AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782370841322
224 pages
Nous (12/01/2024)
4/5   3 notes
Résumé :
Au bout de la langue : je l'ai sur le bout de la langue - ce n'est pas un baiser dont il s'agit, mais d'un mot. Je le cherche, il ne vient pas, mais je sens qu'il est là. Oui, mais où ? Où sont donc les mots qui sont « au bout de la langue » ? Et d'où viennent-ils ? Se poser cette question c'est s'interroger sur une étrangeté : dans plusieurs langues que nous parlons le mot « langue » renvoie à la fois à l'organe et à la capacité de parole, à ce qu'une longue tradit... >Voir plus
Que lire après Au bout de la langueVoir plus

critiques presse (1)
LeMonde
26 février 2024
Ni artisan ni génie, le poème se contente de chercher du vrai. A lire cet essai qui se dévore d’une traite, c’est déjà beaucoup.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
2 // y
  
  
  
  
      C’est dans cette dernière partie de son œuvre que j’ai
trouvé ce souvenir, même si j’ai conscience qu’il me faudrait
relier ce que je vais dire à l’anthropologie politique de Masse et
puissance. Canetti est né en 1905 en Bulgarie sur la rive sud du
Danube dans une famille de Juifs séfarades où il parlait le ladino
mais, comme il le fait remarquer, là où il habitait « on pouvait
entendre parler sept ou huit langues dans la journée. Hormis
les Bulgares […], il y avait beaucoup de Turcs […] et, juste à
côté, le quartier des Séfarades espagnols, le nôtre. On rencon-
trait des Grecs, des Albanais, des Arméniens, des Tziganes.
Les Roumains venaient de l’autre côté du Danube […]. Il y
avait aussi des Russes, peu nombreux il est vrai ». En 1911 le
petit Elias suit ses parents en Angleterre, puis, à la mort de son
père, il entre à l’école en Autriche. Pour le préparer, sa mère
l’emmène à Lausanne quelques mois pendant l’été. C’est là
qu’il apprendra l’allemand qui n’est pas sa langue maternelle,
mais une langue que lui a inculquée sa mère.
La Langue sauvée (en allemand, Die gerettete Zunge) est
le premier volume de l’autobiographie d’Elias Canetti. Il le
publie en 1977. Il a soixante-douze ans. Le livre commence
par un chapitre intitulé « Mon premier souvenir ».



p.16
Commenter  J’apprécie          60
1 //b
  
  
  
  
Ce sont surtout les enfants qui tirent la langue. Ils le font
parfois en avançant la tête et en se concentrant avec un air
qu’on dit buté. Je voudrais donc rendre hommage à la langue et
en particulier à la langue des enfants, tendue comme un poing,
un défi, une insurrection : une petite protrusion pour dire non.
Qu’Albert Einstein, un des plus grands savants du xxe siècle,
ait tiré la langue sur une photographie célèbre contribue, tout
autant que sa chevelure blanche toujours décoiffée, à l’image
de liberté enfantine qui s’attache à ce grand génie. L’anecdote
est bien connue. L’image a été prise le 14 mars 1951. Einstein a
72 ans; on vient de fêter son anniversaire à l’Institut d’études
avancées de Princeton; il s’engouffre dans une voiture. Un
photographe le poursuit et lui demande de sourire. Einstein
regarde l’appareil photo et tire la langue en écarquillant les
yeux comme pour embêter le journaliste — « la lingua stretta
coi denti ». C’est un peu comme s’il disait « non, j’en ai assez,
fichez-moi la paix ». Mais l’agence de presse diffuse l’image
et Einstein l’accepte. Un jour il enverra cette photographie
accompagnée de quelques lignes : « Vous aimerez ce geste,
parce qu’il est destiné à toute l’humanité. Un civil peut se
permettre de faire ce qu’aucun diplomate n’oserait ».



p.13/14
Commenter  J’apprécie          50
1 //d
  
  
  
  
      Faire de ce geste un symbole de la liberté d’expression,
n’est-ce pas confondre ici deux sens du mot langue : la langue
comme organe et la langue comme capacité de s’exprimer? La
langue qui est dans ma bouche et la langue comme moyen de
formuler mes pensées et de les communiquer ou de les taire ?
Loin de confondre ces deux significations, on demande ce que
permet de penser le fait que, dans plusieurs des langues que
nous connaissons, mais non pas toutes, ce soit le même mot
qui en vienne à désigner l’organe et la capacité. Il faudra bien,
pour les penser ensemble, commencer par les distinguer.



p.15
Commenter  J’apprécie          70
Au bout de la langue on veut enfin penser
  
  
  
  
Au bout de la langue on veut enfin penser que le poème fait ce que nulle autre forme de langage ne fait – il le fait parce qu’il est le seul à le faire et qu’il est seul à faire ensemble ce qu’il est seul à faire : il inscrit au défaut de la voix (il ne performe rien que l’écart de l’écrit dans la voix et de la voix dans l’écrit) ; il nomme au défaut de la présence et mécontente Hegel ; il articule où le vers déroute la phrase ; il invite à la rencontre de l’adresse impossible et de l’ouverture du sens. Ces quatre actes de la parole poétique ont deux conséquences : le poème désassujettit et dés-attache. Il dénoue en organisant sa perte continuée les attachements du sujet à sa voix, à son monde, à son phrasé intime, à son présent, à son identité. Il ne performe pas – il préforme. C’est ce qu’il fait. C’est l’intensité généreuse de son action restreinte. C’est pourquoi aussi le poème tient bien plus qu’il ne promet. Lui demander davantage serait aussi vain que déplacé.
Commenter  J’apprécie          20
1 //c
  
  
  
  
                                                 Au bout
de la langue, il y a là une revendication de la liberté civile, de
faire comprendre qu’on dit « non » avec la langue — « donc
c’est non » écrivait le poète Henri Michaux, et cette revendica-
tion, loin de se draper dans une dignité qui prendrait la pose,
s’affiche en tirant la langue. Un monde où l’on ne pourrait
plus tirer la langue serait un monde plus triste et plus inquié-
tant, où la liberté d’expression serait vraiment menacée. On
peut regretter que l’image offerte par quelqu’un qui tire la
langue ait pu constituer progressivement une image attendue
de la provocation — au point de s’afficher sur des pochettes de
disque ou sur des tee-shirts, mais qui dira les puissances de la
récupération ?



p.14
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Martin Rueff (17) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Martin Rueff
La Revue de Belles-Lettres & hommage à Pierre Chappuis Avec David André, Manuel Cajal, Michel Collot, Sylviane Dupuis, Marion Graf, Martin Rueff & Jonathan Wenger Lecture par Claude Motchidlover
Pour ses premiers entretiens de l'année 2024, la revue Po&sie accueille une revue consoeur, une belle aînée, La Revue de Belles Lettres, fondée en 1862. L'entretien portera sur les orientations et les temps forts de la revue. Nous évoquerons la figure et l'oeuvre de Pierre Chappuis (1930-2020) auquel Po&sie avait rendu hommage dans son numéro 177/178.
Avec Marion Graf, David André et Jonathan Wenger pour la RBL, Martin Rueff pour Po&sie et, pour rendre hommage à Pierre Chappuis, Manuel Cajal, Michel Collot et Sylviane Dupuis. L'acteur Claude Motchidlover lira des textes du poète.
+ Lire la suite
autres livres classés : philosophieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (15) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
438 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *}