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Charpentier (01/01/1906)
4/5   1 notes
Résumé :
Après deux échecs à l’École normale à cause de son esprit fantaisiste, Valentin Délémont doit quitter Paris et sa modeste chambre mansardée. Son oncle Romanèche, le député et directeur de l’Égalité, lui a trouvé un poste de précepteur. Valentin prend congé de ses amis : Urbain, libre penseur anticlérical, Claude, qui lui, catholique, penche plutôt pour le Sillon … et Paule-Andrée. Entre convictions politiques et croyances, entre célébrations laïque et fastes de la V... >Voir plus
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Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
Dans la facilité de cette existence agréable, l’image de Paule-Andrée aux côtés de son père en bras de chemise, dans le chétif entresol suspendu comme une des cages de la boutique, s’effaçait presque. Au contraire, Mme Oberglatt, avec l’opulence de ses trente-cinq ans, sa blancheur, sa figure un peu mystérieuse ou qui paraissait telle, passait parfois dans les rêveries de Valentin. Elle avait pour lui des yeux amicaux, où il croyait deviner une petite flamme de sensualité ; elle lui parlait gentiment, recherchait sa conversation. Il en était troublé dans ses sens inoccupés ; et si sa timidité l’empêchait encore d’interpréter à son avantage ces marques de sympathie, il devenait moins sauvage, plus sûr de lui-même. Du reste, Louise aussi semblait le prendre en gré : souvent il rencontrait son regard, qui le cherchait et souriait. Une certaine grâce d’esprit, la facilité d’intelligence qui manquaient au frère, compensaient en partie, chez la sœur, l’absence complète de beauté. Quand il avait causé un moment avec elle, d’étranges tentations assaillaient Valentin : il songeait aux idées avancées de Frümsel, qui ne pourrait se démentir en refusant sa fille à un garçon intelligent, quelles que fussent ses origines, – et ferait peut-être moins de façons pour la lui donner que le marchand d’oiseaux ! Son imagination lui décrivait alors les attraits d’une existence arrangée ainsi, par un tel coup de maître. Il se voyait riche, heureux, porté soudain au sommet de cette société qui le repoussait à ses derniers échelons, effaçant dans l’éclat de la fortune la tache de sa naissance. Puis il rougissait de la bassesse de ses convoitises. « Non, décidément, elle est trop laide, il y aurait trop de honte dans un tel marché !… » L’image de Paule-Andrée reprenait ses droits ; il écoutait la voix de son rêve, celle de sa jeunesse ; il se jurait d’être un homme libre de toutes les chaînes, même dorées. Alors, pendant quelques jours, il évitait la jeune fille, ou lui montrait un visage hostile, qui l’attirait davantage. Elle se trouvait partout devant ses pas, le regardait avec des airs soumis, buvait ses paroles dès qu’il ouvrait la bouche ; et Mme Oberglatt, qui suivait ce manège, concluait que Valentin était un garçon très fort, qui irait loin…

Deuxième partie
Chapitre Il
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– J’ai tenu à causer avec vous avant de vous présenter mon fils, cher monsieur. La première rencontre est parfois décisive. Il est donc nécessaire de la préparer. C’est pour cela que j’ai désiré vous renseigner moi-même sur certaines particularités dont la connaissance pourra guider votre jugement. (...)

Il parlait d’une voix claire, en s’écoutant un peu, comme il arrive aux gens pénétrés de leur importance. Il rythmait ses phrases en balançant son pied, la jambe droite croisée sur la gauche, et jouait avec une lourde dent d’éléphant taillée en couteau à papier.

– Toutes les familles ont leur histoire, poursuivit-il, surtout celles qui occupent un certain rang. Je dis cela sans esprit de caste, croyez-le bien, sans préjugé d’aucune sorte : je n’en ai point… Je vais donc, en quelques mots, vous raconter la nôtre.

Deuxième partie
Chapitre I
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Les espaces libres s’élargissaient : la vraie campagne apparut, avec ses champs, ses vergers, ses terres de labour noires et grasses, ses sentiers blonds pareils à de minces rubans déroulés dans la plaine, et, de temps en temps, une silhouette de paysan au travail, un charretier conduisant son attelage. Après les maisonnettes et les jardinets, des villas, dans des parcs, étalaient l’opulence de leurs toits riches, de leurs pièces d’eau, de leurs arbres séculaires ; des villages serraient autour d’une église les mouchets de leurs maisons trapues ; des rivières pâles coulaient avec lenteur ; une massive cathédrale dressa ses tours ajourées par-dessus les toits d’une petite ville où des vestiges anciens se mêlaient à des constructions fraîches, et passa vite. Ce fut dès lors la succession des prés, des hameaux, des rivières, des étangs, des collines, des petits bois semés dans la plaine rugueuse. Valentin, qui s’était levé tôt, fermait les yeux, bercé par le rythme du train, puis les rouvrait à demi, pour cueillir au passage un coin charmant d’arbres et de verdure, le vol d’un nuage dans le ciel, des reflets furtifs sur une eau brune.

Deuxième partie
Chapitre I
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– Don Abbondio, qui copie pour moi des textes au Vatican… Don Abbondio parle un peu le français : vous pourrez vous entendre.
Le petit prêtre salua, sourit, roula ses yeux de braise. Il était des environs de Tropea, en Calabre. Ayant échoué à Rome, sans paroisse, il vivait chétivement, de menus travaux peu payés, de messes au rabais dans son pauvre quartier, ou même, aux heures de détresse, des  aumônes de quelque prélat. Il avait la figure pointue, le menton fuyant, un beau front, les joues mal rasées, les mains fines, les ongles noirs. Bien que ses années eussent été pleines d’accidents, et qu’au déclin de la vie il fut menacé d’une vieillesse ingrate, il restait insouciant comme un enfant, d’une égalité d’humeur inaltérable. Depuis quelques mois, il accompagnait Lourtier aux archives du Vatican : lentement, placidement, d’une belle écriture ronde, il copiait des extraits des registres des papes, pendant que son patron temporaire, après les avoir choisis, allait travailler à la Bibliothèque Léonine, sous la surveillance du grand Saint Thomas d’Aquin qui décore le fond de la salle. 

Troisième partie
Capitre I
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– Je reviens à mon fils, votre élève… En raison de sa mauvaise santé, il n’a pas pu fréquenter les écoles publiques. Je l’ai donc fait instruire à la maison. Je n’ai pas besoin de vous dire que l’éducation privée est contre mes principes, n’est-ce pas ? Que voulez-vous ? nécessité fait loi. On a suivi de loin les programmes officiels, on a fait ce qu’on a pu. Le pauvre enfant était sans cesse arrêté par la maladie : il a eu la scarlatine, deux pleurésies, le croup, que sais-je encore ? J’ai failli trois fois le perdre, cher monsieur !…(...)

Et, après un court silence :

– J’adore ce fils, monsieur. Par malheur, je suis trop absorbé par les affaires pour pouvoir m’occuper de mes enfants dans le détail. J’ignore donc tout un travail qui a dû s’accomplir dans son esprit, fruit sans doute des anciens enseignements de sa mère, de paroles semées dans son jeune cerveau qui ont germé plus tard. Un hasard fâcheux a développé ces graines : je me suis aperçu un beau jour que votre prédécesseur travaillait cette intelligence à l’encontre de mes volontés, contrariait mon influence, poussait mon fils dans la direction même dont je tenais le plus à l’éloigner !… Comprenez-vous cela ?… C’était un jésuite, un réactionnaire ; je ne m’en étais pas douté !…(...)
J’ai mis ce gredin à la porte, ce ne fut pas long… Trop tard : le mal était fait. C’est ce mal qu’il s’agit de réparer, maintenant… Vous comprenez la situation, cher monsieur ! Mon fils me succédera un jour : je l’espère, du moins ; j’espère que sa santé, déjà meilleure, se raffermira avec l’âge, comme il arrive souvent. Il sera le chef d’une maison qui grandit sans cesse : il aura donc charge de consciences. Un vrai patron, dans le temps où nous sommes, ne peut pas se désintéresser de la vie intellectuelle et morale de ses ouvriers : il n’est plus leur maître, il doit rester leur conseiller, leur guide. Il doit les empêcher de retomber sous le joug de la superstition… Vous voyez maintenant quelle est votre tâche, n’est-ce pas ? La préparation au baccalauréat est importante, sans doute : elle n’est pas l’essentiel… L’essentiel, c’est de détruire l’œuvre mauvaise accomplie à mon insu. Vous comprenez ?

Deuxième partie
Chapitre I
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