"Pour le flâneur, la ville ..n'est plus le pays natal.Elle représente pour lui une scène de spectacle" indique au lecteur le Livre des passages.
Ces propos conviennent tout à fait aux montages photographiques de
Yang Yongliang, photographe chinois dont les oeuvres ont été exposées dans de prestigieuses galeries internationales car il met en scène sa ville de Shangaï aux immeubles futuristes tout en créant un trompe l'oeil puisqu'au premier abord, le spectateur grugé croit contempler des estampes traditionnelles (en noir et blanc) peintes à l'encre de Chine.
Quel talent!
Ses paysages poétiques et vaporeux, ses montagnes arborées perdues dans les brumes ne sont en fait que des reliefs sculptés de buildings, des grues déchiquetées. Dans ces tableaux surréalistes, l'équilibre de ces masses précaires, prêt à s'effondrer, diffuse un message inquiétant, celui de la Chine moderne "atelier du monde" (si bien dépeinte par
Dai Sijie dans
Trois vies chinoises). L'univers onirique de
Yang Yongliang, fait de béton et d'acier dénonce le nucléaire avec ses Babels prêtes à exploser, dénonce les mégalopoles ternes,monotones et ordonnées.
C'est un univers déshumanisé, pollué d'émanations sans doute chimiques. Lorsque humains il y a, on les distingue à peine sur des grands huit fonçant vers des bas-fonds inconnus tout droit sortis de l'inconscient de
Yang Yongliang.
Préfacé par
David Rosenberg, ce délicat recueil
Yang Yongliang est composé d'images sélectionnées dans l'oeuvre de
Yang Yongliang (qui a reçu entre autres le prix découverte des rencontres d'Arles en 2009).
Un grand merci à
Monique Mérabet pour ce cadeau de Noël raffiné qui ouvre grand les portes de l'imaginaire extraordinaire d'un Artiste avec un grand A et de la cruelle lucidité d'un visionnaire qui annonce la fin du monde en un monde frappé d'inconscience.
Six étoiles pour le génie de ce génial photographe!