Les théories scientifiques devraient décrire le monde tel qu'il est, tel qu'il fonctionne en suivant des lois reproductibles prouvées par l'observation et l'expérience. Rien n'a l'air plus simple en apparence que d'énoncer cette idée. Pourtant, certaines théories, valables à une époque donnée, ne résistent pas au temps. Les scientifiques eux-mêmes savent que leurs idées ne sont pas gravées dans le marbre, et prudents, énoncent des hypothèses de travail qui cadrent leur domaine de validité. Bien souvent, ce sont ces hypothèses qui sont amenées à être révisées, à l'éclairage de nouvelles découvertes. Mais parfois, une théorie scientifique peut s'avérer être fausse suite à des leurres, à des erreurs d'interprétation, voire à des manipulations aux mobiles plus ou moins douteux (économiques ou idéologiques).
Lorsque deux théories concurrentes s'affrontent au moment de leur conception, bien malin qui peut prédire la théorie qui finira par l'emporter. Encore aujourd'hui, les chercheurs iconoclastes peinent à faire valoir leurs idées trop révolutionnaires face aux dogmes officiels communément admis. Par ailleurs, quelque soit l'époque, des contingences sociologiques, politiques ou économiques ont toujours été de nature à écarter ou à faire progresser le développement de certaines idées scientifiques.
Galilée est toujours d'actualité.
Lorsque deux théories s'opposent frontalement et mettent en jeu des arguments équilibrés entre camps adverses, on parle de « controverses scientifiques ». Cet essai sous la plume d'une vingtaine de journalistes et d'historiens des sciences a pour objet de faire le point sur quelques-unes de ces controverses, survenues entre le XVIe siècle et aujourd'hui. L'ouvrage décrit douze controverses représentatives de leur époque, chaque dossier est complété d'une série d'encarts qui évoquent en quelques lignes d'autres polémiques apparues à la même période, tout aussi édifiantes mais développées de façon minimaliste. Enfin, le dernier chapitre sobrement intitulé « Affaires à suivre » présente les controverses actuelles portant sur des dossiers non définitivement clôturés (OGM, cellules souches, mortalité des abeilles, nanotechnologies, gaz de schistes, etc.)
Cet essai reprend, sous la forme d'un livre, une compilation d'articles parus dans un numéro spécial d'août 2013 du magazine le Recherche « 500 ans de controverses scientifiques ». Il n'est rien d'autre que cela. En conséquence, il faut s'attendre à ce que le style journalistique des exposés privilégie le sensationnel et l'anecdotique à l'analyse scientifique et aux démonstrations. le choix des sujets est lui-même discutable. Je n'ai trouvé qu'un seul thème illustrant réellement un changement de paradigme scientifique (la mémoire de l'eau). Les autres sujets relèvent surtout de querelles de personnes portant sur la paternité d'une découverte (l'invention du calcul différentiel par Newton et
Leibniz), le choix d'une méthode (le calcul de l'âge de la Terre par Darwin et Kelvin), l'acceptation d'une idée (la génération spontanée de Pouchet, la tectonique des plaques de Wegener, le réchauffement climatique, la quête de la conscience) ou le décalage culturel (l'homme de Kennewick), et non de débats scientifiques mettant en présence des thèses concurrentes, débats que je m'attendais à trouver dans un tel ouvrage.
Les controverses plus actuelles qui clôturent l'essai sont à peine esquissées et laissent le lecteur sur sa faim. On aurait aimé trouver les arguments pour ou contre permettant d'éclairer les points de vue des partisans et des détracteurs. Et, ici également, les sujets sont moins scientifiques que politiques ou sociétaux, et relèvent des dangers des retombées et des applications de la recherche scientifique plutôt que de la pertinence ou des fourvoiements des théories sous-jacentes.
Une fois clairement posées et acceptées les limites de l'exercice (le style journalistique dû à la parution initiale des articles en magazine et l'absence de développements compte tenu de ce format d'édition), cet ouvrage mérite néanmoins que l'on s'y arrête, une partie des polémiques présentées étant peu connues du grand public.