Le regard tourné vers la mer, Salim scrute l'horizon…
🌊Salim, c'est tous ces jeunes en mal de vivre, que la société rejette comme la mer rejette des amas d'algues sur la plage. Et comme ces algues qui jonchent le sable, ces jeunes se transforment en pollution, sinon olfactive, du moins visuelle. Écueils d'une société qui se voile la face, ils errent dans les rues et endorment leurs peines à renfort d'alcool et de drogue.
🌊Comme le chant des sirènes attire les marins, le bruit des vagues charme Salim. Jour après jour, les yeux posés sur la mer, le clapotis des ondes lui chante une douce mélodie : clap-clap ! clap-clap ! clap-clap ! Déjà mort avant même d'avoir vécu, il succombe alors à l'appel de la mer, dans l'espoir de pouvoir renaître dans un monde meilleur. Après des semaines d'attente, teintée de désespoir, durant lesquelles il se découvre capable du pire, c'est à bord d'un bateau de fortune que Salim réalise que les passeurs ne sont rien de plus que des esbroufeurs qui vendent des chimères pour du rêve. Cet eldorad[eau] qu'ils lui ont fait miroiter n'est que misère.
🌊Stigmatisé dans son propre pays, il l'est aussi, si ce n'est plus, dans cette contrée qui lui ouvre les portes pour finalement l'enfermer. Jadis loup de mer qui voyageait sur les flots de ses songes, aujourd'hui rien d'autre qu'un loup derrière les barreaux d'une fenêtre d'où il ne peut même pas admirer la soie bleue qui drapait ses songes, Salim devient le spectre de lui-même, sans même l'espoir d'être un revenant, car lorsque l'on a vécu l'atrocité, il n'y a plus de retour possible. Au pays de Don Quichotte, Salim n'a plus la force de se battre contre les moulins à vent. Au loin, la ville des lumières devient alors ténèbres. Finalement, peu importe où se trouve la fenêtre par laquelle on scrute l'horizon, l'autre côté de la mer nous semble toujours meilleur… et le mal du pays, le manque de ses proches, finit par l'immerger.
Dans ce premier roman, à la fois poétique et percutant,
Neïla Romeyssa donne la voix à tous ces migrants qu'elle a rencontrés : fidèle dépositaire de ces témoignages poignants, elle s'efface devant le personnage, qui s'adresse à elle… ainsi qu'à nous. Ce qui d'ailleurs me fait quelque peu culpabiliser, car je n'ai pas senti de réelle empathie envers le protagoniste : il m'a manqué ce je-ne-sais-quoi qui m'aurait fait « voyager » à ses côtés ; je n'ai emprunté qu'un radeau et fait la traversée loin derrière lui.
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