Née dans une famille sikh aimante, élevée par une mère tendrement envahissante – qui pense que les gens aux yeux verts descendent des fées - et gardienne des traditions indiennes à Londres -, Alisha, après avoir été très grièvement blessée en intervention, n'a pas retrouvé sa place au sein de la police. Elle fait pourtant tout ce qu'elle peut pour être plus rapide, plus futée et plus efficace que n'importe lequel de ses collègues masculins mais ce n'est pas suffisant.
Dans ce contexte encore convalescent, lorsque Cate, sa meilleure amie perdue de vue depuis des années pour une broutille l'appelle à son secours, Alisha n'hésite pas une seconde ; elle sollicite son ex-chef Vincent Ruiz, (acolyte de Joe O'Loughlin dans d'autres romans de
Michael Robotham) qui accepte d'épauler la jeune femme dans son enquête. Vincent, désormais retraité ne cultive pas la nostalgie du bon vieux temps, mais regrette quand même l'époque où la différence était plus évidente entre flics et délinquants, où la population respectait les hommes et femmes chargés de sa sécurité. Il y a du Charlie
Resnick chez cet homme-là... A moins que ça ne soit du Joe Faraday, va savoir.
Vincent et Alisha, à partir de bribes infinitésimales trouvées post-mortem dans la vie de Cate, vont reconstituer une histoire éparpillée en lambeaux sur plusieurs pays, l'Afghanistan, les Pays-Bas, et enfin la Grande-Bretagne où échouent par camions ou bateaux entiers, hommes, femmes, enfants chassés de leurs pays par la guerre, la famine, la misère, et plus si affinités.... Prêts à tout pour échapper à leur funeste condition puisque n'ayant plus rien à perdre, ils sont les proies idéales de trafiquants et exploiteurs de tous poils.
La clandestine raconte la douloureuse trajectoire de Samira, une jeune afghane et de son petit frère, évadés d'Afghanistan lorsque les femmes y ont été empaquetées dans des grands sacs noirs grillagés.
Michael Robotham excelle à dresser le tableau émouvant d'un lumineux pays plongé brusquement dans les ténèbres. Il parle d'une afghane, mais il pourrait s'agir de n'importe quelle autre personne, de n'importe quelle nationalité, obligée de trancher ses racines pour ne pas périr, Ritale ou Polak, africaine ou asiatique. Avec quelles humanité et pudeur il décrit leurs combats quotidiens juste pour rester en vie. Alisha et Vincent retrouvent la trace de Samira à Amsterdam, capitale européenne des sabots de bois, des drogues et de la prostitution légalisées, et découvrent en vitrines des femmes lessivées par les passes, loin de l'image flatteuse, scintillante et aseptisée véhiculée par Pretty Woman ou American Gigolo. Rien à voir avec Julia Roberts ! Pour celles qui ne se prostituent pas, il existe la maternité forcée et v(i)olée pour alimenter le trafic juteux de bébés vendus pour satisfaire les frustrations de parents stériles, ou encore le travail illégal. Bref, les débouchés sont nombreux pour les damnés de la terre.
Michael Robotham est un romancier australien dont j'apprécie beaucoup le travail, qui ne bénéficie pas en France, à mon avis, d'une notoriété à la hauteur de son talent. Il situe le plus souvent ses intrigues en Grande-Bretagne, soigne particulièrement sa recherche documentaire ; son style est classique, plaisant, riche sans être ampoulé ; ses dialogues sont intelligents et surtout, ses personnages sont faits de chair et de sang, il prend tout le temps nécessaire pour raconter leur histoire, les rend touchants sans actionner les boutons « ultra-violence ». Dans
La clandestine, je retiens particulièrement l'évocation de l'Afghanistan ainsi que le récit de la vie quotidienne d'une famille sikh à Londres, traitée de manière humoristique mais sans aucun doute réaliste. Pour conclure, les romans de
Michael Robotham ne s'adressent pas, me semble-t-il, aux lecteurs pressés, adeptes de chapitres courts, de dialogues en rafales, et de twists en quelques lignes. Quel bonheur de prendre son temps, merci à l'auteur et à son traducteur.