Un beau jour, un soldat allemand, juste pour rigoler, abat le chat d'Agnès. Sur quoi, Agnès tue le soldat !
Voilà, le fond de l'ouvrage le plus célèbre de
Renata Viganò (1900-1976) "
Agnès va mourir" de 1949. Une oeuvre, dans les années 1950, fort contestée, mais aujourd'hui considérée comme un des grands romans du néo-réalisme italien. Un livre qui m'a vraiment plu.
Un film homonyme fut réalisé par Giuliano
Montaldo avec la grande actrice suédoise, Ingrid Thulin, dans le rôle d'Agnès, avec à ses côtés, Michele Placido et Aurore Clément, mais malheureusement pour elle, l'année de sa mort.
À 12 ans, la petite Renata de Bologne publie son premier recueil de poésies "Ginestra in fiore" (Genêts en fleur) et 3 ans plus tard, son premier roman "Piccola fiamma" (Petite flamme), mais malgré son talent littéraire elle est envoyée travailler à l'hôpital, afin de gagner des sous, et elle y apprend le métier d'infirmière. Des études de médecine, son rêve, étaient hors de la portée financière de la famille Viganò. Pendant de longues années, elle combine son travail avec des poésies et de nombreux textes pour journaux et magazines. Mais c'est son histoire d'Agnès qui va la propulser à l'avant de la scène littéraire italienne. Comme partisane durant la guerre, ce livre sera suivi de plusieurs autres, inspirés par sa propre expérience de résistante. le plus connu étant sûrement "Le donne e la Resistenza" (Les femmes et la Résistance) de 1955.
Agnès est une femme simple qui vit avec son mari dans un village isolé du Nord Italie. Lors d'une rafle, son mari est embarqué par les Bosches sans raison. Pour elle, son Paolo, surnommé Palita, est le centre de l'univers. Un homme affaiblit par une maladie d'enfance, mais foncièrement bon. Un amour sans passion les lie, mais sincère et basé sur une dévotion tranquille réciproque. Pour elle presque un amour maternel. Des résistants l'informent qu'il a très probablement été dénoncé. Elle décide, alors, d'aider les partisans en rendant des petits services de plus en plus nombreux et dangereux, comme la livraison de messages, puis du matériel explosif. À leurs demandes, elle a coutume de répondre "Si je peux!" Ainsi, dans sa petite maison un radio émetteur clandestin est installé. Seulement comme voisins, elle a la famille Minghina, constituée d'un père faible, d'une mère ambitieuse et de 2 filles qui couchent avec Schleus et Chemises Noires.
Par un évadé du village, Agnès apprend que son mari a succombé dans le train des SS. Intervient alors l'épisode du Fritz qui tue son chat, le dernier lien avec son Palita, et elle qui lui enfonce le crâne avec son fusil. Agnès réalise qu'elle doit alarmer les partisans de possibles représailles. Une brigade de la résistance a installé un camp de fortune dans des marécages peu pénétrables des alentours. Avec son arrivée dans ce camp, une nouvelle existence commence pour Agnès, les Allemands ayant non seulement massacré les 4 Minghina, mais aussi brûlé sa maison, aussi bien qu'arrivé à la cinquantaine elle n'a plus rien.
Ce serait un péché que de continuer mon résumé. Je veux juste situer les aventures d'Agnès dans leur contexte historique : après la chute de Mussolini, en juillet 1943, Hitler décide d'envoyer des renforts allemands à son pote fasciste. Deux mois après, les alliés débarquent à Naples, mais la libération de l'Italie, en avril 1945, est encore très loin et les batailles pour y arriver rudes et sanglantes.
Avant de conclure, je veux attirer l'attention du lecteur sur la beauté des descriptions que
Renata Viganò fait de ces terres inhospitalières marécageuses et qui font penser à certains passages du superbe ouvrage d'
Antonio Pennacchi "
Canal Mussolini" de 2012.
S'il me fallait caractériser "
Agnès va mourir" (littéralement) en 2 mots, je dirais : naturel et émouvant. Ni grandes explications historiques ou divagations philosophiques, mais une histoire captivante, relatée dans une belle langue poétique.