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Curieusement, j'associe le tunnel d'Ernesto Sabato (1948) à un livre de Yasunari Kawabata, La beauté, tôt vouée à se défaire (1933). le Pacifique et une bonne quinzaine d'année séparent les deux auteurs et pourtant ils racontent tous deux le récit du meurtre de jeunes femmes dont l'assassin était amoureux. Dans les deux livres, le récit est perçu du point de vue de l'assassin. Et dans les deux livres, le lecteur est frappé par l'intensité des émotions évoquées et la qualité du style aussi bien de Yasunari Kawabata que d'Ernesto Sabato.
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Cet article a été publié sur : http://souslevolcan.over-blog.com/

Une petite voix murmure en permanence au plus profond de nous, mais elle est si discrète que nous ne l'entendons pas. La télévision est trop forte, la fatigue trop lourde, la solitude stupéfiante ? Ce chuchotement discret couvert par le bruit du monde s'échappe parfois comme d'une soupape de vapeur et sa musique soudaine emplit notre esprit. Il faut la douleur, la peine, la peur, le manque, la faim, l'amour pour l'entendre siffler et le héros, Juan Pablo Castel, au hasard d'une rencontre, en voit filtrer la vapeur narcotique. Il est foudroyé par l'amour et le gaz placide de son être devient le chant enflammé de son âme. Il croyait se connaitre et il devient sa propre drogue, sa vie silencieuse (contemplative - n'est-il pas peintre ?) devient bruyante et incontrôlable. Et la voix, sa voix, par le talent de Sabato, se confond avec notre propre voix intérieure. le lecteur se trouve à ce point rongé par l'état amoureux du héros qu'il en ressent presque physiquement son enfermement, sa captation par le tunnel hypnotique de la passion.
C'est là le tour de force de ce roman magnifique, d'entendre le héros se parler à lui-même comme nous nous parlons au plus profond de nos secrets. La force du livre est de nous voir immergés dans ce dramatique amour avec la force et la gravité de notre concorde d'amant, nous sentons que tout peut toujours s'arrêter tout près du bonheur, mais que de notre seule faiblesse nait cette complicité de pousse au crime qui va acculer le héros au pire, au fond de cette glissade interminable entre deux parois de verre, vers l'abîme du désespoir et de la honte.
Il y a dans ce livre l'intensité d'une tragédie Wagnérienne, une lente montée en puissance des cordes vers le hurlement solitaire de la violence au coeur de l'amour le plus absolu. Sabato écrit une partition sur l'amour avec l'acuité de celui qui sait. Des êtres se croisent et s'aiment mais ne se retrouvent jamais, il ne reste que ces voix entêtantes, celle du héros et la nôtre, qui se confondent comme deux ondes soeurs et qui nous laissent éblouis et meurtris.
Voilà un livre limpide, accessible, mais dont la force vous prend par quelque magie du texte et vous laisse pantois de désespoir et de plaisir mêlés. Sa rapide lecture vous laisse penser que vous avez gravi l'Everest des livres le temps d'un escalier, comme si vous aviez traversé des dimensions ignorées de votre univers habituel. Un très Grand petit livre, typique de la tradition littéraire sud-américaine, où le fantastique a l'odeur familière du quotidien.

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'Toute notre vie ne serait-elle qu'une suite de cris anonymes dans un désert d'astres indifférents?'
Ernesto Sábato, décédé en 2011 à deux mois de son 100e anniversaire, était une figure centrale non seulement de la vie littéraire argentine du XXe siècle, mais aussi de sa vie politique et civile. Dans les jours sombres après la chute des généraux qui avaient causé la disparition de milliers de personnes et perdu la guerre des Malouines, Sábato a été choisi pour présider la commission chargée d'enquêter sur les crimes contre l'humanité commis pendant leur règne. En tant que romancier d'un sérieux et d'une puissance immenses, il était l'une des rares personnalités publiques à avoir l'autorité morale et l'ndépendance d'esprit en Argentine en ces temps. La commission a rendu ses conclusions en septembre 1984; le rapport était détaillé, et incontestable. À la suite de ce qu'il a révélé - publié en novembre 1984 sous le titre Nunca Mas (Plus jamais) - les généraux ont été jugés. C'est le rapport de Sábato qui a montré aux Argentins leshorreurs qu'a connues leur pays.
Dans le Tunnel, Sábato a pris l'idée de l'artiste masculin dément et de la ville dans les fictions russes ou françaises, et il l'a transportée à Buenos Aires - non pour lui offrir une couleur locale, mais pour lui offrir plus de profondeur et d'étrangeté. Il a créé un héros encore moins héroïque que d'habitude et a rendu ses actions encore plus inexplicables pour tout le monde sauf lui-même. Il a permis aux ténèbres existentielles environnantes d'être encore plus négatives que la normale; l'obsession du protagoniste est devenue plus motivée, énergique et généralement démente que celle de ses homologues européens, et aussi plus étrangement crédible et intense.
L'intensité et la crédibilité découlent du style. Comme Borges et Bioy Casares, Sábato le scientifique s'intéressait au style tronqué et déclaratif du mystère du meurtre ou du dossier de police. Alors que le roman décrit des états extrêmes de sentiments frénétiques et d'activités connexes, la prose est férocement contrôlée; la plupart des phrases sont courtes et décrivent une seule action ou émotion. Ainsi, la distance entre le sujet du roman et le ton de la prose offrent une sorte de tension au récit. Cette tension permet au narrateur de ne pas s'embarrasser d'analyses de motifs, de flashbacks ou d'études de personnages. Cela oblige le lecteur à les accepter comme totalement inutiles ou parfaitement comprises.
le Tunnel est un roman sur la folie ramenée à la mémoire dans une cellule de prison, mais ce n'est pas une apologie de la folie ou des actions dues à la folie, ni une explication rationnelle de celles-ci. Au lieu de cela, il entraîne le lecteur dans le monde du protagoniste, utilisant un style délibérément calme pour suggérer que ce monde est normal.
Comme dans les romans de Dostoïevski ou de Kafka, il y a des moments où les règles du désespoir sont tellement minées, réexaminées ou dramatisées que toute l'entreprise de vivre ou de penser semble profondément absurde. Ce qui s'ensuit est une pure comédie. Cela se produit, par exemple, dans une scène classique du Tunnel, lorsque Juan Pablo Castel poste une lettre à Maria puis décide qu'il souhaite récupérer la lettre. La rencontre avec la femme au bureau de poste et l'énumération des règlements et exigences placent pour un temps le lecteur du côté de Castel. Mais pas pour longtemps. le sentiment que Castel se comporte à la fois rationnellement et outrageusement force le lecteur à changer de loyauté toutes les quelques phrases : vous sentez le temps d'un instant que Castel est un maniaque , puis l'instant suivant vous voulez vraiment qu'il récupère la lettre.
En raison du style, si contrôlé et factuel, et du contenu, qui traite d'un monde où règnent la violence, le désordre et la mégalomanie, il est fascinant de lire le Tunnel (publié en 1948) parallèlement avec le rapport que Sábato et sa commission ont livré en 1984, Nunca Mas – je crois hélas non traduit en français - qui traite des vrais meurtres commis dans la ville où l'anti-héros fictif Juan Pablo Castel a autrefois sévi et où Sábato a produit son premier roman.
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La plongée dans un crime passionnel. Une écriture ciselée pour un roman ou l'on entre comme dans ce tunnel, qui conduira le protagoniste au geste fatal.
Une oeuvre très proche de l'Etranger de Camus, le profil psychologique de l'individu en conflit avec la société ne peut qu'amener l'mère conclusion.
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Ce roman raconte la confession d'un artiste peintre qui vient de commettre un meurtre et nous explique comment il en est arrivé là. L'atmosphère est de plus en plus oppressante, parfois Kafkaïenne, et on s'enfonce dans le tunnel de cet esprit dépressif et paranoïaque dont le délire est d'autant plus perturbant qu'il semble simplement illustrer certaines vérités que nous nous refusons de voir ou d'exprimer. Discours misanthropique mais se révélant être pratiquement le paroxysme de la lucidité. Un miroir effrayant et implacable.

Le Tunnel a également des fulgurances oniriques (chapitre XXII) ou poétiques qui rompent avec l'essentiel du récit qui consiste en une introspection remarquable dans l'esprit torturé et les obsessions de ce peintre.

Clivage psychotique ou prise de conscience douloureuse et réaliste? Je suis sorti secoué de ce voyage mental au coeur des contradictions humaines.
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Le Tunnel
Ernesto Sabato
8/10

Jalousie

Juan Pablo est peintre, il aime sa femme, il aime trop et mal sa femme. Son unique dessein, son obsession c'est sa femme. Un roman qui prend les tripes, qui dégoûte, un roman ou les personnages ne sont pas libres. Chez le héros la jalousie est une maladie le poussant à commettre des actes irréparables. L'auteur à ce talent, de donner l'envie de continuer à tourner les pages d'une histoire répugnante.
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Il en va de certaines oeuvres comme de certaines rencontres dans une vie : il arrive que l'une d'entre elles constitue un fait majeur de votre existence ....
C'est ainsi que j'ai reçu de plein fouet cette oeuvre magistrale d'un écrivain totalement inconnu pour moi il y a quelques jours ..... Lu d'un trait , happée par cette confession d'un artiste peintre qui raconte cette fulgurante descente aux enfers suite à une rencontre .....


Juan pablo , artiste peintre , focalisera son attention ,lors d'un de ses vernissages ,vers une jeune femme qui s'attardera sur un détail d'un de ses tableaux .....Dès lors il élaborera mentalement multiples scénarii pour retrouver celle à qui appartient ce regard ....
C'est un homme au départ en marge , misanthrope , désabusé et surtout profondément lucide quant à la nature humaine ....

"Je dirai avant tout que je déteste les groupes, les sectes , les confréries , les corporations et , en général tous ces troupeaux qui se réunissent pour raisons de métiers,de goûts ou de manies du genre.Ces conglomérats ont quantité d'attributs grotesques: la répétition du type , du jargon ,la vanité de se croire supérieure."



Ainsi complètement centré sur lui-même pour échapper à cet effet miroir , il ne s'abstrait pas pour autant de cette comédie humaine sur lequel il porte un regard sans aménité :


"Même quand on imagine que toute trace de vanité a disparu , on en découvre , sous la forme la plus subtile , la vanité de la modestie ."



Acharné à vouloir retrouver celle qu'il a "choisi" pour incarner l'objet de sa passion , jamais ne se poser en lui la question de la réciprocité du "sentiment" et dès lors , une fois qu'il aura retrouvé celle qui deviendra son amante , aucune vraie RELATION pourra s'établir entre ces deux êtres : Pablo continue dans son délire obsessionnel , enfermé dans ses raisonnements , sans aucune ouverture sur l'autre ; lorsqu'il découvre que Maria a une vie , un mari (aveugle ) , des amis et tout un monde qui lui échappe , il glisse dangereusement dans un état paranoiaque qui le conduira au meurtre de la jeune femme.

Une histoire en apparence bien banale du drame de la jalousie , maintes fois reprises dans la littérature mais ici , à travers le texte de SABATO , il s'agit aussi d'une mise en lumière de la chute d'un homme pourtant parfaitement lucide dans la folie ....Et c'est ce paradoxe qui effraye : la raison au service de la psychose .....

Cet homme coupé du réel dès le départ , enfermé dans sa propre réalité , n'accorde aucune existence à l'autre : et c'est à travers cette"petite fenêtre " sur laquelle s'est penchée Maria dans l'observation du fameux tableau, censée représenter "une solitude anxieuse et absolue" que Pablo veut attirer l'objet de son amour : s'accaparer Maria pour ne plus être seul dans son univers ...... le seul regard de celle ci , peut être fortuit , sur ce détail , suffira à mettre en place un mécanisme imaginaire chez Pablo le déconnectant complètement du réel .....

Pablo , en proie à une jalousie grandissante , décortique , analyse , déduit ...... sans trêve .....accaparé , obsédé , par l'idée que Maria ne lui appartienne pas : ces raisonnements dont l'unique faille reste l'absence de contact avec ce qu'il entoure le conduiront à l'assassinat de l'objet de sa passion destructrice ......

"Le tunnel" :Mais au bout on peut percevoir la lumière toujours ..... Si tant est qu'on veuille continuer ! L'écriture de SABATO tout en finesse nous laissent entrevoir quelques percées de lumière et à la fin de sa confession , alors confiné au fin de se cellule Pablo écrit :

"Par la lucarne de ma cellule , je vis se lever un nouveau jour , avec un ciel maintenant sans nuages .Je me dis que beaucoup d'hommes et de femmes devaient commencer à se réveiller et qu'ensuite , ils prendraient leur petit déjeuner et liraient leur journal ou iraient au bureau , ou feraient manger les enfants ou le chat , ou commenceraient le film de la veille . "

N'est-ce pas une première ouverture sur l'altérité et de la reconnaissance de l'autre ?
J'ai envie d'y croire ......

Il y aurait tant à dire encore , et je crois qu'une seule lecture ne suffit pas pour appréhender le texte dans la richesse de son contenu ....En outre il me semble que cette oeuvre représente le type de littérature interprétable à l'infini car il touche à la profondeur de l'homme et la notion de subjectivité prend tout son sens dès lors .......
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A Buenos Aires, Juan Pablo Castel rencontre Maria, une jeune femme belle et énigmatique dont il tombe amoureux. Des années plus tard, depuis sa cellule, il nous raconte son amour pour elle et les raisons qui l'ont poussé au geste ultime : son meurtre.
Cet homme misanthrope, obsédé par une femme beaucoup plus jeune que lui, qu'il pense être son âme soeur nous raconte la passion dévastatrice qui les lia des années auparavant dans les rues animées de la capitale argentine.
Cette femme, Maria, devient le centre de son monde, le Soleil de son système de vie, tout ne tourne plus qu'autour d'elle. Il en devient paranoïaque, l'accusant de le tromper, de ne pas l'aimer, de lui mentir. Au fil des pages, leur amour prend une tournure de plus en plus terrible, de plus en plus dangereuse, pour lui comme pour elle. Il la suit, il s'infiltre chez lui, il ose tout pour tenter de la confondre et de trouver des preuves pour alimenter sa paranoïa.
Lien : http://thegingersreading.blo..
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Derrière les barreaux de sa cellule un criminel livre sa confession. Sont exposés les événements qui ont conduit cet artiste peintre au féminicide, perpétré sur une personne qu'il a remarqué à l'occasion d'un vernissage. Difficile de qualifier son forfait de crime passionnel, tant la passion ne semble pas avoir l'amour comme ressort profond. Cette passion-là, c'est l'égoïsme, le narcissisme et la vanité blessée de son auteur. L'homme s'est construit une image d'une alter ego ; frustré, il devient dur et cruel, la personne réifiée lui échappe, çà lui est insupportable, il tue. Néanmoins, plus que cela, le Tunnel du récit, est le symbole de la solitude radicale de l'existence, l'angoisse existentielle devant l'incommunicabilité des êtres.

Écrit en 1948, ce récit ramassé est, par le sujet et les thèmes abordés, intemporel et donc d'une actualité brûlante. C'est, à n'en pas douter, un des grands récits de la jalousie.
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Juan Pablo Castel a tué Maria Iribarne, la femme qu'il aimait passionnément. du fonds de sa prison, il raconte leur rencontre dans la galerie où il expose. Il relate ensuite sa quête pour retrouver cette femme mystérieuse qui s'est intéressée non pas à sa peinture dans sa globalité mais à un détail infime de la dite peinture.
Dans un livre très court (140 pages), Ernesto Sabato dévoile la psychologie de Juan Pablo et on suit le cheminement (la folie?) de la pensée du peintre. Car Juan Pablo est fou, à n'en pas douter. Il s'imagine des scénarios, ce qu'il dirait si son amour disait ceci ou cela, il tire des conclusions abracadabrantes mais toujours avec une logique imparable (pour lui). D'une situation anecdotique, Maria ferme la porte de la pièce où elle se trouve pour lui parler au téléphone, il bâtit toute une histoire d'infidélité, voire de prostitution un peu plus tard. de syllogisme douteux en interprétation alambiquée mais auxquels il croit passionnément il se fait (et nous donne) une image totalement floue et mystérieuse de Maria.

Juan Pablo est un être égocentrique, antipathique , il déteste ses contemporains, se croit supérieur, mais au bout du compte on éprouve tout de même de la pitié pour ce créateur incapable de vivre une aventure "normale" : il faut qu'il se torture et torture les êtres qu'il aime.

Leur passion est destructrice, même si Maria sait dès le début que cela va la détruire, elle n'arrive pas à sortir des griffes de ce redoutable amant, cruel et manipulateur.

En conclusion : un roman court mais quel souffle ....
Lien : http://lajumentverte.wordpre..
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