De l'aveu même de l'autrice sur Twitter,
Sillage « renferme son âme ». Un roman intimiste, qui cristallise ce que, déjà, l'on remarquait dans «
Désaccordée » (dont, d'ailleurs, je n'ai toujours pas lu la suite, honte à moi). Si vos souvenirs sont bons, j'avais émis un avis mitigé sur celui-ci. Trop décousu, bordélique, une overdose sensorielle dans tous les sens. Paradoxalement, c'était aussi ce qui donnait corps à son univers onirique et si séduisant. Je me suis juré d'y revenir. de lire la suite. Et, quand
Sillage a été révélé, comme une évidence, j'ai su que ce serait un achat day one. Pourquoi ? Parce que personne n'écrit comme
Joanne Richoux.
On retrouve dans
Sillage cette explosion des sens dans tous les sens, mais la plume de l'autrice a mûri, depuis
Désaccordée. Les sons, les textures des tissus sur la peau... les odeurs, surtout, thème de la parfumerie oblige ; mais aussi le chaos dans la tête de l'héroïne : tout se mélange en vrac, mais ici, le dosage est parfait, juste assez pour donner le tournis sans vous perdre en route ; donner au récit un ton intimiste et viscéral. Clairement, cette profusion de détails mêlée à une narration hachée ne plaira pas à tout le monde. L'histoire non plus. A ne pas lire en pleine phase de gloom. Quoique. A travers Jade, baladée entre amour sincère mais toxique, amitiés superficielles, mysticisme new age et drames de la vie, l'autrice met des mots sur le mal-être de deux générations, la nôtre, trentenaires à qui l'on avait promis une vie meilleure que celle de nos parents ; et la suivante, qui n'a même pas eu cette illusion. Rêves brisés, ternis, solitude, vie sans éclat, alcool, anxiété, dépression, médocs, jusqu'au coup dur de trop. L'esprit de Jade craque. Mais l'autrice ne montre pas le pire, remettant, juste à temps, de la distance entre lectorat et héroïne.
Sillage n'est surtout pas un bouquin à ouvrir au hasard. Mais si l'on sait ce que l'on va y trouver, ce que l'on vient y chercher, impossible d'en être déçu. Quant aux nouveaux venus, n'ayez pas peur de la plume au premier abord déroutante de
Joanne Richoux. On s'y fait et surtout, pour cette histoire en particulier, nulle autre manière de la raconter n'aurait été plus appropriée.