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EAN : 9782492452000
155 pages
Editions Belloni (20/01/2020)
4.3/5   5 notes
Résumé :
Anny Romand nous raconte son enfance avec sa grand’mère arménienne rescapée du génocide de 1915 qui a tenu, dans les convois vers le désert, un Carnet caché dans sa poche écrit en arménien, français et grec. Par la voix d’une petite fille de 8 ans, le récit navigue entre naïveté et effroi, où l’innocence fait face à la plus grande tragédie.
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Un petit livre de 125 pages, avec beaucoup de photos, tel se présente l'histoire de Serpouhi Hovaghian, la grand-mère arménienne de l'actrice, écrivaine et traductrice, Anny Romand. C'est un beau témoignage de reconnaissance et d'affection par l'artiste française à cette dame, née en 1893 à Samsun en Turquie et qui l'a élevée. Samsun, l'importante ville portuaire sur la mer Noire à 737 km. d'Istanbul, d'où le prédécesseur de l'actuel calife Erdogan Iznogoud, Mustafa Kemal Atatürk, a commencé sa guerre d'indépendance en 1919.

Le sort de cette grand-mère est tout sauf enviable : mariée contre son gré à Karnik lorsqu'elle avait 15 ans (bien que plus tard, comme il est compréhensif et gentil, elle finit par l'aimer) et un fils, Jiraïr, à ses 17 printemps. Puis vient avril 1915, le Massacre des Arméniens, "Aksor" comme elle appelle cette tragique page de l'histoire de son peuple. Résultat de cette initiative scandaleuse du gouvernement des "Jeunes-Turcs" pour elle : mari tué, sa fille Aïda de 4 mois idem, la maison vidée par les gendarmes et sans un kurus jetée à la rue et mise dans un convoi forcé d'Arméniens avec son petit pour une destination inconnue. En chemin, les femmes et enfants sont soumis à un traitement brutal et les femmes systématiquement violées par les gardes, ils meurent d'ailleurs comme des mouches et sont jetés dans les rivières. Vint alors le moment qui sera greffé dans sa mémoire pour le restant de sa vie : l'abandon à une paysanne anatolienne de son môme Jiraïr, qui a 4 ans et qu'elle n'arrive plus à porter !

Comme Anny Romand n'en parle pas, un mot sur ce fameux gouvernement des Jeunes-Turcs, pour situer le contexte historique de ce génocide et comment des hommes intelligents et responsables ont pu arriver à cette horreur. Ils étaient essentiellement 3, regroupés dans le Comité Union et Progrès (CUP), qui luttait contre la corruption et l'immobilisme du sultan/calife Abdülhamid II et de tendance nationaliste (1908). 1) Enver Pacha (1881-1922), au centre du CUP et ministre de la guerre. Tué au Tadjikistan, son corps fut rapatrié en Turquie et lui, déclaré 'héros national', en 1996. 2) Djemal Pacha (1872-1922), surnommé "Le Boucher" pour sa répression en Syrie et au Liban. Tué à Tbilissi en Géorgie, après avoir écrit dans ses mémoires que c'étaient les Arméniens et Kurdes qui ont tué un million de Turcs. Son grand-fils, l'écrivain-journaliste, Hasan Cemal, à récusé cette thèse et s'est excusé auprès des Arméniens. 3) le principal responsable du génocide, Talaat Pacha (1874-1921), condamné à mort par contumace et réhabilité. Tué à Berlin et le corps transféré dans un mausolée à Istanbul. Des boulevards portent son nom à Ankara, Izmir et Edirne.
Les 3 pachas ont causé la mort de 1,2 million d'Arméniens, selon une statistique moyenne.

L'ouvrage d'Anny Romand est conçu en petits chapitres, où alternativement l'auteure et sa grand-mère ont la parole. Pour Serpouhi, il s'agit de son carnet, écrit en arménien, français et grec, à l'époque, comme une sorte de journal et retrouvé par sa petite-fille après sa mort. Pour l'artiste, ce sont ses souvenirs des histoires racontées par Serpouhi avec qui elle passait beaucoup de temps quand elle avait 8 ans. J'ai été parfois étonné des considérations de cette gamine, comment elle extrapolait et interprétait le récit des événements arméniens. Il est vrai aussi que je n'ai aucune expérience avec des mômes de cet âge et qu'elles sont plus vite matures que nous, pauvres garçons !

En lisant ce petit fascicule, j'ai souvent dû penser au roman inoubliable de l'auteur autrichien, Franz Werfel, de 1933 : "Les 40 jours de Musa Dagh", que j'ai lu il y a bien longtemps, qui a fait sur moi une très forte impression et a été à l'origine de ma petite bibliothèque arménienne. Certains paragraphes de Serpouhi auraient pu sortir de l'oeuvre de Werfel, publié quelque 80 ans avant : tellement que la ressemblance est frappante.

Anny Romand est connue comme actrice pour ses rôles de Paula dans "Diva" de Jean-Jacques Beineix de 1981 et de Mme da Silva dans "La Lettre" de Manoel de Oliveira de 1999. Une carrière qu'elle - selon ses propres aveux - n'aurait jamais pu ambitionner sans la force de caractère que Serpouhie lui a légué.

Apparemment la grand-mère lui a aussi fait cadeau de son enthousiasme pour la littérature, comme le prouve, depuis 2006, son organisation à Paris et en province de ses soirées "Une saison de Nobel" dédicacé aux Nobel comme Albert Camus, Mario Vargas Llosa, Orhan Pamuk etc.

Mon seul regret avec cet ouvrage d'Anny Romand, c'est qu'il soit tellement court.

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Un court roman qui mêle photos, extraits du carnet de la grand-mère de l'auteur et un récit où l'auteur raconte ses souvenirs d'enfance avec sa grand-mère en utilisant la voix de petite fille qu'elle était.
Le choix d'un tel point de vue fait que les phrases sont très courtes et que l'on devine souvent la gravité de certains faits derrière des phrases très naïves. Mais je n'ai pas du tout accroché à cette partie du récit - qui en plus pouvait intégrer dans un même chapitre (certes très court) souvenirs d'avant, regard d'aujourd'hui et souvenirs rapportés de l'aïeule. Bien que je comprenne le but de cette démarche, je l'ai néanmoins trouvé trop artificielle et limite surjouée alors que les extraits du carnet se suffisent à eux-mêmes et disent avec des mots simples et très percutants ce qui a besoin d'être dit.
Un témoignage qui n'en reste pas moins pudique et intéressant lorsqu'on voit comment cette femme a réussi à survivre dans un pays qui lui était hostile, grâce à son instinct, la "chance" et aussi des personnes prêtes à tendre la main malgré tout.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Voilà deux ans et leur haine contre nous n'a pas eu le moindre apaisement. Nous sommes les orphelins de ce monde sans patrie, sans foyer. Notre seule espérance dépendra de nos forces avec le courage de notre vaillante jeunesse.
Ô Mon Dieu quand mettras-tu fin à tous ces supplices ? Les souffrances que nous venons de subir n'ont-elles pas été à leur comble ?

(21 avril 1917)
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Et demain ?
Quand tout ceci sera fini. Les gens assis dans leurs fauteuils vont lire nos souffrances imprimées sur des livres. Mais est-ce que ce livre pourra décrire et exprimer vraiment la totalité de nos souffrances ? Jamais de la vie.
Ce sera sujet de conversation dans des salons jusqu'à ce qu'une autre nouveauté apparaisse et les implorations et les voix des pauvres.
Arméniens disparaîtront comme fumée de cigarette, seules resteront les cendres, et seule la terre viendra à notre secours.
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Sur cette terre, on ne doit pas dire : je suis faible et je ne résiste à rien, ni à aucune difficulté. La constitution humaine est capable d'endurer toutes sortes de choses.
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Encore on persécute les quelques échantillons qui sont restés. Quelle cruauté ! Ils ont peur de notre ombre. Voyons [...] s'ils nous oublient mais je ne crois guère à cette bonté de leur part.
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Comme elle est triste, la douleur dans les intestins revient et voilà qui repart sur le chemin de la souffrance, elle ne connaît plus que ça. Moi qui l'aime de tout mon cœur, je suis silencieuse, je ne sais pas commet l'apaiser. Les caresses que je lui fais sur le front ne peuvent calmer ses tristesses que personne ne veut écouter.
C'est chacun pour soi, comme dit Grand'mère.
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Vidéo de Anny Romand
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