Les amours et les guerres du maréchal Marmont duc de Raguse

Napoléon nomma, le soir de son sacre, dix-huit maréchaux. Dix-huit hommes à qui furent remis le bâton symbolique qui faisait d'eux les plus hautes autorités militaires de l'empire. La plupart étaient d'anciens compagnons de guerre, choisis pour leur courage leurs talents de stratège, leurs états de service ou tout simplement leur fidélité. Plus tard, quand certains furent morts sur les champs de bataille, d'autres médiocrement sûrs et écartés et deux s'étant trouvé le confort d'un trône, il en nomma quelques autres. En 1809 notamment trois d'un coup accédèrent à la dignité, et bien vite un petit couplet circula sur eux :
‘‘L'armée a choisi MacDonald
L'amitié a choisi Oudinot
L'argent a choisi Marmont.''
C'est donc à ce dernier que cet ouvrage est consacré.

Le petit couplet est un peu exagéré, mais pas non plus faux. le Marmont que dépeint cette biographie est l'un des nombreux jeunes officiers talentueux issus de la Révolution, mais sa carrière connait un magnifique coup d'accélérateur quand il épouse la fille du plus gros financier du premier empire. Il fut ensuite l'un de ces officiers qui sillonnèrent l'Europe, engrangeant gloire et victoires – l'une s'étant révélée aussi éphémère que les autres.

Parmi ses états de service, le plus original reste probablement d'avoir été gouverneur des éphémères provinces illyriennes. Napoléon, qui ne se refusait rien, avait carrément annexé à la France cette région qui correspond grosso modo à l'actuelle côte croate. Pendant quelques années, Raguse (aujourd'hui Dubrovnik) fut donc une sous-préfecture française. Son supérieur hiérarchique et sa femme étant à Paris, notre Marmont profita largement de la distance qui le séparait de l'un et de l'autre.

Cependant, c'est pour de bien plus tristes raisons que le maréchal resta longtemps dans les mémoires. Quand il vit Napoléon battu, la France envahie, le tsar et l'empereur d'Autriche défilant dans Paris, il entama secrètement des négociations avec l'ennemi. Un concours de circonstances et de confusions précipita une trahison que, semble-t-il, il aurait préféré éviter. Il se rallia donc aux Bourbons et leur resta fidèles même lors du retour de Napoléon de l'île d'Elbe, contrairement à la plupart de ces anciens camarades. Pour cette raison, le nom de Marmont fut honni, et Napoléon l'ayant titré duc de Raguse, le mot ‘'ragusade'' devint très officiellement synonyme de trahison.

C'est sur cet épisode que s'arrêtait, vengeresse et méprisante, cette biographie fort vieillotte, dont le style littéraire et les partis-pris feraient hurler n'importe quel historien moderne, mais qui ne manquait pas de chic. La suite, on peut l'apprendre sur Wikipédia. le maréchal connut une vie longue et bien remplie et sur la fin, dans un curieux retournement du destin, devint même le confident d'un jeune homme solitaire et mélancolique. le fils de l'homme qu'il avait trahi.