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3,73

sur 153 notes
C'est une expérience de lecture vraiment à part de se frotter à la plume de Saramago : d'une impitoyable densité (les passages à la ligne sont rarissimes), elle laisse extrêmement peu de latitude à son lecteur qui non seulement ne peut pas relever le nez de la page, mais de plus est ramené de force dans le texte par le narrateur qui, avec un humour entortillé dans d'interminables phrases, se charge lui-même des divagations. Ainsi le pré-requis est-il d'accepter que l'auteur prenne les commandes et de lui faire confiance, après tout il n'a pas reçu le prix Nobel pour rien.

Comme dans "L'aveuglement", c'est le décalage entre le ton (cet humour teinté de cynisme et de bon sens porté par la voix du narrateur qui nous grésille à l'oreille comme une pythie facétieuse) et le fonds qui m'ont interpellée dans ce roman sombre et vertigineux: démarrant dans la réalité stable et tangible de Tertuliano Alfonso Maximo, morne professeur d'histoire au mi-temps de sa vie, on perd peu à peu pied avec lui à mesure qu'il s'enfonce dans le questionnement existentiel amené par la découverte d'un "autre", acteur de second ordre, qui lui est absolument semblable. Dès lors, notre homme sombre dans l'obsession de façon irrémédiable. La bascule se fait peu à peu, chaque décision effaçant derrière elle le chemin qui l'y a amenée, le destin prend le pas sur la raison dans cette situation inouïe qui ne peut avoir d'issue heureuse.
Un roman troublant qui sur la base d'une intrigue très simple et parfaitement menée questionne en profondeur sur l'identité, la singularité, la fragilité de l'équilibre de chacun.

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Ce livre est le quatrième Saramago que je lis autant dire que la plume du bonhomme me plait. Je trouve une certaine parenté avec Faulkner dans la recherche de se rapprocher le plus possible de la retranscription des flux de pensée des personnages.
C'est le cas ici, où se surajoute un narrateur omniscient et facétieux qui s'observe dans son travail de conteur, bref un vrai jeu de miroir particulièrement adapté au sujet.

Le sujet parlons-en, une trouvaille toute simple et aux multiples conséquences, que je vous laisse entièrement découvrir, pour le plaisir de la surprise. C'est une habitude de l'auteur, une idée de départ simple mais diablement originale dont il exploite ensuite toutes les facettes. Petite déception ici, certaines facilités vers la fin, qui permettent de créer un final hollywoodien qui facilita sans doute la vente des droits au cinema pour le film Ennemy.

Mais ne boudons pas notre plaisir, c'est bien écrit, innovant, intelligent, divertissant. Comment mieux passer le temps qu'en si bonne compagnie !
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N'aytant pas pigé grand chose au film de Denis Villeneuve, Enemy, sorti en salles depuis le 27 aout dernier, j'espérais que la lecture du livre de José Saramago, dont le film de Villeneuve est adapté puisse me donner pas mal d'éclaircissements aux films, j'en fus bien pour mes frais tant le roman m'a paru tout autant opaque et abscons, rajoutant peut -être encore plus de confusion..
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Sujet qui tient au coeur du prix Nobel, l identité, cette fois déclinée sous le prisme du sosie parfait d un professeur d histoire, acteur secondaire qui joue de petits rôles, qui va modifier la vie et le comportement du personnage principal.
Sujet également très intéressant, mais qui, à mon humble avis, s enlise dans des méandres et des circonvolutions qui deviennent rébarbatives.
Bien sûr pour qui a déjà lu Saramago, les dérives et les multi tiroirs de ses longues phrases les plus souvent magnifiques sont la marque de fabrique, le style unique de cet auteur portugais.
Pas de changement dans ce livre, mais un ennui, un lent désintérêt, l histoire n avance pas mais ce sont surtout les propos développés qui ne m ont pas procurés le plaisir coutumier que j éprouve en lisant et relisant ses phrases interminables.
La fin est plus "enlevée", mais, une fois encore, à mon petit avis, ce n est pas le meilleur de José Saramago. (Je pense à " l aveuglement")
Ce qui ne va certainement pas m arrêter dans la découverte de cet écrivain !
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Avec ce roman, Saramago réitère le motif du double, si souvent dédoublé en littérature, de Plaute à Poe en passant par Hoffmann et Gogol. Hé oui, difficile de faire original avec le double. Mais ici Saramago s'attache à nous montrer que l'originalité tient dans le style. Et il faut s'accrocher pour suivre la cadence infernale de son narrateur, sorte de double chaotique et clownesque de l'auteur, qui déploie de longues phrases torrentielles sans paragraphes et sans les signes typographiques habituels des dialogues. Ainsi la narration mélange-t-elle sans indications claires les pensées du personnages, les réflexions et analyses pince-sans-rire du narrateur, les dialogues, et même des interventions du « sens commun », personnage à part entière, qui se récrimine occasionnellement contre les actions du héros, nommé Tertuliano Máximo Alfonso. Ce héros est donc clairement distinct du sens commun, ce qui devrait peut-être l'inquiéter, mais justement son manque de sens commun fait qu'il ne se formalise pas plus que ça de voir ce dernier prendre ses distances avec lui… cercle vicieux s'il en est.

On constate que cet écart entre le héros et le sens commun le fait par définition sortir de l'ordinaire... alors que de toute évidence c'est précisément sa banalité qui au départ le fait déprimer et le rend susceptible de nourrir une névrose envers un double. Comme l'a exprimé le philosophe Clément Rosset, la peur du double tend à cristalliser celle de se trouver inintéressant, d'être irrémédiablement fondu dans la masse et de se vider de son essence face à un double plus réel, plus accompli. Et de fait, la profession d'Antonio Claro (le double du héros) suggère sa prééminence par rapport au héros : c'est un acteur, dont le corps est transposé dans des films. Son corps se dédouble en une série d'images, de façon potentiellement infinie et éternelle. Coïncider avec ce double, c'est symboliquement la promesse d'échapper à la mort. Précisons d'ailleurs qu'en tant qu'acteur, Antonio Claro, utilise le pseudonyme de Daniel Santa-Clara. Ce « Santa » esquisse une promesse de canonisation, de Grâce. Mais comme c'est un pseudonyme, il révèle aussi la part d'illusion propre au double. Comme au cinéma, la substance de l'image vient de l'oeil du spectateur.

Notons aussi que Tertuliano (Tertullien en français) c'est un des pères de l'Église, l'un de ceux qui ont prétendu interpréter Dieu et en faire ressortir une doctrine, un ordre. L'obsession du héros rejoint ainsi la grande Histoire religieuse de l'humanité. Précisions d'ailleurs que la profession de Maximo est… enseignant d'Histoire.

De ce point de vue, l'obsession de l'autre, aussi maladive qu'elle paraisse dans ce roman, n'est peut-être que le reflet de celle qui constitue la société, ou plus précisément son insociable sociabilité. de même que Cosmos de Gombrowicz (autre grand roman sur l'obsession), L'autre comme moi se joue du sens commun dans une narration en apparence chaotique mais qui recèle un ordre caché, celui des constellations de notre vie sociale, qui reposent chez Saramago sur la comparaison de l'autre et du moi, et les crises identitaires qui découlent du fait de vivre avec d'autres êtres humains, si semblables à nous et pourtant dotés d'une existence propre... sur laquelle nous projetons facilement la nôtre.

Non Máximo et son double ne sont décidément pas des saints, juste des hommes comme les autres, des « autres comme moi », et pourtant cette lecture me laisse à penser que Saramago croit aux saints, et ce en dépit d'un anticléricalisme assez transparent. Plus précisément, il croit aux saintes, car les femmes dans ce récit ont un rôle positif au point d'être transcendant. Mais les saintes elles-mêmes peuvent-elles racheter l'humanité, dont ce roman semble esquisser l'Histoire cyclique, à travers le destin de ce professeur d'Histoire banal, trop banal ?
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Mon deuxième Saramago, et jusqu'ici c'est un sans-faute. Dans ce livre nous suivons de ce professeur qui trouve un sosie, un autre lui. le même visage, les mêmes expressions, la même voix, la même manière de se mouvoir, de se déplacer. Troublant. Mais trop pour l'homme, et l'un des deux doit disparaître. Une spirale infernale. Lire du Saramago, c'est accepté de se livrer à une lecture particulière. Beaucoup de pages sans paragraphes, sans dialogue. Une impression d'étouffement, mais le lecteur sait qu'il arrivera au bout de quelque chose d'unique. Il faut s'accrocher. Et quand on s'accroche, nous sommes bluffés. Saramago amène son lecteur exactement là où il veut. de la plus brillante des façons. Une histoire à rendre fou. Une bonne lecture.
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Tartuliano Maximo Afonso est un prof d'histoire, célibataire, un peu dépressif. Quand un collègue lui conseille de regarder la vidéo "Qui cherche trouve", il subit un choc. Un acteur secondaire est son sosie. A partir de là, il n'a qu'une obsession : trouver son nom, son adresse, le découvrir, le rencontrer sans en parler ni à sa mère ni à sa maîtresse.
L'intrigue est prenante et la technique narrative efficace. le narrateur détaille les pensées parfois contradictoires du personnage en le faisant même dialoguer avec le "sens commun" , jette de temps à autre des indices pour nous inciter à plonger plus avant dans la tragédie qui s'annonce.
Un roman sur la crise d'identité, jubilatoire !
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"N'oubliez pas que ce que nous appelons aujourd'hui réalité fut imagination hier, pensez à Jules Verne,....."
Tertuliano Máximo Afonso vit seul et s'ennuie. Ce professeur d'histoire divorcé décide de chasser son ennui en louant, sur les recommandation d'un collègue, une cassette vidéo d'un film banal ayant eu une diffusion très très confidentielle. Des plans de  quelques secondes aperçus à cinq reprises l'intriguent.... une femme jeune et jolie s'adresse au réceptionniste d'un hôtel....celui-ci lui ressemble et porte une moustache.. le film a 5 ans et  5 ans auparavant Tertuliano portait une moustache, une moustache identique à celle de l'acteur. Tous deux ont la même voix !
Mais pourquoi donc, son collègue lui a-t-il conseillé de voir ce film, cette , cette"merde", comme il dira ?
Il mène sa petite enquête auprès du loueur de vidéos puis auprès de la société de production et parvient à identifier son double , qui apparaît dans d'autres films, réalisé à d'autres dates...ses petits rôles changeaient au fil des dates, son physique également.... une évolution physique identique à celle de  Tertuliano Máximo au fil des ans ! Son double !
On ne peut qu'être troublé. Aussi, il décide d'adresser un courrier à Daniel Santa-Clara, ce double qu'il est parvenu à  identifier, sous le prétexte d'étudier  l'importance des acteurs secondaires  dans les films...et le rencontre.
Ils vont même se rencontrer à plusieurs reprises, je ne vous en dis pas plus.
José Saramago joue avec le lecteur, le manipule, le désoriente, le perturbe. Nous-même le serions si nous croisions un jour, par hasard notre double, un vrai double, pas une simple ressemblance....non un double ayant la même voix, évoluant au fil du temps comme nous et pire encore né à la même date, seule l'heure change....mais alors qui est le clone de l'autre? Lui ou moi?
On peut s'habituer à l'écriture de Saramago, à ces pages sans paragraphe, à ces conversations sans guillemet...mais on doit s'attendre à tout du fait de l'imagination de cet auteur...il surprend toujours et innove, pousse la logique jusqu'à l'absurde, joue avec les mots dans chaque livre, mais nous perd parfois avec des digressions, avec des longueurs,..
Son imagination va même se nicher dans les propositions de ce prof d'histoire au  proviseur du lycée dans lequel il travaille, le perturber ainsi que le lecteur.
"Bon Dieu, mais c'est bien sûr!"...se dit-on.
Oui, pourquoi n'arrive t-on jamais à finir les programmes scolaires d'histoire et à mieux comprendre notre monde contemporain?
"....imaginez ce que serait la vie dans un lycée si tout le monde se parlait, on ne ferait plus rien d'autre et les études en pâtiraient."
N'est pas Prix Nobel qui veut..!
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Ce livre conte l'histoire d'un professeur de lycée dépressif – Tertuliano Maximo Alfonso – qui, au hasard d'un mauvais film de série B, découvre qu'il a un double parfait en la personne d'un acteur de seconde zone – Daniel Santa-Clara.

Ils se ressemblent traits pour traits, mais pire que cela, ils ont la même voix, la même coupe de cheveux et même leurs cicatrices sont identiques. Poussé par la curiosité, Tertuliano va chercher à rentrer en contact avec cet ‘'autre comme lui''. de là naitra le chaos…

José Saramago aime faire des expériences avec ses personnages. En démiurge un brin sadique, il les plonge dans des situations inédites, souvent surréalistes, et regarde comme un scientifique amusé, les résultats chaotiques de ses expérimentations. On plonge dans les livres de Saramago pour s'y perdre, pour se laisser emporter par l'avalanche de folie et de monstruosité qui déferle sur les personnages. L'auteur nous les fait observer de loin, avec une ironie mordante. Il donne son avis, se moque, se joue de ces pauvres créatures, qu'il maltraite avec une jubilation assumée et, dans mon cas, partagée.

On rit ainsi beaucoup dans l'Autre comme moi, avec l'auteur, contre les personnages. C'est un rire jaune, presque méchant. le héros est une sorte de bouffon un peu ridicule mais attachant, qui m'a fait penser à l'Ignatus de John Kennedy Toole. On s'en moque beaucoup, mais une réelle sympathie naît également pour cet homme excentrique, bourré de principes et totalement décontenancé par ce qui lui arrive.

Puis très vite, le rire se fige et l'angoisse monte. de délire drolatique, le récit se transforme en cauchemar atroce et glaçant.

L'étrangeté du propos se marie une fois encore à un style unique et exigeant – sorte de grand bloc de texte sans fin, où la virgule est reine, où les phrases s'étendent à l'infini et où les chapitres n'existent pas, où les dialogues se confondent à la narration et où les digressions et les incidentes viennent chambouler la trame du récit.

Je n'en dirais pas plus sauf à préciser que :

1) Saramago n'a pas son pareil pour ausculter la noirceur humaine. Tous les récits que j'ai lus de lui tendent vers ce but. L'Autre comme moi, sous ses dehors de comédie, n'échappe pas à cette règle.

2) La fin du livre est proprement géniale !

A l'instar de Jojo La Frite, je ne peux ainsi que vous conseiller de découvrir l'oeuvre, noire, violente, mais passionnante de José Saramago. Son style très particulier peut au premier abord rebuté, mais, très vite, il emporte et ne vous lâche plus.



Tom la Patate
Lien : http://coincescheznous.unblo..
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Voilà une histoire cauchemardesque comme José Saramago en a le secret. Certes, on peut être un peu dérouté par le style littéraire propre à cet auteur, absence quasi totale de paragraphes où dialogues et narration sont noyés, libertés avec la ponctuation, phrases longues, parfois interminables, de nombreuses digressions…. qui aboutissent à une densité du texte et peuvent rendent parfois la lecture laborieuse. Je me suis d'ailleurs surprise parfois à en ressentir de la gêne, sinon de l'impatience ; mais au final, cette manière, ou parti-pris, finit par servir parfaitement l'intrigue, donner le tournis au lecteur et l'emporter là où l'auteur le souhaite.

Le scénario est original, et le thème du double intéressant et riche à exploiter, mais pour ma part, jusqu'ici, j'ai préféré de beaucoup Tous les noms et surtout L'aveuglement.
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