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EAN : 9791027901715
525 pages
Anacharsis (19/01/2016)
5/5   6 notes
Résumé :
L'enfermement systématique des lépreux sur l'îlot de Spinalonga, au large de la Crète, débuta en 1904. Il devait perdurer jusqu'en 1957. Epaminondas Remoundakis y fut interné pendant vingt ans. Soucieux de revendiquer l'existence pleine d'un homme normal, il témoigne ici de la totalité de sa vie et non de son seul destin de proscrit. Il raconte avec un talent virtuose sa jeunesse buissonnière, sa vie d'étudiant à Athènes, son arrestation, son quotidien sur l'île. À ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Reçu lors d'une Masse critique de Babelio, ce livre a nécessité de ma part plusieurs essais de lecture tant il est riche, complexe et intéressant et mérite d'être lu lentement, en prenant le temps de faire des recherches sur les thèmes qu'il aborde. C'est donc avec des mois de retard (et je m'en excuse) que je publie cette chronique, sans regrets cependant car le jeu en valait la chandelle.

En effet, ce livre a pour base la retranscription de propos enregistrés en 1973 par Epaminondas Remoundakis, né en 1914 en Crète dans la province de Sitia. Âgé d'une dizaine d'années à peine, il a vu apparaître sur ses bras des taches roses entourées d'une auréole : la maladie de Hansen ! Plus connue sous l'appellation terrifiante de lèpre ! Il sait que sa soeur chérie, Maria, est partie à Athènes pour y être soignée dans la clinique de leur frère médecin, Giorgos. Sa terreur est d'être arraché à son village, à ses parents, à son école, à ses amis, à l'île mythique de Koufonissi où il passe ses vacances.

Dans les années 20-30, la lèpre était vue en Grèce comme un fléau pour la santé publique, à priori localisée presque uniquement en Crète. Un plan de défense pour la santé publique a alors été mis en place qui incitait les gens à dénoncer d'hypothétiques malades aux services d'hygiène afin de les parquer d'abord à Agra Varvara sur le continent, puis dans l'île de Spinalongua en Crète pour les cas non soignables.

Ce livre est une somme extrêmement riche et détaillée de tous les éléments qui font le mode de vie des Crétois de la première moitié du 20ème siècle. On dirait une thèse d'ethnologie tant y sont détaillés les habitudes, l'artisanat, le commerce, le quotidien des gens, leurs rapports entre eux. le tout sur le ton à la fois sérieux d'un monsieur qui rassemble ses souvenirs en essayant d'être le plus exhaustif possible et celui, plus malicieux, du gamin qu'il était encore à l'époque.

Pensez ! Dix-sept ans, un avenir d'avocat devant lui, des études de droit satisfaisantes et puis...la catastrophe ! Sur dénonciation d'une cousine éloignée et malfaisante, la gendarmerie, l'exil, le « parquage » dans un camp puis le transfert sur une île maudite, celle des lépreux. Comment peut-on accepter tout cela à dix-sept ans ? D'autant que s'ajoute à la peur et au chagrin, la douleur de savoir que Maria, la soeur chérie, a déjà les sourcils absents et le visage rongé par la maladie. Il dira aux gendarmes venus la chercher qu'elle a été brûlée lors de l'explosion de la gazinière...

Parmi les paysans crétois, Epaminondas est remarquable, seul à être instruit, cultivé, soucieux d'améliorer la vie sur l'île. Il organise une association, revendique des soins et une alimentation corrects, de l'eau propre, une meilleure hygiène. Il fait blanchir les maisons et les sanitaires à la chaux : on fait le parallèle entre lui et le passeur Charon, qui faisait traverser les eaux noires de l'Achéron aux morts, une pièce d'or dans la bouche (l'obole) pour le payer, lui qui facilite le passage des malades vers un au-delà libérateur.

On l'écoute, les progrès arrivent, à ce point que les malades finissent par passer pour des nantis, avec leur solde versée par l'État, et que les « sains » des villages voisins les jalouseront... ! Tout en faisant leurs choux gras d'un commerce avec eux...

Le narrateur s'attache à restituer le contexte historique, parlant du rêve de la Grande Grèce, des conflits avec les Turcs jusqu'au traité en 1923, avec Kemal Atatürk pour une collaboration économique pacifique. Il rappelle l' « Échange » où on a vu des Grecs d'Asie mineure revenir en Crète et sur le continent en échange de Turcs, repartis vers le Bosphore.

A côté du vécu de cet attachant personnage, devenu aveugle et la voix cassée à cause de la maladie, il y a toutes les informations qui nous parviennent sur ce fléau, son caractère non contagieux dit-on car le bacille ne survivrait pas en dehors du corps du malade (et là, on s'interroge?), ses symptômes, ses traitements, son évolution et tout l'aspect politique du sujet. Ce sera à Maurice Born, médecin biologiste ayant travaillé à l'institut Pasteur en Grèce que nous devrons de passionnantes informations sur le sujet dans la seconde partie du livre.

Aujourd'hui, il y a encore environ 200 000 nouveaux cas de lèpre chaque année, notamment en Asie du Sud-Est. Et l'association Raoul Follereau (du nom d'un célèbre biologiste fortement engagé dans ce combat) continue d'essayer de rendre santé et dignité aux malades.

Aujourd'hui, il ne reste plus grand - chose sur Spinalonga des bâtiments dédiés aux lépreux. Un souvenir, une plongée en eaux troubles que viennent faire chaque année des milliers de touristes assoiffés d'expériences via les agences de voyages. Business is business...

Un livre absolument passionnant pour lequel je remercie vivement Babelio et « Masse critique ».

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Epaminondas Remoundakis (1914-1978), Crétois, malade de la lèpre, fut, comme cela se faisait à l'époque, interné pendant 20 ans sur l'îlot rocheux de Spinalonga. En 1972, devenu aveugle à cause de sa maladie, il a, à la demande de Maurice Born, ethnologue suisse, enregistré le récit de sa vie qui fut ensuite retranscrit en grec puis traduit 30 ans plus tard. Ce récit est suivi ici d'un essai de Maurice Born, Archéologie d'une arrogance, présentant l'histoire de la lèpre et des lépreux en Grèce.

Vies et morts d'un Crétois lépreux : Epaminondas Remoundakis était le fils d'un propriétaire terrien, notable local de son village. Malgré une aisance relative il raconte une vie encore très rustique dans un village reculé de Crète au début du 20° siècle. L'enfance prend vite fin quand on lui détecte la lèpre à l'âge de 12 ans. le jeune Epaminondas doit alors quitter sa famille pour aller vivre à Athènes chez sa soeur, également atteinte : les lépreux crétois étaient en effet déportés vers l'îlot de Spinalonga. Cette loi ne concerna le reste de la Grèce que plus tard. C'est un deuxième déchirement pour cet enfant qui a perdu sa mère cinq ans plus tôt. A Athènes cependant Epaminondas bénéficie d'un suivi médical et va au lycée puis à l'université. Il est bon élève et envisage de devenir avocat.

En 1935 Epaminondas est dénoncé comme lépreux et interné, d'abord à Agia Varvara, station antilépreuse proche d'Athènes, puis à Spinalonga. Quand il y arrive en 1936 il découvre des conditions de vie très précaires. Près de 300 malades vivent là dans des masures insalubres et sans même avoir droit à des soins palliatifs (on ne sait pas guérir la lèpre à l'époque). Epaminondas va devenir l'organisateur et le porte-parole de la communauté qu'il va organiser pour lui permettre de lutter pour ses droits. L'internement des lépreux grecs prend fin en 1957 après la découverte en 1942 d'un traitement qui stoppe la progression de la maladie et détruit le bacille. le malade devient négatif, il est "blanchi".

Epaminondas Remoundakis raconte bien comment la précocité de la maladie a influé sur son caractère, l'a rendu honteux de lui-même de par le regard stigmatisant porté sur les malades. En même temps, en ce qui le concerne, l'espérance n'est jamais totalement étouffée ce qui lui permet d'obtenir l'un des leaders de Spinalonga et d'obtenir des améliorations de la situation. La lutte est aussi pour lui un moyen de ne pas se laisser déborder par le désespoir. J'ai trouvé ce récit fort intéressant.

Archéologie d'une arrogance : le texte de Maurice Born contextualise et place dans un cadre plus vaste le récit personnel d'Epaminondas Remoundakis. Il s'agit d'une histoire de la lèpre et du traitement des lépreux en Crète de l'époque moderne à nos jours.

On s'est longtemps demandé si la lèpre était une maladie contagieuse ou héréditaire. Elle est due au bacille de Hansen, proche de celui de la tuberculose, même si, au début du 21° siècle, on ne sait toujours pas vraiment comment elle se transmet. C'est une maladie très peu contagieuse qui sévissait encore à l'état endémique dans certaines régions d'Europe à la fin du 19° siècle : la Crète mais aussi la Norvège (d'où était originaire Hansen). Bien souvent la maladie et les malades ont été assimilés. On a pensé que quand il n'y aurait plus de lépreux la lèpre serait éradiquée. En Norvège cela a conduit à interner les gens dans des établissements surpeuplés où ils sont morts en masse. La lèpre frappant plus souvent les classes pauvres il y a là aussi une sorte d'hygiénisme social. Quand des personnes aisées sont atteintes de la maladie les mesures d'enfermement ne s'adressent pas à elles. Les médecins d'Europe du nord qui viennent en Crète étudier la maladie y arrivent avec leurs préjugés coloniaux dans un pays qu'ils considèrent comme sous-développé. L'auteur montre bien comment leur sentiment de supériorité les aveugle. le régime alimentaire, jugé malsain, est mis en cause (le régime crétois !).

En Crète les lépreux sont internés à Spinalonga à partir de 1904. Parfois l'interné est rayé des registres d'état-civil de son village : il n'existe plus. C'est ce qui arrive à Epaminondas Remoundakis. Spinalonga est un îlot rocheux impropre à l'agriculture. L'Etat verse une petite pension aux malades pour leur permettre de survivre. Dans une région pauvre cela fait figure de manne et les paysans des alentours vendent, à prix fort, leur production à cette clientèle captive. Après la découverte d'un traitement l'internement perdure encore plusieurs années par négligence, paresse intellectuelle mais aussi pour maintenir la ressource économique.

J'ai trouvé cette deuxième partie passionnante. J'ai découvert plein de choses que j'ignorais totalement. L'histoire de la lutte contre la lèpre, bien sûr, mais aussi des aspects de l'histoire de la Grèce et de la Crète. Maurice Born présente de nombreux documents qui sont finement analysés pour faire ressortir les aspects peu sympathiques d'une certaine recherche médicale à la fin du 19° et au début du 20° siècle. Pas sûr que de tels errements dus au sentiment de supériorité ne soient plus possibles aujourd'hui.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Au sud de mon village, vers la gauche, on peut voir la mer. A droite par contre, une colline d'à peine dix mètres de hauteur cache l'horizon. Cette colline s'appelle Skopeli, qui signifie "écueil", et précisément, dépassant ce rempart, un spectacle rare s'offre aux yeux, un paysage que seule une imagination poétique pourrait décrire. La mer de Libye à l'infini, qui repose le regard et remplit l'âme de paix, peuple l'esprit de rêves de pays lointains, de l'autre côté de l'immensité. La mer qui rejoint l'horizon et puis, au milieu de tout ce bleu, à six milles de la côte, quatre petites îles et une plus grande, aux couleurs argentées, posées, dirait-on, par le Créateur pou embellir le tableau et lui rendre grâce.
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La réponse est si convaincante que Stefania ne doute pas une seconde et, quoique connaissant la fatigue de son mari, elle rentre en courant et lui dit : "Bonheur à toi, mon Gorgio, un caïque est arrivé à Atherinolakkos et ils y vont tous acheter de l'orge".
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P. 132 : « Avant d'écraser sa victime, la maladie dont je suis atteint lui donne une allure, une beauté resplendissante qui suscite l'admiration de ceux qui ne savent pas. »
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"De la Terre tu viens et à la Terre tu retourneras." Souhait que le corps ne se momifie pas, ce qui signifierait que les péchés du défunt ne seraient pas absous.
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Mes les vieux connaissaient bien les signes du beau temps et ne se trompaient pratiquement jamais. Mon grand-père avait choisi la fin avril pour mettre en oeuvre son chantier, juste avant la récolte des légumineuses.
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