Delsarte a passé quarante ans de sa vie à observer les phénomènes et à en tirer un dictionnaire de la voix et du geste en définissant la signification intime de chacune de ses entrées. Ce dictionnaire doit servir à l’acteur et au chanteur dans la composition des parcours de la voix (inflexion, intensité, durée, etc.) tant pour parler et chanter que pour émettre des éléments vocaux tels que les soupirs d’effort ou d’ennui, les gémissements. Il doit aussi servir à la mise au point de la partition gestuelle du personnage qui leur est assigné.
À première vue, il semble adhérer au credo naturaliste. Sa défense obstinée du « vrai » et du « réel » semble très proche de l’idée sur laquelle se fonde le courant de pensée qui demande à l’art d’être une tranche de vie. Par l’étude méthodique des lois de « correspondance », par l’observation « scientifique » des attitudes humaines, par l’analyse systématique des phénomènes, Delsarte semble anticiper les fondements de tout un courant de l’esthétique de la seconde moitié du XIXe siècle.
C’est l’hypothèse relancée par les élèves de Delsarte et par les disciples de ses élèves entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle : presque tous interprètent l’enseignement delsartien dans une perspective positiviste. Pensons d’une part à certains auteurs français tels l’Abbé Delaumosne, Angélique Arnaud et Alfred Giraudet, et d’autre part aux multiples soutiens américains de ce qu’il était convenu d’appeler « Delsarte System ».
Delsarte considère que, dans le monde des Origines, il existait une gestualité (terme qu’il faut comprendre aussi bien au sens strict que comme signe phonétique) caractérisée par un rapport sans médiation avec la psyché, un langage parfait, connu de tous, universellement utilisé, doté d’un caractère de « vérité » et de « beauté ». Mais, selon une conception néoplatonicienne, il pense aussi qu’au cours de l’histoire de l’humanité, cette gestualité idéale s’est retrouvée de plus en plus ensevelie sous un amas de signes corrompus, tantôt à cause de la volonté délibérée de mentir, tantôt à cause de mauvaises habitudes contractées au cours du temps par l’individu ou par l’espèce.
Delsarte relève qu’en français une même phrase prononcée avec une autre inflexion, par exemple « Il est joli, ce chien ! », peut avoir des centaines de significations différentes : elle peut sous-entendre que l’animal est petit, que l’on craint que quelqu’un puisse lui faire du mal, qu’il est méchant, et ainsi de suite. Dans toutes les langues, l’intonation modifie le sens des mots, mais dans certains cas, comme en chinois, le lien très étroit entre la parole et la « phoné » est particulièrement évident : il est employé en outre de façon consciente et non pas inconsciemment comme c’est la norme en français.
L’objectif des recherches toujours plus acharnées de Delsarte concernant la relation entre le corps et la psyché est de servir de support à l’art : l’étude des positions, des gestes, des inflexions et de l’intensité de la voix (aussi bien quand on prononce des mots que lorsqu’on émet des éléments sonores tels que les sanglots ou les rires) dans l’espace quotidien a un objectif non pas scientifique, mais ouvertement esthétique. Ces recherches ont pour but de sélectionner les gestes et les inflexions à adopter dans le domaine artistiques, comme le montre clairement la lecture des manuscrits de Delsarte.
Presentazione del corso di Storia del teatro e dello spettacolo della laurea online in Teorie e metodologie dell' e-learning e della media education
Prof.ssa Elena RANDI
a.a. 2010