Livre dense, érudit et passionnant.
Frances Yates décrit l'atmosphère intellectuelle et religieuse de la fin du XVIe siècle en Europe, remonte les généalogies des différents courants hermétiques, et éclaire la relation compliquée entre l'ésotérisme du temps et les nouvelles découvertes scientifiques, au milieu des guerres de religions et des fanatismes de la Réforme et de la Contre-Réforme. Quand penser librement était réellement dangereux, et pouvait conduire au bûcher.
Il est étonnant à cet égard de se rendre compte du nombre de publications exposant des idées audacieuses ; sans doute avons-nous du mal à nous repérer dans l'effervescence politique, religieuse et intellectuelle de la Renaissance, période charnière entre deux mondes de pensée, deux façons d'appréhender la nature. Ce qui est bien démontré à la fin de l'ouvrage, quand apparaissent
Descartes versus Campanella.
La thèse de
Frances Yates est que
Giordano Bruno était un Mage de la Renaissance, un hermétiste furieux, un fervent admirateur de l'Egypte, telle qu'on la concevait à la lumière du corpus hermétique, c'est-à-dire des écrits attribués à
Hermès Trismégiste, datés comme antérieur à Moïse (ce que démentira les recherches d'
Isaac Casaubon en 1614).
Il est difficile de décider si cette hypothèse est juste, même présentée de façon aussi convaincante. Comme il est difficile de comprendre la formation intellectuelle, l'érudition, la connaissance et les croyances d'une époque si éloignée de nos façons de penser et de comprendre le monde ; bien que nous ne soyons pas tellement plus rationnels, ni raisonnables globalement, hélas.
L'ouvrage de
Frances Yates est enrichissant, le style est fluide, mais le texte de l'édition chez Dervy est truffé de coquilles, de fautes d'orthographe, de traductions approximatives et de mots absents, ce qui rend certaines phrases obscures et nuit au plaisir de la lecture. Une réédition en poche plus soignée serait une bonne chose.