Si j'avais un franc d'
Abdelkrim Saifi, premier roman. Editions
Anne Carrière
2023
J'ai beaucoup aimé ce premier roman qui se lit facilement car l'écriture est claire et simple; l'auteur revient sur ses parents arrivés d'Algérie en 1948, c'est un témoignage qui m'émeut tout particulièrement car, née en 45, j'ai très tôt commencé à m'intéresser aux immigrés: d'abord les italiens à Roubaix, puis les polonais à Lens et ensuite les algériens et les marocains un peu partout dans le Nord/ Pas-de-Calais. On faisait appel à eux pour reconstruire le pays après la guerre.
L'auteur, fils aîné d'une famille de dix enfants (sans compter les trois mortes en bas âge), témoigne de la lutte qu'ont menée ses parents entre nostalgie de l'Algérie et vie ouvrière dans le nord pour nourrir cette grande famille et payer les dettes inévitables avec un seul petit salaire. La maman Yamina ne pense qu'à rentrer au pays qu'elle idéalise mais elle rêve aussi que ses enfants réussissent mieux qu'eux et s'intègrent. le père diffère toujours, plus réaliste, jusqu'à s'épuiser au travail et y laisser sa peau. Leurs conditions de vie sont très difficiles, la nourriture manque mais Yamina fait des miracles pour que les enfants n'en souffrent pas. Quand les enfants lui demandent un franc, elle s'écrie : «
si j'avais un franc »et elle énumère tous ses désirs tus.
Yamina est une bonne conteuse et le soir elle invente des histoires pour ses petits.
Il y a des petits bonheurs sur fond de racisme et de politique : FLN, MNA,
De Gaulle.
La misère frappe toute la classe ouvrière : les mines, les aciéries, les usines textiles ferment et le départ des immigrés est souhaité pour éviter le chômage « aux français de souche ».
Il y a tant de choses dans ce roman, à la fois réalistes et très émouvantes que je vais inciter les lecteurs à le découvrir afin de savoir si ma subjectivité est en jeu.
Ps : je ne suis pas immigrée, n'ai pas été victime du racisme, n'ai pas connu l'exil mais j'ai connu un temps cette misère et les trésors d'inventivité que déployait celle qui m'élevait...j'ai connu de très près des algériens venus sans leurs familles : leur misère et leurs solitudes faisaient peine. Mon petit frère allait souvent faire la sieste avec eux : ils le couvraient de petits cadeaux (dont une paire de chaussons en peau, rouges avec un croissant jaune. Pour nous remercier de notre aide (pour acquérir le français en particulier) ils nous ont offert le meilleur couscous dont je me souvienne . Nous avons quitté la région pour Lens et les avons perdus de vue.