Lorsque j'ai lu ce récit poétique "
Icare crie dans un ciel de craie" , je savais déjà que j'y trouverai un inépuisable chant d'amour.
En 1994, "
le Premier Homme" d'
Albert Camus venait d'être publié, une reconstitution élaborée par sa fille et mis derechef au programme de la Sorbonne.
Albert Camus y relate sa relation avec son père, une relation tendre et pleine d'une indicible souffrance. En réalité, c'est en écoutant cet enseignant de TD fraîchement sortit de l'ENS que j'ai ressenti ce livre vibré sous mes doigts. Ce prof était réellement beau (brun , yeux bleus, bien bâti déambulant toujours dans un jean moulant trop court), d'une sensibilité à fleur de peau et portant toujours un sac de vieux bouquins sortis d'une brocante à 5 sous. Il les déposait sur son bureau à chaque cours sans en ouvrir aucun, j'avais l'impression qu'il venait avec sa muraille de chine pour qu'on ne puisse pas l'atteindre. Je me souviens d'un passage qu'il avait analysé sur la relation père-fils entre Camus et son père, j'en avais eu la chair de poule. A la fin du cours, j'avais escaladé son mur et j'étais venue sur son estrade le féliciter. A l'époque, j'avais joué le jeu de l'amour et du hasard parce que tous deux nous savions qu'en fac de lettres, les mots n'engagent à rien et que ce n'était pas un hasard que ma comédie d'amour.
C'était un alchimiste, il prenait un mot puis un autre et ainsi de suite. Une fois, tout assemblé le texte révélait tout son sens, le joyau était là dans son écrin sous nos yeux éberlués et admiratifs.
Martin Rueff est un enseignant que l'on n'oublie pas : il danse avec les mots dans un silence assourdissant et sème des graines en plein désert. Un poète dissimulé derrière un allumeur de réverbères.