Dans ses deux préfaces, celle de 1832, lors de la sortie d'
Indiana, et celle de 1848, lors d'une nouvelle publication,
George Sand explique dans quel état d'esprit, pourquoi et comment elle a écrit ce roman.
George Sand avait alors 28 ans, déjà une grande expérience de la vie, pour une si jeune femme, au début du 19ème siècle, et surtout, une intelligence lumineuse.
« J'ai écrit
Indiana, j'ai dû l'écrire (…) La cause que je défendais est-elle donc si petite ? C'est celle de la moitié du genre humain, c'est celle du genre humain tout entier ; car le malheur de la femme entraîne celui de l'homme, comme celui de l'esclave entraîne celui du maître, et j'ai cherché à le montrer dans
Indiana. On a dit que c'était une cause individuelle que je plaidais ; comme si j'eusse été le seul être infortuné dans cette humanité paisible et radieuse ! Assez de cris de douleur et de sympathie ont répondu au mien pour que je sache maintenant à quoi m'en tenir sur la suprême félicité d'autrui.
(…) j'ai écrit
Indiana avec le sentiment non raisonné, il est vrai, mais profond et légitime, de l'injustice et de la barbarie des lois qui régissent encore l'existence de la femme dans le mariage, dans la famille et la société. Je n'avais point à faire un traité de jurisprudence, mais à guerroyer contre l'opinion ; car c'est elle qui retarde ou prépare les améliorations sociales. La guerre sera longue et rude ; mais je ne suis ni le premier, ni le seul, ni le dernier champion d'une si belle cause, et je la défendrai tant qu'il me restera un souffle de vie. »
George Sand était pleine de force et de sincérité quand elle décrivait « le rapport mal établi entre les sexes, par le fait de la société ». Elle n'a fait qu'exercer son métier de conteuse en racontant la vérité sur la société de son temps qui plaçait la femme en-dessous de tout.
Pourtant, le personnage d'
Indiana, la femme, est bien misérable : il lui faudra bien des années à cette toute jeune femme innocente, inculte, pas aimée, pour comprendre les hommes autour d'elle et de se comprendre elle-même. Elle livrera, tout au long du roman, un combat épuisant contre la société qui nie son être de femme, qui veut faire d'elle un ange alors qu'elle est un être de chair, de sang et de coeur.
Le mari, qui représente la légitimité, la loi, est aussi aveugle qu'elle. Oh, il n'a pas le plus beau rôle !
L'amant, le tentateur, la société lui a donné l'illusion que le monde n'était là que pour lui faire plaisir, que les richesses n'étaient là que pour être saisies par sa main blanche et lisse, que les femmes n'étaient là que pour satisfaire le plaisir des hommes comme lui. Pourquoi chercherait-il à changer cette société qui le comble de ses bienfaits ?
Quant à l'homme bon, il se reconnaît facilement : c'est celui qui ne cherche pas à briller en société, celui qui s'oublie lui-même au profit des autres.
Oui, vous pouvez lire
Indiana pour son plaidoyer pour la liberté de la femme, pour connaître l'Histoire au travers de cette histoire, ou tout simplement pour lire une bonne et très belle histoire. Mais quand vous aurez lu ainsi
Indiana, vous y reviendrez pour vous imprégner de l'intelligence du monde qu'avait
George Sand, pour sa profonde connaissance de l'âme des hommes et des femmes, pour son intelligence qu'elle met à votre portée dans un style clair et simple, si lumineux et si touchant.
Gabrielle Dubois©
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