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Les belles nuits d'été étoilées sont terminées, dommage, cela aurait été l'occasion de vous imaginer dans un endroit retiré, à l'extérieur par exemple, autour d'un feu de camp ou , simplement allongé dans le foin d'un fenil à la lueur d'une lanterne pour découvrir La Grande Peur dans la montagne de Ramuz (1848-1947), l'histoire d'une petite communauté montagnarde qui, malgré les avis des anciens, décident de réhabiliter un alpage sur lequel plane une malédiction.

J'ai lu ce livre il y a déjà plusieurs mois et, j'avais été vraiment saisie par l'atmosphère, l'ambiance qui s'en dégage, ce glissement irrémédiable vers une grande frousse incontrôlable !
Depuis, j'ai eu l'occasion de séjourner dans la vallée du Ferrand, à Besse en Oisans, et là j'ai encore mieux ressenti la force de ce livre, les mots de Ramuz faisaient échos dans ma tête, tourbillonnaient.
Mon premier séjour dans les Alpes, dans le parc des Ecrins ! Une découverte. Et là, j'ai bien compris ce que voulait signifier Ramuz, la puissance des éléments, du minéral restent et resteront toujours indomptables même si l'homme a su au fil des années, des siècles, s'en approcher et l'utiliser.

Mais revenons au texte de Ramuz, nous sommes au mois de mai, et les troupeaux doivent monter aux alpages pour goûter une herbe plus grasse. Cette année ce sera le pâturage de Sasseneire : « Ce pâturage de Sasseneire est à deux mille trois cent mètres ; il est de beaucoup le plus élevé de ceux que possède la commune, c'est-à dire trois autres, mais qui sont sur les côtés de la vallée, tandis que Sasseneire est dans le fond, sous le glacier. Il arrive qu'à ces hauteurs-là il y ait encore, au mois de juin, des deux, des trois pieds de neige dans les parties mal exposées. »
Donc un décor grandiose, teinté de gris car le minéral y règne, la sente qui y mène est semée d'embûches, de dangers pour les protagonistes qui s'élèvent vers ses hauteurs. Ils franchissent successivement les différents paliers pour arriver au chalet faisant fi des gorges, abrupts, à-pics, éboulis , coulées de neige et du bruit assourdissant du torrent.
Qui dit hauteur dit lumière… mais pas avec Ramuz : le glacier personnifié menace de son ombre
ceux qui se sont installés là en contre-bas pour l'été, dans le chalet qu'il a fallu restauré pour l'occasion.
Et peut-être bien que les vieux avaient raison !
Les amulettes ou prières pourront ils repousser le malin avant que la folie ne s'installe ?
La communauté restée au village est pendu aux nouvelles du haut qu'un messager apporte faisant le lien entre les deux mondes, car pour eux ceux du bas, le temps est encore à la joie.

J'ai dévoré ce court récit et je me suis régalée.
Le lecteur participe au quotidien de cette communauté avec ses conflits, ses fêtes, ses drames, ses superstitions et assiste impuissant à la montée de la psychose collective. L'intrusion du fantastique, du fantasmagorique, la tension grandissante rendent palpable la menace qui plane sur les hommes.
Un récit qui monte crescendo.

Grâce à l'écriture de Ramuz qui interpelle le lecteur, le prend à partie , comme si nous l'avions devant nous, La grande peur dans la montagne devient aussi la nôtre, une histoire qu'on aimerait bien écouter.

Une belle rencontre : je n'avais rien lu de Ramuz et j'ai été séduite.

Ah les réveils au son des sonnailles, nostalgique, me direz-vous ? Non, mais j'ai pas fini de penser à cette montagne grandiose et aux bergers, qui aujourd'hui les occupent toujours, que ce soit dans les Alpes, les Pyrénées ou autres massifs montagneux. Je leurs tire ma révérence et dit bravo à monsieur Ramuz !
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La grande peur. Celle qui vient de très loin. Celle qui vient de la mémoire des hommes. Ces histoires qu'on voudrait bien taire, mais que le vent de la montagne chuchote durant les longues nuits. Ces malédictions dont on ne réchappe pas. Dont personne ne réchappe. Même les plus malins, même les plus jeunes qui se gaussent de toutes ces vieilles histoires sans queue ni tête. À dormir debout.
Pour une affaire de gros sous, il se sont mis dans la tête de réinvestirent le pâturage de Sasseneire. Ils iraient là-bas nourrir les bêtes. Il est très haut dans la montagne, ce pâturage ! Il est au fond de la vallée, à l'ombre d'un grand glacier.
Les vieux leur ont pourtant bien dit de ne pas y aller. de laisser ce pâturage à la montagne. À la montagne seule. Il y a là-haut des forces très anciennes qu'il ne faut surtout pas réveiller. Il y a Lui. Ils ont ri. Ils n'ont pas écouté. Pourtant, malgré leur fière assurance, quand ils sont montés sur les flancs de la grande et vieille montagne, ils n'étaient que des petits points noirs qui bougeaient à peine… Si fragiles. Si insignifiants…
La grande peur. Celle qui noue les tripes. On ne peut pas l'expliquer avec des mots raisonnables. Les pas sur le toit de la grange. Les coups sur la porte. Les meuglements apeurés des bêtes. Ce brouillard épais qui enveloppe les corps et les âmes. le vent qui s'infiltre sous la porte. Victorine qui part à la recherche de son amoureux et se perd. La nuit qui s'attarde. Clou et ses poches remplis de pierres. Joseph qui tire sur la brume et fuit sur le grand glacier… La maladie des bêtes, la folie des hommes… le torrent qui emporte tout… le Grand Vieux Malin qui s'esclaffe…
Quel roman ! Il nous fait frissonner, réveille en nous les peurs ancestrales. Et puis le style ! Un style baroque, puissant qui magnifie la souveraineté de la montagne. Les pas lourds sur la rocaille. Les pierres qui roulent. le soleil qui aveugle. La nuit qui tombe sur la vallée. Tous les bleus du glacier… Puis la petitesse de l'homme et son orgueil démesuré.
Un livre à lire absolument.
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Cela fait vingt ans, depuis une sombre et mystérieuse histoire dont les témoins refusent de parler, que plus personne ne monte à l'alpage maudit de Sasseneire, à 2300 mètres d'altitude et quatre heures de marche au-dessus du village. Pourtant, l'on manque de pâturages pour vivre convenablement. Alors, malgré les peurs et les avertissements des anciens, le maire réussit à rallier les plus jeunes à son projet d'emmener quelques vaches là-haut, à la prochaine estive. En juin, ils sont sept, six hommes et un jeune garçon, à s'installer pour l'été dans le chalet de Sasseneire, pour s'occuper du troupeau. le climat, pollué par les superstitions, est déjà à l'inquiétude. Il vire à une franche peur, lorsque la maladie se met à ravager le troupeau, semblant prouver la vieille malédiction, et coinçant le petit groupe en quarantaine, à la merci des diableries qu'abritent ce coin de montagne.


L'histoire est admirablement contée. Et c'est suspendu à ses mots que le lecteur se retrouve immergé dans le monde paysan et les montagnes du canton de Vaud, en Suisse, au début du siècle dernier. L'atmosphère restituée avec soin est prégnante, les personnages finement observés et criants de vérité, tandis que le style narratif, emprunté avec naturel aux protagonistes, restitue au plus près mentalités et réactions, dans une évocation des plus vivantes. le sentiment d'une menace, d'autant plus troublante qu'impalpable, imprègne le texte dès son incipit, et c'est avec la certitude d'un drame à venir que l'on avance avec angoisse dans ce récit habilement tendu jusqu'à son dénouement.


Au travers de cette narration, que l'on imagine sans peine faire trembler son auditoire dans la lumière dansante du feu à la veillée, Ramuz nous conte les peurs anciennes des hommes dans une nature aussi grandiose qu'écrasante, les croyances et les superstitions nées de l'ignorance et de l'impuissance, l'irrationalité des comportements face à la mort, au danger et à l'inconnu. La montagne, avec ses beautés et ses traîtrises, est la grande prêtresse de cette histoire dont elle a le dernier mot, semblant se gausser des petitesses humaines et jouer à plaisir avec les nerfs de ses habitants.


La puissance d'évocation de la nature, la justesse d'observation des personnages du cru, et la singularité de la langue, travaillée pour restituer l'essence du pays vaudois, font de ce roman un des plus grands classiques de Ramuz, sans doute pour ce canton suisse ce que Pagnol est à la Provence.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Les Dix petits Nègres de cette bonne vieille Agatha peuvent aller se rhabiller.. devant les Sept petits Pâtres de  Charles- Ferdinand!

Du grand Ramuz,  et cette fois une oeuvre plutôt connue,  en France, du grand écrivain suisse.

Depuis 20 ans, une malédiction plane sur Sasseneire, on n'y mène plus les bêtes, pour les estives, et les hommes n'y vont plus...trop de noirs souvenirs...et pourtant l'herbe y est si belle...

Mais l'appât du gain l'emporte, et le président du village-le maire suisse- y envoie sept  hommes:
le maître du troupeau et son neveu
un muletier qui fera le ravitaillement,
un petit gars à tout faire -en Aubrac, on dirait le roule et, en mer, le mousse-, 
un étrange individu, mi-clochard, mi-filou appelé Clou,
un jeune amoureux séparé à grand tourment de sa mie, qui y va pour se faire un pécule de mariage,
et un vieux rescapé de l'expédition précédente qui veut bien y retourner, lui, puisqu'il a survécu et qu'il a "le papier", un gri-gri sensé le protéger des mauvais sorts..

Sept, le chiffre fatidique!

C'est bien une sorte de conte, fantastique et inquiétant, que Ramuz, de sa belle langue étrange et travaillée, se met en demeure de nous conter..

Et nous sommes suspendus à sa plume.

Silences des grands prés sous le ciel, craquements de pas mystérieux sur le toit de bardeaux,  disparitions successives , violentes ou pernicieuses,  épidémie et folles galopades des bêtes malades et apeurées dans la nuit noire.

Escalade dangereuse des séracs, pierriers traîtres , ponts fragiles et embuscades fratricides- le village qui les a envoyés au casse-pipe traite bientôt les pâtres des estives en vrais pestiférés...

Le Malin - qui d'autre pourrait ourdir une telle calamité ? - aura-t-il le dernier mot?

A lire en apnée,  dans une borie ou un chalet, un soir d'orage.

Altitude obligatoire ! 

Frissons garantis.

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♬ Pourtant, que la montagne est belle,
Comment peut-on s'imaginer... ♬
J'ai découvert l'existence de Charles Ferdinand Ramuz tout récemment, en lisant un roman noir, La soustraction des possibles, dans lequel la matrone corse d'un gang de bandits, femme aussi cruelle qu'érudite, vouait une passion effrénée pour cet écrivain suisse romand peu connu, mort en 1947 à l'âge de 68 ans, et en particulier pour un de ses romans, La Grande Peur dans la montagne.
Vite, j'ai couru auprès de ma médiathèque préférée, elle disposait de deux ouvrages regroupant les oeuvres complètes de l'auteur dans la collection de la Pléiade, dans un desquels j'ai retrouvé le fameux roman en question.
Mais la Grande Peur dans la montagne, de quoi s'agit-il ? Quelle est cette peur ?
Une peur ancestrale, nourrie par les légendes, porte la trame de l'histoire.
L'histoire est en apparence toute simple. Nous sommes dans un petite village montagnard en Suisse romande. L'auteur met en scène des paysans dans leur élément, dans l'état le plus pur de la nature. Un immense glacier domine la vallée. Plus haut dans la très haute montagne, il y a un pâturage verdoyant où il pourrait être intéressant de monter les bêtes pour en faire un alpage. L'herbe est verte, riche à foison, mais l'endroit est maudit, prétendent les anciens. C'est pour cela sans doute qu'aucun troupeau n'est monté là-haut depuis vingt ans.
Il y a les anciens du village qui se souviennent et puis il y a les jeunes qui sourient de ses vieilles superstitions qui tiennent encore, deux générations qui n'ont pas le même point de vue. Une petite communauté du village, encouragée par le Président de la commune, propose de réhabiliter l'endroit. Malgré la désapprobation des plus anciens, le conseil de la commune vote en faveur de ce projet. Sept hommes sont volontaires pour monter là-haut avec les bêtes, six bergers accompagnés d'un personnage mystérieux, alcoolique et borgne. Ils vont partager la vie au chalet de là-haut durant les quelques mois d'alpage...
Victorine et Joseph amoureux éperdus à peine sortis de l'enfance, sont deux personnages qui m'ont particulièrement touché. Ils s'apprêtent à se marier, il est jeune berger et c'est pour elle qu'il fait le choix de monter là-haut... Leur histoire d'amour est en quelque sorte le fil conducteur de ce texte.
J'ai été troublé, envoûté par la manière dont l'auteur nous raconte cette histoire.
Charles Ferdinand Ramuz nous invite dans une saisissante description de la nature. C'est peu dire que la montagne incarne ici un personnage à part entière. Elle se révèle dans tous ses aspects multiples.
C'est une sorte de conte vertigineux, une tragédie antique où s'affronte la querelle des anciens et des jeunes, où naît l'aventure alpestre qui en surgit, où des hommes montent avec leurs bêtes dans la montagne comme dans une procession fatale, là où viendra l'enchaînement des malheurs...
L'atmosphère devient peu à peu pesante, le récit monte crescendo. Sans doute l'écriture de Ramuz y est pour quelque chose, par-delà l'intrigue. Ici, c'est le bruit d'une pierre qui dégringole d'une paroi rocheuse, plus loin c'est une crevasse qui appelle le regard dans un écho abyssal. Lorsque la nuit vient, des bruits se font entendre sur le toit du chalet comment si quelqu'un marchait.
Dans la même page, dans le même escarpement, le merveilleux côtoie l'angoisse du pas qui à chaque instant peut trébucher. Une entaille dans la roche devient une fenêtre. L'aurore incandescente se pose comme un oiseau sur le paysage qui se réveille, on pourrait alors presque toucher le ciel posé sur les arrêtes enneigées.
Ici le monde naturel semble côtoyer de près le monde surnaturel à tel point qu'on ne sait pas où s'identifie précisément la frontière entre les deux versants. Quel est ce chemin ténu qui couture les deux parties ?
Dans cette nature minérale et grandiose, il y a quelque chose qui tient du sacré, c'est-à-dire de plus grand que nous. La montagne, c'est un peu comme la mer que je connais mieux, mais peut-être est-ce pour cela qu'à chaque fois que je redécouvre les paysages montagnards, je m'en réjouis et je m'émeus de cette force si imposante et si respectueuse.
C'est un univers onirique, au bord du fantastique, qui nous est délivré dans les mots de l'auteur.
Le paysage alpin est dévoilé dans sa grandeur et son mystère, l'histoire aussi, dans une narration qui m'a emporté. Je ne saurai dire si c'est dans la manière d'agencer les mots, les phrases d'apparence toute simple, l'ambiguïté du paysage, la manière de révéler les sortilèges qu'un névé ou une sente peuvent cacher, la nuit qu'il faut traverser comme un tunnel, le froid et la peur qui viennent jusqu'au bord des pages. Et puis il y a ce glacier grandiose qui domine le texte de bout en bout...
Le style, parfois incantatoire, n'est pas sans m'évoquer la façon dont Jean Giono convoque la nature lui aussi dans ses romans, de la faire entrer de manière insidieuse ou théâtrale dans le récit, de lui donner un rôle crucial, un sens au récit. C'est un peu cela ici.
À chaque instant, l'auteur joue sur une forme d'ambiguïté, jusqu'à la manière de dérouler le récit. Il y a ce « on » qui décrit le paysage et les événements, et je me suis demandé d'où sortait ce mystérieux « on », comme une rumeur venue de la montagne ou de la vallée, une force étrange et mystérieuse qui nous observe, qui nous échappe, qui échappe aussi au destin des personnages.
J'ai senti qu'il appartenait à chaque lecteur de suivre son chemin dans les différents points de vue que propose l'auteur, dans la manière d'interpréter l'histoire, par-delà les faits qui sont narrés. C'est comme un endroit escarpé où brusquement il faut choisir entre plusieurs directions : coïncidence des faits, fatalité, emballement dû à la peur des hommes et des bêtes ou bien quelque chose de maléfique qui dépasse les hommes.
J'ai aimé cette montagne que propose Charles Ferdinand Ramuz, comme j'aime la mer... Comment ne pas être tenté de visiter ce texte vieux de près de cent ans avec nos yeux d'aujourd'hui ? D'y voir, non pas le signe d'une nature qui peut jeter sa malédiction, sceller le sort des hommes, mais plutôt attirer notre attention sur son propre sort. Un texte terriblement intemporel qui m'a donné une envie furieuse de poursuivre la découverte de cet auteur !
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Une vraie bonne surprise!
Grâce au catalogue fourni en oeuvres numérique de la Bibliothèque Romande, je viens de découvrir la prose puissante et tourmentée de Charles-Ferdinand Ramuz.
L' écrivain heurte ses mots, triture ses phrase, les retourne, les répète...et captive le lecteur dans ce récit hallucinant de malheur et de fatalité.
Cette écriture riche et presque chaotique, dans laquelle le randonneur littéraire avance avec précaution pour n'en rien perdre, a pu prêter à controverse? Cependant, le livre refermé et qui me tourne encore dans la tête m'amène à ne voir dans cette façon qu'a eu l' auteur d'exprimer cette histoire, que la seule possible et la plus appropriée.
Une belle eau, comme celle du torrent, donc, que cette écriture comme à peine domptée d'un auteur dont je lirai les autres oeuvres.
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Je tiens tout d'abord à préciser qu'il s'agit ici d'une critique d'un livre audio dans le cadre des masses critiques de janvier 2019. J'ai assez peu écouté de livres audio jusqu'ici. Soit je n'en avais pas l'idée soit je peinais à m'y coller par crainte. Crainte de quoi? je sais pas trop...
C'est une autre approche du texte que d'écouter un livre. Quand on lit soit même on se réserve un temps exclusif à la lecture, le monde fond autour de nous pour en faire émerger un tout nouveau guidé par les mots de l'auteur avec notre interprétation toute entière. Alors que le livre audio peut s'écouter dans un autre cadre. On peut l'écouter en fermant les yeux, dans le noir, en faisant la cuisine, en bricolant... C'est un moment qu'on peut choisir de partager avec quelqu'un aussi. le livre audio, c'est une voix avec ici une lecture quasiment sans faille, agréable et captivante. C'est une voix qui donne plus que le texte, car elle comprend l'auteur à sa manière, parce que c'est plus le lecteur qui nous guide dans la compréhension. Écouter un livre audio c'est prendre le risque de perdre de le contrôle de la lecture, de ne pas en être l'acteur ou dit autrement de saisir la chance de se laisser porter par le lecteur et de céder à la douceur de s'en remettre à autrui. C'est donc une toute autre expérience qui nous est offerte en se faisant lire un texte et je peux comprendre que les avis puissent être assez tranchés sur le sujet.

Pour en revenir à notre livre, c'est par la voix de Pierre-François GAREL que nous découvrons le roman. Des le début le ton est donné. le mystère va planer sur l'ensemble de l'histoire. Il y a les on-dit, ceux qui se souviennent, les anciens, ceux qui savent et disent. Les jeunes ricanent. Une histoire d'il y a 20 ans là-haut dans les Alpages! Bah! tout ça c'est du passé, le vieux sont des radoteurs. Alors on vote... Il y a plus de jeunes qu'avant maintenant, alors on décide d'y retourner là-haut et tant pis pour ces vieilles légendes, les superstitions d'un autre temps.
Malgré tout il faut des volontaires pour y retourner avec les bêtes et ça ne se bouscule pas trop pour l'aventure. Alors on prend ceux qui se présentent, même ceux dont on aurait tord de ne pas se méfier. Il y a même un ancien dans le groupe, un qui y est allé pendant les évènements vingt ans avant, mais il ne craint rien, il a un papier qui le protège, un papier attaché à une ficelle autours du coup.

Ramuz fait monter la tension, tout doucement, en jouant avec ses phrases, avec ses mots. La montagne devient inquiétante, on ne regarde plus son voisin, ni la nuit, de la même manière. Quand on est seul tout là-haut, chacun devient suspect et les soirées au coin du feu prennent une toute autre couleur, étrangement les histoires à la lueur des flammes sont bien plus angoissantes. C'est le lien avec la terre d'en bas qui permet de sauver la face parce qu'on sait qu'on sera bientôt redescendu, que quelqu'un nous attend. Alors on prend son mal en patience et on espère jusqu'à ce que...

C'est un beau roman, frais et bien mené qui sent le grand air, qui nous est offert par Ramuz. le milieu paysan y est très bien dépeint avec sa culture, ses croyances et ses superstitions. La montagne a sa part belle et y est magistralement décrite. Il y a sa présence partout, on entend même le bruit des glaciers qui craquent à côté du bruit des dents qui claquent. C'est une expérience de lecture immersive en compagnie des compères d'infortune, et en compagnie surtout de notre lecteur qui arrive à retranscrire par sa diction cette atmosphère pesante et tragique. Merci à Babelio et aux éditions Thélème pour cette découverte.
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Lorsque l'on est pas d'accord avec nombreux lecteurs au sujet d'un classique, on se fait tout petit, et on essaye d'aller dans le brouillard, d'en sortir au plus vite, là où cette lecture nous a plongé.
...
La montagne, comme la mer, est un environnement sublime mais hostile pour l'Homme, donnant à ses habitants une forme d'humilité et un sens de la solidarité, dépassant ceux des plaines et des villes. C'est un monde d'histoires et de superstitions.
...
C'est avec plaisir que je me lance à l'assaut de ce petit livre, y retrouvant des aspects familiers, ayant passé une partie de mon enfance dans les montagnes vaudoises. La présence dans le texte du Scex Rouge (bien que probablement pas le même qu'aux Diablerets), qui nous faisait bien rire, accompagné de vocabulaire typique, comme le déci, me renvoient là-bas.
...
Ce que certains critiques relèvent comme difficulté m'apparait aussi comme telle: le style.
Bien qu'il soit là pour rendre l'histoire comme dite par les gens du coin — la narration passant parfois au « on a dit, on a vu » — il est à mon sens très critiquable. Les répétitions se répètent sans cesse, entrecoupées de points-virgules; le vocabulaire a un problème: les verbes « aller » et « venir » phagocytent les autres (bien que probablement « réaliste »). Les descriptions peinent à donner du relief, de l'espace à l'ensemble: on est pris dans un univers non pas à trois, mais à deux dimensions (coucou Flatland). Bien-sûr que l'on monte ou l'on descend, mais les étoiles sont au même niveau que les cailloux. L'utilisation des couleurs s'avère parfois jolie, mais elle achève le côté « impressionniste flou » de l'ensemble.
...
Du côté des personnages, on reste encore sur sa faim. Leur communication est presque « finlandaise ». On touche probablement là au noeud de leurs soucis, et encore une fois à une forme de vérité, mais bon sang, qu'ont-ils à tout garder pour eux, au point de ne pas y réfléchir eux-mêmes. On touche là peut-être à un biais cognitif, mais je m'avance sûrement un peu loin, je ne pense pas la volonté de l'auteur comme naturaliste du Crétin des Alpes. Ce Romain en est un bon exemple d'ailleurs… Et puis ce Clou, il est probablement le plus malin, dans les deux sens du mot; la menace qu'il impose n'est jamais résolue…
...
Donc comme mon ami Wyoming, je suis plutôt très déçu de ce livre (en audio, ça doit être pire…), bien que je retenterai avec son « Derborence » sur mes rayons. Cette histoire de superstitions manque de complexité d'intrigue, et son style est aussi indigeste qu'un Papet Vaudois sans sa bouteille de Fendant.
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Sasseneire, un alpage fertile de la Suisse romande est laissé à l'abandon depuis vingt ans, il s'y est passé "quelque chose" et les vieux du village ne veulent pas y emmener paitre les vaches. Mais la jeune génération, faisant fi des vieilles croyances, impose son point de vue ; on y mènera le troupeau.

Le roman de C.F Ramuz, est une chronique montagnarde riche et tragique. Au début de ma lecture j'ai eu un peu de mal avec le style de l'auteur, une écriture à la fois orale dans sa forme et littéraire dans ses descriptions. Mais, une fois que je suis entré dans le récit, ces particularités, n'ont plus été un frein.

La montagne, sa beauté, ses mystères et ses dangers, sont des éléments majeurs du récit, les personnages, sont à la fois rudes et fragiles, simples, mais non dépourvus de profondeur.

Si l'écriture est un peu déconcertante de prime abord, elle s'avère magnifique et, ce court roman une très belle lecture.
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Décidément, je n'en finis pas avec Ramuz, et je suis toujours ébloui par ses romans, leur puissance évocatrice et leur narration absolument originale, sans équivalent, sauf peut-être celle de Céline.
Et celui-là, de roman, je l'avais lu il y a cinquante ans et j'en avais gardé une impression forte, et le souvenir d'une histoire tragique et terrifiante.

A la relecture, c'est toujours aussi terrifiant et noir, ça fait toujours aussi mal, mais et en plus, cette fois, ce que je n'avais pas si bien perçu dans ma jeunesse, il y a l'écriture, incroyable cette manière d'écrire, cette prodigieuse façon de donner à voir, qui m'émerveille à chaque roman, j'en suis au 7ème roman depuis quelque mois, et toujours pas de déception.

Non, Ramuz ce méconnu de nos jours, ce n'est pas l'écrivain du terroir, cet homme qui écrit mal, tel que le voyait à l'époque notre intelligentsia parisienne.
Pas du tout, c'est un écrivain capable de raconter la folie des humains, mais surtout la nature toute puissante, qu'il faut comprendre et respecter, et ne surtout pas vouloir dominer, avec laquelle les hommes doivent composer.

Certes cela se passe, comme toujours, dans cette Suisse que Ramuz connaît bien. Mais ce qui est raconté a une porté universelle et si actuelle pour nous qui voyons toutes ces catastrophes dont tant sont liées aux méfaits de l'activité humaine.

Ici, le registre du roman est celui, terrible, de la tragédie grecque, un destin implacable dans lequel se conjuguent le comportement insensé des humains et la puissance de la nature, étrangère aux préoccupations humaines.

Dans un village de montagne, le « président » de la commune, l'équivalent du maire chez nous, veut que les villageois retournent faire paître leurs bêtes dans un magnifique pâturage situé dans les hauteurs près d'un glacier. Mais cette prairie a laissé un très mauvais souvenir aux anciens, car bêtes et hommes y sont morts il y a une vingtaine d'années et ce lieu a été considéré longtemps comme maudit, habité par le Diable.
Mais tous les plus jeunes se moquent de cette superstition, et veulent profiter du bénéfice que leur procurerait ce lieu pour leur bétail, soutenus en cela par le président et par Crittin, le « Maître » qui possède et a remis en état un chalet de montagne proche du pâturage.
Après un vote, il est donc décidé d'emmener une partie des vaches, et, conduit par le Maître et son neveu, un groupe de sept hommes monte vers le pâturage. Il y a là un ensemble hétéroclite faits de jeunes et de moins jeunes, parmi lesquels il y a Joseph, un jeune paysan amoureux de Victorine et qui compte gagner un peu d'argent en vue de leur mariage.
A partir de là, les catastrophes s'enchaînent, les vaches tomberont malades et mourront, puis ce sera le tour de certains des bergers, d'autres deviendront fous, jusqu'à une catastrophe finale que je ne dévoile pas.

Le tout sur fond de superstitions, de peur du Diable, de pas que l'on croit entendre la nuit sur le toit du chalet, …., et d'une montagne puissante et maléfique.

Et l'auteur nous raconte tout cela avec cette écriture si visuelle et rythmique, que je qualifie de quasi-cinématographique, parce que je ne trouve pas d'autre adjectif pour la qualifier, une utilisation des « on », qui nous font voir ce qui se passe comme si nous étions spectateurs du film, des changements de temps du verbe, d'un rythme qui s'accélère ou ralentit, jusqu'à devenir à la fin une sorte de coda effrénée, puis se terminer par un épilogue très lent. Ça m'a fait penser, bien que ce ne soit pas du tout la même histoire, à la frénésie puis au point final du Sacre du Printemps, n'oublions pas la collaboration amicale entre Stravinsky et Ramuz pour l'Histoire du Soldat.

En conclusion, un roman fort, noir, sans la dose d'optimisme qu'il y a dans Derborence. Mais, pour moi, un incontournable du cher Ramuz.
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