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Paolo Rumiz nous dit qu'il lui a suffi de retranscrire sans les retoucher les notes qu'il a prises qui composent ce « voyage immobile » : « … je m'aperçois qu'au cours de ses journées, je m'en suis tenu au moment présent d'une manière absolue, comme je ne l'avais peut-être jamais fait de ma vie… J'ai scandé ces heures solitaires comme une horloge à balancier, et c'est pourquoi le journal que j'ai rempli n'a aucun besoin d'être retravaillé.

Il nous décrit l'environnement géographique où il a choisi de passer trois semaines mais se refuse à nous donner les coordonnées exactes du lieu où s'élève « son phare » et sa nationalité. Les quelques indices qu'il sème ne m'ont pas permis malgré la curiosité qu'il a ainsi alimentée de le découvrir. Finalement c'est mieux car le mystère reste plus grand quand il nous évoque tout ce qui naît en lui à son contact.

Un phare voué à des enchantements ensorceleurs quand il est pris dans une union étroite et passionnée avec les différents vents qui le font gémir, chanter, pleurer, donnant ainsi l'impression de se tordre sous leurs coups de boutoir qui en font une caisse de résonance conductrice de voix, celles des âmes peut-être…

Si cette réclusion à l'intérieur d'un espace restreint enflamme l'imagination et peut faire naître des visions et alimenter des peurs surtout la nuit, elle exacerbe aussi la vigilance et l'observation fine de tout ce qui vit dans l'île et au large.
Elle engendre un attachement au moindre évènement ou geste de la vie quotidienne et à ceux qui la peuple, les deux gardiens avec lesquels il déguste parfois de bons petits plats qu'eux ou lui concoctent (produits frais issus de la mer, asperges sauvages..) arrosés de malvoisie, l'âne borgne comme le phare qu'il décide de baptiser « Kyclops » grand amateur de citrons, une unique poule rescapée d'un ancien poulailler décimé par les goélands.

Le phare ce n'est pas seulement une clôture, c'est aussi un observatoire fabuleux sur l'environnement maritime, les cargos et bateaux de croisière qui croisent au large. Et quand la nuit offre un ciel dégagé, c'est alors l'illimité qui fait irruption « une extraordinaire fenêtre ouverte sur le cosmos ».

« On m'a dit : « Tu vas t'ennuyer. » Et voilà que je me retrouve sans un seul moment de calme. J'avais peur de ne pas savoir quoi écrire, et à présent je découvre que je n'ai pas assez de cahiers.(…) si on est curieux, on n'a pas assez de temps pour enregistrer tout ce qui vous environne. On passe son temps à courir partout, comme un damné. p 71

Comment pourrait-on oublier l'adieu à la lumière des goélands :
« Le piaulement par lequel les goélands saluent la mort de la lumière commence une demi-heure avant le coucher du soleil, accompagné par un tohu-bohu de vols concentriques autour de la bosse centrale de l'île.
(…) j'assiste à un spectacle inoubliable. Quand le soleil touche la mer et se teinte de bronze, il y a un hurlement général qui se prolonge jusqu'à sa disparition totale, dans un concert toujours plus violent de plaintes dantesques. Puis, le piaulement s'atténue très vite et bientôt le silence descend sur l'île du Cyclope dans son entier. » p 63 64

L'auteur (et le lecteur) auquel ce lieu a donné « un autre regard » s'en éloigne à regret.
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Il a suffi du titre « le phare, voyage immobile » pour être intriguée et avoir envie de découvrir ce récit, pour lequel l'auteur, Paolo Rumiz, journaliste et écrivain voyageur italien, a reçu le prix Nicolas Bouvier en 2015. (Je ne devrais pas user du terme "écrivain voyageur", je crois qu'il n'aime pas cette appellation).
Qui n'a pas -en effet- imaginé, au moins une fois dans sa vie, d'aller vivre sur une île, séjourner dans un phare ? …ne serait-ce que pour quelques jours, si ce n'est pour toujours ?
Je ne crois pas que mes origines finistériennes et mon enfance passée près de la mer, à moins d'un kilomètre d'un phare, soient l'unique raison à un tel rêve. Une île, loin de la civilisation et du bruit, c'est tout un imaginaire : ce sont les romans d'aventure de Stevenson, HG Wells, en passant par Thoreau et les nouveaux romans de nature writing.
Rumiz choisit pour vivre ce voyage immobile, le phare d'une petite île de la Méditerranée, encore habitée par deux gardiens. Un phare dont il taira d'ailleurs le nom et les coordonnées pour en sauvegarder un peu de son mystère et de sa beauté.
De ce journal tenu durant son séjour, il en ressort un incroyable récit dans lequel il décrit avec minutie le travail des gardiens, leurs tâches quotidiennes, souvent difficiles, l'isolement et le bruit du vent à en rendre parfois fou (Petit aparté : durant la lecture, j'avais l'impression d'entendre tellement ce vent que ça a un peu calmé mon envie de long séjour).
Il part à la découverte de toute la faune et la flore vivants sur cette île : les goélands, l'âne, les chats en passant par la poule apeurée (c'est en effet la seule survivante d'un poulailler car -faute de ne plus avoir assez de poissons du fait de la pêche intensive- les goélands se sont rabattus sur les poules) (Pauvre poule ! ) Et, bien sûr, le soleil, tous les vents, les tempêtes et la mer.
On lui avait dit qu'il allait s'ennuyer à mille marin de la civilisation, enfermé dans un phare, en plein milieu de nulle part.
Tout à l'inverse, il profite de toutes ses heures et de sa solitude, loin d'internet. Il prend pleinement conscience de chacun de ses gestes, de ses regards et savoure ainsi chaque instant rendu riche et tangible.
Il réalise combien ce lieu et cette atmosphère amènent à des réflexions profondes, à une immersion intérieure, à une curiosité exacerbée, à des envies d'écriture et de lecture. Il contemple les vagues, les couchers de soleil, la puissance des éléments, parfois déchainés, écoute les lamentations du vent et les chants de la mer.
Il sait mieux apprécier les repas préparés avec ce qu'offrent la nature et l'île : les poissons, les câpres sauvages, les tomates du potager. Rumiz nous fait saliver lorsqu'il prépare du pain, les poissons pêchés par les gardiens et, plus encore, son risotto accompagné d'un petit verre de malvoisie.
Il nous fait voyager en racontant les loups des mers, les dieux de la mythologie, les légendes et ses propres périples. Et en parlant -bien entendu- des phares qu'il connaît et admire, comme l'Ar-Men sur l'île de Sein, le Fasnest en Irlande, celui des falaises de Cabo da Roca au Portugal et tant d'autres encore.
Le lecteur qui n'a pas autant voyagé, qui ne connait pas tous les termes techniques marins, tous les dieux grecs et latins, qui pense à Saint-Nicolas surtout comme celui qui offre des friandises aux enfants alors qu'il est aussi le patron des marins et navigateurs, pourrait se sentir impressionné par l'érudition de l'auteur. Et être vite plombé, largué, coulé.
Mais ce voyageur sait nous embarquer avec lui, nous amarrer à ses récits et récifs, nous hypnotiser par ses mots tels le chant des sirènes, en nous parlant des spectacles merveilleux qu'il contemple chaque jour. Et on le croit (tant il nous enchante !) lorsqu'il nous raconte combien il a été heureux pendant ces quelques semaines ! Il nous a fait rêver de voyages et d'un ailleurs, tout comme les gardiens des phares, ces gardiens des lumières.
Par ces passages empreints de poésie, d'embruns et de beauté, comme il fut agréable de faire ce voyage immobile avec cet écrivain. J'ai pensé à lui en regardant cet été le coucher de soleil près du phare que je connais depuis que je suis haute comme 3 pommes. Et même sans verre de Malvoisie avec moi, cette soirée-là avait un goût encore plus délectable que les fois précédentes.
J'ai rêvé de ces moments de solitude, entourée de la mer, plongeant mes yeux dans l'horizon. J'ai rêvé d'un tel voyage immobile.
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Voilà, je suis revenu, après avoir passé trois semaines sur cette île, d'1 kilomètre de long sur 200 mètres de large « au milieu de la Méditerranée ». Vous pouvez penser que je me suis ennuyé, et bien pas du tout, j'étais en bonne compagnie, celle de Paolo Rumiz, que je commence à connaitre un peu (L'ombre d'Hannibal et Aux frontières de l'Europe), des deux gardiens du Phare et d'une colonie de goélands.
Paolo Rumiz a l'érudition communicative et la curiosité contagieuse, alors tout y passe ; La faune (oiseaux de mer, âne non-bâté ...), la flore (y compris celle du potager), la cuisine (risotto et poissons), l'Histoire et les histoires (de marins surtout), la météo (les vents des quatre points cardinaux), le ciel et ses étoiles, la littérature (Derek Walcott) et la Lingua Franca que tous les marins et commerçants de la Méditerranée comprenaient jusqu'au 19ème siècle. Car la Méditerranée fût pendant des siècles « un pont », elle est aujourd'hui une frontière, une frontière meurtrière, l'actualité nous le rappelle chaque jour.
Paolo Rumiz ne nous dit pas où se trouve précisément cette île, il n'en donne pas le nom, mais curiosité oblige ... comme il nous donne quelques indices, avec mon vieil atlas ; je l'ai trouvé (Euréka !), Là ... ce tout petit point, mais je n'en dirai pas plus. Heureux qui comme Paolo, a fait un beau voyage, et son lecteur avec lui. Allez, salut.
P.S. : Ce bouquin est paru chez Hoëbeke dans la collection Étonnants Voyageurs dirigée par Michel le Bris, et lorsque je vois la liste des titres et des auteurs de cette collection j'ai l'espoir de faire encore de beaux voyages.
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Régulièrement, je me rêve vivant sur un îlot désert de toute présence humaine. Un morceau de terre plutôt rocheux, à la nature sauvage, sans âmes qui vivent. Un endroit coupé du monde, au calme, sans contrainte, avec du temps pour lire, pour écrire, pour penser.

C'est tout naturellement que mon choix s'est porté sur le livre de Paolo Rumiz, le phare, voyage immobile lors de la dernière Masse Critique de Babelio.

Écrivain voyageur, Paolo Rumiz décide un jour de rallier une langue de terre rocheuse dominée par un phare quelque part au milieu de la Méditerranée, endroit qu'il garde délibérément secret. Son envie de préserver l'île apporte une sympathique petite touche de mystère. A noter que l'île n'est pas totalement déserte mais uniquement habitée par les gardiens du phare toujours en activité.

"Les gardiens de phare sont des hommes durs, rivés à leur récif. Monarques absolus de leur territoire et pourtant, en même temps, reclus à l'intérieur de ses limites."

Outre l'aspect rêvé de l'expérience, Paolo Rumiz nous livre aussi ses doutes, ses inquiétudes, ses réflexions, laissant libre court à ses pensées comme on le ferait dans un carnet de voyage. La nature qui parfois n'hésite pas à reprendre ses droits est évidemment au coeur de ses préoccupations.

"Par cette soirée où il fait un temps de chien, à l'intérieur de cette lanterne à la merci des brisants, je sens mon univers à la dérive comme je ne l'ai encore jamais senti."

Quand les éléments se déchainent, de paradisiaque, il arrive que le lieu semble devenir hostile. La danse des goélands, un plat de poisson, le lever du jour ou un inoubliable coucher de soleil feront oublier tout ça. de son oeil de cyclope, le monstre de pierre veille…

Lien : http://bouquins-de-poches-en..
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Véritable gageure, ce voyage immobile se lit en quelques heures. le séjour dans un phare, quelque part en Méditerranée, est prétexte à beaucoup de réflexions intéressantes sur le voyage et l'écologie.
Pourtant, passée la curiosité des premiers chapitres liés à la vie dans le phare, les propos deviennent vite redondants et même l'évocation des souvenirs de l'auteur ne suffisent pas à combler l'absence de sujet réel. J'ai lu les derniers chapitres en diagonale, pressé d'en finir.
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Un livre pas bien épais (170 pages ) fait de chapitres qui sont autant de moments vécus par l'auteur.
Isolé en mer Méditerranée sur une petite île austère balayée par les vents et avec pour seuls compagnons les gardiens du phare et un âne, l'auteur vit son premier voyage immobile.
C'est un livre prenant, fait de phrases qui invitent au rêve et à l'évasion, même si les méfaits de notre civilisation ne sont jamais loin.
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Ce petit livre est une bouffée d'air pur, c'est l'air du large qui ouvre votre porte. Paolo Rumiz, écrivain-voyageur, fait un séjour dans un phare méditerranéen, un voyage immobile de 3 semaines. C'est là que, coupé du monde, dans un coin du phare où il loge, il écrit ce récit.

Ce quotidien qui sort de ses habitudes le fait témoigner, et j'aime beaucoup ce qu'il nous dit sur le personnage du gardien de phare, dont nous savons peu de choses, tant il est discret, enfermé dans cette tour éloignée dans les flots.



Un phare est comme un bateau amarré au port.


« La nuit, cependant, reste étrange. On a l'impression que l'île navigue. »


Dans ces pages, le vent se déploye de plusieurs façons, charriant des images lyriques provenant d'autres lieux, que l'on regrette, que l'on invoque et dont on rêve. Des odeurs de bonne cuisine flattent nos narines. Les simples choses du quotidien sont évoquées, au travers d'un bout de jardin. L'épouse du gardien est également omniprésente. Il est agréable de s'imaginer en quoi peut consister la vie d'une famille cachée à l'intérieur de ce bâtiment, le phare.



C'est une lecture plaisante et poétique que je conseille vivement.
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De retour du Tibet, où j'ai cheminé au milieu du chaos sur les pas de Pierre Jourde, j'ai voulu prendre un peu de repos.
Passer une quinzaine de jours sur un îlot désert en plein milieu de l'immensité de la Méditerranée, voilà une parfaite destination pour se refaire une santé.

J'ai emporté de quoi occuper mes journées, cahiers, appareil photo, lectures, cartes marines et jumelles. Des vivres aussi, car l'île déserte n'offre guère de ravitaillement. du poisson, encore du poisson, du homard les jours de fête, de belles coquilles saint-jacques, oui c'est un menu qui plait aux gourmets. Mais parlez moi d'un bon petit risotto aux champignons à ma façon, ça c'est de la vraie cuisine.

Et pour le reste, je m'abandonne aux éléments, aux reflets du soleil sur la mer infinie, à la plainte des vents qui tournent comme des diables autour du phare, à la violence des tempêtes qui cognent contre les murs, à la contemplation muette des heures qui passent, des ombres qui s'allongent, des nuages qui s'amassent à l'horizon.

Mes pensées vagabondent, des souvenirs et des songes m'apparaissent, le phare du Cyclope abrite une multitude de personnages qui ont hanté cette mer, navigateurs mythologiques, galères turques ou flotte chrétienne partant délivrer Jérusalem. Tous ont croisé sur ces eaux, pêcheurs et guerriers, marchands et pèlerins, pirates et conquérants. Combien de ces navires reposent encore au fond, devenus maison pour les poissons et les coquillages, gardant pour toujours leurs trésors et leur cargaison précieuse?

Ici, je me sens au coeur du monde, sous la protection du pinceau de lumière qui troue la nuit profonde. Tout y est propre, lavé par le soleil, le vent, la pluie. La laideur du continent n'y a pas de place, un dépouillement monastique est la règle, chaque objet est utile. Comme c'est reposant!
Mon seul luxe: un verre de malvoisie et un bouquet de fleurs sauvages sur ma table. Il est tard, ce soir les étoiles semblent encore plus nombreuses, un ferry passe au loin, le Cyclope lui fait un clin d'oeil.
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Imaginez vous partir vivre le temps de quelques semaines sur un îlot Méditerranéen flanqué d'un phare d'une centaine de mètres de haut. Hormis les gardiens de cette tour éclairée, vous êtes seul.
Vous entrez, alors, dans une nouvelle dimension de vie. Vous êtes happé par dame Nature et ses soubresauts. Tous vos sens sont, plus que jamais en éveil. Les hommes sont si loin de vous, que ce que vous entendez, c'est peut-être le murmure de Dieux Grecs. "Poséidon agite la haute mer de sa louche et bombarde les rochers. Zeus, brandissant sa foudre, envoie une armée de nuages [...]. Éole qui ne dort jamais secoue le châssis et emplit la tour de lamentations".
Vous respirez un air venté qui vous irrite ou vous apaise. Vous êtes comme sur un bateau, sauf que là, c'est le ciel qui conduit votre vaisseau immobile.
Le monde des Hommes, des guerres, du web sont à des années lumières de vous. Cela vous rassure et vous effraie en même temps. Vous n'avez jamais autant ressenti que vous n'étiez qu'un microbe dans le cosmos.
Le phare, cette tour que Paolo Rumiz appelle le cyclope vous rendrait fou si vous y restiez une éternité. D'ailleurs, le gardien de phare est souvent considéré par les marins comme "un être spécial qui a franchi le seuil de l'indicible".
Voilà ici présenté en quelques phrases l'histoire de Paolo Rumiz parti trois semaines vivre dans un phare cerné par la Méditerranée.
Un beau livre tout en poésie.
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Il y a les livres que l'on choisit et ceux qui nous choisissent. Celui-ci fait partie de la deuxième catégorie. Alors que j'étais venu chercher un livre réservé lors de mon dernier passage à la médiathèque, un léger détour vers l'allée des « aventures et voyages » me fit arrêter devant un éclat jaune qui irradiait le centre de la tranche d'un livre. Comme une lumière fixe et intense qui m'appelait. En me penchant, je lus « Le phare, voyage » qu'entouraient dans le blanc les mots « Paolo Rumiz » et « immobile ». Les deux noms propres appelaient au voyage, le phare à l'immobilité. Quand j'eus tiré le livre pour l'avoir en main, le bleu ciel de la couverture m'apparut, limpide. Avec un petit phare perché sur un promontoire. Volume mince, lecture rapide, il ne m'en a pas fallu plus pour que je m'en empare.
Phare, le mot m'a ravivé des souvenirs. La montée de celui de Gatteville, dans le Cotentin, la corne envoutante de celui de Goury, invisible dans l'opacité de la brume, et ceux de mes lectures, le phare des Sanguinaires de Daudet et celui du bout du monde de Verne. Mais le plus émouvant, ce fut Armen, à l'extrémité de l'île de Sein, raconté dans le journal de bord de son gardien, Jean-Pierre Abraham.
Ici, nous ne sommes pas confrontés aux rudes vagues de l'océan. Celui choisi par Paolo Rumiz se trouve quelque part en Méditerranée, entre Italie et…, nous n'en saurons pas plus. L'auteur ne donne pas de détail sur sa situation géographique, au lecteur de trouver les quelques indices disséminés dans la narration. Un accès difficile pour le mouillage du bateau et pour le chemin escarpé qui permet d'atteindre le promontoire. Une petite île inhabitée, entre le ciel et l'eau. Un voyage immobile de trois semaines, coupé du monde extérieur, juste les deux gardiens comme témoins de son aventure intérieure.

Après ses nombreux périples aux quatre coins de l'Europe, l'écrivain voyageur nous relate les sensations multiples qu'il éprouve pendant cet ermitage printanier. Et en premier lieu, les sons. le vent, les oiseaux marins, les craquements de la bâtisse, même sans orage ou tempête, l'animation sonore est constante. Ennui ? Non, pas un seul moment de calme, il y a toujours quelque chose à voir, écouter ou sentir. La nourriture aussi y a un autre goût, mélange d'algues et de sel en permanence. Et l'oeil du cyclope en haut de la tour, qui anime de son rayonnement circulaire les nuits obscures. Jusqu'à l'âne présent sur le domaine pour faire le pendant au phare, il est borgne !

Vingt-six courts chapitres pour nous emmener à chaque fois sur un thème particulier : la pêche, les repas, le sirocco, les étoiles, la poule solitaire, les goélands, les changements de gardiens, le jardin potager, les bateaux qui croisent au large, le secours à des marins de passage, les bruits non identifiés, et bien sûr les nombreuses digressions à la rencontre de ses voyages passés. Sans oublier le malvoisie, quel joli nom pour un cépage d'origine grecque, qui ravive les souvenirs et fait passer l'absence de bon voisin.
Ce confinement volontaire amène inévitablement à l'introspection et à l'observation minutieuse de cet environnement restreint. La précision des mots est chirurgicale, la prose est poétique, la navigation se fait sans GPS, la communication est intérieure, la connexion se fait avec les éléments, les réseaux sont zoziaux, le phare est projecteur de sentiments.
Pour conclure, ici l'intelligence n'est pas artificielle. Tant qu'il y aura des raconteurs de cette trempe, les algorithmes ne prendront pas le pouvoir des mots. La mémoire et les sensations sont humaines. Même si le voyage fut immobile, le témoignage est mobilisateur. A nous de faire perdurer les émotions.  
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