Eveil du Chikhai Bardo ». Il faut pour cela passer de Sidpa à Chönyid Bardo. C'est comme une psychose provoquée intentionnellement. Elle produit un renversement périlleux des efforts et des intuitions de l'état conscient, un sacrifice de la sécurité confortable, mais se présente ensuite le réconfort de la vision de divinités paisibles. C'est à ce moment-là qu'apparaît le fameux archétype.


Le taoïsme, étudié à travers le texte du « Mystère de la Fleur d'or », permet de comprendre le principe d'individuation qui suit cette prise de conscience. L'individuation correspond au Tao en tant que coïncidence avec la conscience non égotifiée, « connaissance fondamentale qui, ayant cessé de s'objectiver en de fictives réalités, est à elle-même son objet : elle sait que son objet ne diffère pas d'elle ». Elle permet d'échapper à la projection, source des conflits, des accusations, des méprises. Cette suppression de l'ego n'est pas complète annihilation mais disposition à accueillir un pouvoir supérieur.


Tout se termine par l'accueil de la Sophia, dont Jung a parlé dans ses déclinaisons de l'Anima/Animus. Corbin interprète « Réponse à Job », le fameux commentaire de Jung sur l'épisode biblique, comme un hiérogamos entre le Soi et la Sophia. Cette histoire constitue le dénouement d'une dramaturgie humaine se répétant dans chaque individu : comment, en se dépouillant de l'ombre, Dieu naît à l'homme et l'homme à Dieu, comme Filius Sapientiae fils de Sophia ? Ce texte s'adresse à « l'homme capable de penser loyalement seul à seul devant soi-même » parce que ce livre est lui-même « une oeuvre des plus authentiquement individuelles », « confession de toute une vie ». Alors s'accomplit l'individuation, la naissance de l'Enfant divin dans l'homme créaturel, fruit de la hiérogamie céleste dans le plérôme à laquelle réfère l'Assomption de la Vierge Mère. Ce sont des mots à la con, je vous l'accorde, ce qui est bien dommage car ils désignent malgré tout des réalités accessibles à la vie.


Le texte des « 7 sermons aux morts », écrit par Jung en quelques jours dans un état d'exaltation, est ici présenté comme l'exemple du sort qui est échu à ceux qui ne prennent pas en compte l'appel lancé à l'individuation. « Les morts revenaient de Jérusalem, où ils n'avaient pas trouvé ce qu'ils cherchaient. Sans doute parce qu'ils ignoraient encore qu'ils étaient morts. le message qui réveille d'entre les morts est le message qui éveille à la conscience que la créature meurt dans la mesure où elle ne parvient pas à conquérir sa différenciation, parce que le principe d'individuation est le secret même de la Création. Un monde collectivisé qui refuse ce principe, un monde où l'individu personnel tremble de se différencier, est un monde maudit, parce qu'il condamne la créature à retomber au-dessous d'elle-même, dans l'abîme indifférencié ».


Jung et Corbin ne veulent pas nous convertir aux philosophies et spiritualités extrême-orientales. Pas la peine d'aller faire du reiki au-dessous d'une cascade en Ardèche. « Vouloir rejeter les prémisses de notre propre culture, assimiler l'Orient par une exégèse purement littérale, ce serait le plus sûr moyen de provoquer un nouveau déracinement de la conscience. C'est à partir de notre propre sol que nous avons à nous mettre en route vers cet Orient ». Alors, sur la route, surgirons les questions qui seront capables de provoquer le grand renversement : « qui donc vit la conscience vécue ? Qui est le donateur des données ? » Voilà de quoi faire chauffer le chaudron.

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Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
Structurellement, le Cogitor de Baader apparaît lié à une représentation qui lui est non moins chère et essentielle entre toutes : celle de la Sophia. Par sa chute, l’homme a quitté Sophia en qui il devait demeurer – la « femme de sa jeunesse » comme le dit Salomon –, et Sophia a quitté l’homme. Elle est retournée à l’état incréé, et l’homme a été fixé dans son état purement créaturel. Et pourtant, cette « humanité céleste », dans le lointain où elle réside insaisissable, reste un phare dans la nuit de l’humanité déchue, elle est son ange et son guide. Elle est le nisus formativus, l’instinct suprême et l’idéal suprême de formation. Son image correspond si bien à l’archétype anima-animus, qu’en vertu d’une fantasmagorie sidérique, la Vierge Sophia, ange et guide de l’homme, apparaît à l’amant sous la forme de l’amante, et à l’amante sous la forme de l’amant (ibid. p. 576). Nous avons vu que prendre pour but l’existence spirituelle, c’est tendre à la formation et à la surexistence du corps spirituel, du corps de diamant. De même aussi pour Baader, le but suprême de l’amour, qui dépasse la sphère du temps, est la reconstitution solidaire – l’incarnation – chez les deux amants, de l’Image divine de Dieu ou de la Vierge Sophia, devenue pour l’homme esprit incorporel par où les deux amants s’engendrent à nouveau enfants de Dieu (Susini III, 575-576). Car par la faute de l’homme, Sophia est devenue esprit incorporel. La Vierge Sophia aspire et tend à rentrer en possession de sa « corporéité », laquelle s’entend d’une « corporéité spirituelle » (III 582). Seul réalise cette aspiration celui en qui le Christ a commencé de prendre forme. Ainsi Sophia est la Vierge Mère de l’invisible enfant mystique.

Et cette incarnation continue, s’opérant par le mystère de la Sophia et exauçant le vœu de tous les mystiques (rap. Silésius. « À quoi me sert Gabriel… »), est le dernier mot de la réponse.
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Ne comprenant plus [les faits religieux], on les projette. Les effets perturbateurs sont attribués à quelque volonté mauvaise extérieure à nous-mêmes, de préférence celle du voisin. D’où les illusions collectives, les appétits de révolutions et les frémissements guerriers, bref toutes les psychoses de masses. Si la folie consiste à être possédé par un contenu inconscient non assimilé, quel espoir d’assimilation subsisterait encore, lorsque, précisément, la conscience nie l’existence de tels contenus ?
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Si le processus d’individuation jungien tend à une intégration spirituelle, éthique et religieuse, dont le programme n’est pas fixé à l’avance, mais est conditionné par la formation et les recherches spontanées de chacun ; si, par conséquent, la forme sous laquelle fera éclosion sa conception du monde, son « symbole unificateur », est bien le fruit et le résultat de sa propre expérience –et non pas déjà le contenu proposé au cours de la « préparation » -alors, l’on entrevoit quelle signification il peut y avoir à s’interroger sur le sens d’une intégration possible […] des hautes doctrines et pratiques spirituelles du bouddhisme.
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En fait, il faut un grand renversement intérieur, le sacrifice d’une totale conversion, pour voir comme le monde est « donné » par l’essence de l’âme. Sinon cette simple proposition entendue hors des prémisses de cette conversion, ne peut rendre qu’un son absurde et alarmant parce que le donateur serait identifié au moi égotifiant et égotifié si « rempli de lui-même » que tous les impérialismes de la nature animale égoïste se croiraient justifiés.
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Cet état de la conscience « détachée » ou libérée de l’objet est précisément, dans le bouddhisme, cette Connaissance fondamentale qui, ayant cessé de s’objectiver en de fictives réalités, est à elle-même son objet : elle sait que son objet ne diffère pas d’elle […]. L’achèvement d’une telle unité est au-delà du pouvoir de la volonté consciente, et c’est pourquoi le processus d’individuation ne peut jamais être atteint que par le symbole.
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Qu'Est-ce que le chiisme, par Henry Corbin.
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