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sur 1371 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Tout commence à un croisement, dans la rue d'une ville anonyme. Lorsque le feu passe au vert, toutes les voitures démarrent. Toutes, sauf une. Celle d'un homme devenu subitement aveugle dans sa voiture.
Un autre homme lui vient en aide et le ramène chez lui. Sa femme rentre. Elle l'emmène chez l'ophtalmologue qui ne décèle rien d'anormal, ce qui l'intrigue énormément. Dans la soirée, il se penche sur ses ouvrages scientifiques dans le bureau de son appartement. Jusqu'à ce que comme l'homme du croisement, il ne voie plus qu'un écran blanc.

L'ophtalmologue est aveugle, la femme du premier aveugle est aveugle, l'homme qui lui est venu en aide est aveugle. Une épidémie de cécité s'abat sur le pays.

Les autorités sont dépassées. L'épidémie se propage et tout juste a-t-on le temps d'enfermer les premiers cas en quarantaine, dans un ancien asile d'aliénés. C'est là que vont se retrouver les premiers aveugles que nous avons rencontrés, y compris la femme de l'ophtalmologue qui se déclare aveugle pour pouvoir rester avec son mari.

Contre toute attente, elle est la seule à ne pas perdre la vue. Et donc la seule qui pourra assister de ses propres yeux à la perte de repères de ses congénères, tant spatiaux que sociaux. Les aveugles sont livrés à eux-mêmes. Personne pour leur indiquer où sont les toilettes, pour vérifier que tout le monde a bien sa part de nourriture, pour leur dire si c'est le jour ou la nuit.

Ces gens sont parqués dans les dortoirs et advienne que pourra. La déshumanisation se fait de plus en plus insistante à mesure que le roman progresse, sous le regard discret de la femme du médecin qui ne peut pas dévoiler qu'elle voit encore, sous peine de devenir l'esclave de son dortoir. Elle assiste à tout : ceux qui défèquent dans le couloir, ceux qui copulent dans un coin, ceux qui pleurent en silence. Chacun se bat pour survivre, jusqu'à ce que l'innommable soit atteint.

On n'est pas sans penser à un roman post-apocalyptique. Il faut faire face à des situations inédites, avec une perte de repères totale qui va au-delà de la perte de la vue. Il faut sauver sa peau, quitte à commettre des actes autrefois impensables.

Il peut être difficile d'entrer dans ce texte dont les caractéristiques peuvent rebuter plus d'un lecteur moyennement motivé. Notamment pour les nombreux dialogues, qui ne sont pas lisibles d'emblée. Ils sont regroupés dans un bloc, les répliques se suivent et on sait qu'on passe d'un personnage à l'autre par l'emploi d'une virgule et d'une majuscule. Saramago utilise de longues phrases, certains passages peuvent perdre la concentration du lecteur. Enfin, les personnages ne portent pas de nom ; ils sont désignés par leur fonction.

Pour autant, on s'attache rapidement à ces personnages. Non véritablement pour ce qu'ils sont mais pour l'injustice subie : le malheur qui leur tombe dessus sans que ne perce l'espoir d'un jour meilleur. On les suit dans leur quotidien, qui sera marqué par de nombreux rebondissements, en se demandant comment tout cela va se terminer.

L'aveuglement n'est pas un roman accessible à tous, non pas qu'il faille être d'une intelligence supérieure, mais parce qu'il demande un effort de la part du lecteur. C'est un effort qui vaut le coup et je suis très contente d'avoir franchi le pas !
Lien : https://lejardindenatiora.wo..
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Ce livre est un vrai bijou, dans la lignée selon moi des nouvelles et des intuitions géniales d'un Buzzati, avec de grandes différences stylistiques cependant (et il y aurait beaucoup à dire à ce sujet). Il me semble reprendre la lettre sur les aveugles de Diderot qui cherchait, d'une part, à montrer comment un aveugle apprenait à penser (suite à la fameuse opération d'un aveugle de naissance à son époque) ; et d'autre part, à mieux comprendre aussi le fonctionnement de l'esprit d'un voyant à partir du non-voyant. Saramago fait de même dans cette fiction et à plusieurs niveaux.

1) Tout d'abord, et de manière vertigineuse, l'écrivain portugais nous montre comment la civilisation elle-même n'est possible que pour des voyants : comment organiser rationnellement des approvisionnements, et à quoi ressembleraient les sanitaires puisqu'un système de canalisation s'avère impossible à construire ?? Comment même une ville serait possible pour des aveugles si la démographie était importante (comment feraient-ils donc pour se repérer) ? Que seraient des maisons pour des aveugles, leur intérieur ? Plusieurs métiers n'existeraient plus du tout et de nombreuses formes artistiques sombreraient dans les limbes ! Il pourrait y avoir des communautés d'aveugles, mais pas de véritable société à grande échelle

2) Bien des choses qu'on pense être le propre de l'homme disparaîtraient, ou en tout cas, se modifieraient profondément : les aveugles ne chercheraient pas à enterrer les morts (comment en effet pourraient-ils s'y retrouver dans un cimetière?) : il n'y aurait plus de sépultures, plus même de culte des morts. De même, des sentiments disparaîtraient et d'autres apparaîtraient. Dans l'amour, le physique ne compte plus, la pudeur et la décence semblent sans importance - comme le montre une histoire d'amour au sein du récit où deux personnages ont d'ailleurs un grand écart d'âge.

3) Enfin, cet ouvrage est une invitation à jouir de la vision. Nous, les voyants, ne savons plus apprécier les choses perçues puisque nos habitudes émoussent notre sensibilité. Ainsi, Saramago ne cesse de dire à son lecteur (lorsqu'on approche de la fin) : mais imaginez-vous soudainement recouvrer la vue ! Imaginez cela pour jouir de ce qui est autour de vous : un corps de femme ruisselant de pluie !! Superbe fiction qui s'avère être subtilement une expérience de pensée philosophique.
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Une société où la cécité se propage telle une épidémie, voici le pitch original et étonnant de "l'aveuglement".

Au premier contact avec ce livre j'ai eu une sensation d'étouffement. Pas par son contenu mais par sa forme : les lignes s'entassent, les dialogues ne sont pas séparés par des tirets ou des lignes distinctes, si bien que les 300 pages équivalent plutôt au double en temps de lecture.

Et pourtant, même si cet aspect de la mise en page m'a tout d'abord rebuté, la lecture est fluide, prenante. le style d'écriture est atypique (aucun prénom dans ce roman, les personnages sont identifiés par leur profession ou leur physique.
J'ai été happé du début à la fin. Les 3 parties bien distinctes du récit sont riches de rebondissements et d'imprévus. Et c'est ça la force du livre : jusqu'au bout on marche à "l'aveugle" sans savoir où l'auteur nous emmène.

L'ambiance est sale, moite, puante et rarement un récit aura été aussi visuel (malgré son titre) car le lecteur est immergé dans cette blancheur des plus obscures.

Un vrai bijou, une lecture atypique, qui restera dans ma mémoire.
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L'aveuglement - José Saramago

Il y a peu, j'ai entendu une membre d'un cercle dire « j'ai choisi ce livre, car c'est un livre d'hiver ». Je comprends ce qu'elle veut dire, c'est aussi un de mes grands plaisirs de coller ce que je lis à ce que je vis, attaquer Mario Vargas Llosa au Pérou, Esprit d'hiver de Kasischke à Noël. C'est dans cette démarche que j'ai choisi mi-mars de lire l'aveuglement, un livre sur une pandémie. Sauf que ce n'était pas ma meilleure idée.

L'histoire c'est celle d'un homme qui en conduisant sa voiture devient brusquement aveugle, une épaisse nappe blanche a remplacé son champ de vision. Un homme vient l'aider, en profite au passage par lui voler sa voiture. le premier aveugle se rend avec sa femme chez l'ophtalmologue. le soir même, tous ceux qui ont croisé la route de l'homme : le voleur, sa femme et l'ophtalmologue deviennent à leur tour, sans explication, aveugle. le gouvernement pour endiguer cette cécité extrêmement contagieuse décide de confiner ces nouveaux aveugles dans un asile désaffecté. Parmi eux, l'épouse de l'ophtalmologue épargnée par la maladie se fera passer pour aveugle, pour ne pas être séparer de son mari. Bientôt la cécité se reprendra partout.

C'est un livre qui se situe entre le survivalisme et la science fiction. La descente aux enfers est progressive et cruelle. Chaque scène est décrite sans empathie ou concession. L'auteur pointe du doigt avec un recul ironique les faiblesses, les lâchetés et les maladresses des aveugles. Il va loin dans la description de l'abject. A partir de quand cessons-nous d'être un humain pour redevenir un animal ?
L'écriture de José Saramago est particulière, si le style est simple et fluide, il ne s'encombre ni de noms propres ni de guillemets ou de tirets dans les dialogues. le résultat est une distanciation entre le lecteur et les personnages, s'en dégage aussi une impression de froideur qui contraste avec des scènes parfois très choquantes, sadiques.

Alors, je salue l'ambition du livre et l'écriture. Sa lecture va certainement me marquer très longtemps. Mais clairement, la vision de l'humain qu'il renvoie est si pessimiste, si noire que j'aurais aimé le lire à un autre moment, trop éprouvant aujourd'hui en pleine crise sanitaire du Covid 19.
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J'ai trouvé ce titre dans : Les 100 meilleurs livres de tous les temps selon le Cercle norvégien du livre, et dès lors : pourquoi n'avoir pas lu avant cette aveuglement, dont la lecture m'a fait penser un peu à une dystopie et à un roman post apocalyptique.
Mais surtout à la Dictature nationale (Portugal) et oui José Saramango est né en 1922, donc j'ai de suite fait le lien. L'aveuglement des hommes face à la dictature portugaise puis à la fin après moult épreuves les hommes redeviennent civilisé..
300 pages que je recommande surtout si vous vous êtes donné comme "défi" de lire la liste susmentionnée que vous trouverez sur wikipédia.

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Lire un prix nobel de littérature ne promet pas forcément une lecture passionnante, une lecture qu'on a trop souvent du mal à quitter, une lecture à laquelle on repense durant la journée , une lecture qui même une fois terminée laisse une sensation de tristesse, de questionnements.

L'aveuglement n'est pas simple à classer et pas simple à lire au premier abord. J'avoue avoir été déroutée avant d'accrocher au récit.
Le style semble extrêmement « curieux ». Pas de sauts de ligne, les dialogues ne sont pas signalés par des guillemets, les retraits sont inexistants sauf au début des « chapitres » qui n'en sont pas vraiment, l'auteur prend des libertés de styles osées qui peu à peu, au fil de l'intrigue vont donner un relief impressionnant et totalement adapté à l'histoire.

L'histoire est apocalyptique, du jour au lendemain sans aucune explication scientifique des hommes, des femmes, des enfants perdent la vue. Les autorités gouvernementales afin d'éviter une contagion en masse décident d'isoler les « aveugles », mais l 'épidémie se propage et l'ensemble de la population devient aveugle. Nous suivrons un groupe de personne, le premier aveugle, la femme du premier aveugle, le médecin, la femme du médecin...et ainsi de suite , l'auteur imprègne à nouveau son style d'un audacieux procédé, celui de mettre le lecteur face des personnages sans identité précise, comme si le lecteur devenait un des leurs. Mais ces personnages sans noms vous marqueront profondément.

L'intrigue parvient à tenir le lecteur en haleine en permanence, parce que la situation est cruelle, les personnages ne sont à aucun moment épargnés, l'humanité semble avoir été dévastée par cet aveuglement, tous ceux qui perdent la vue décrivent "voir" une lumière blanche épaisse. A aucun moment l'auteur ne parle pas de cécité, il parle d'aveuglement et il semble que la nuance ait son importance dans ce roman. La situation que décrit José Saramango pendant l'enfermement en quarantaine est d'une brutalité inouïe, on se prend à s'imaginer dans cette même situation insurmontable, inhumaine. Ces scènes d'enfermement rappellent des scènes semblables mais hélas réelles qui font partie de notre Histoire, l'aveuglement fait partie des barbaries qui conduisent les hommes au pire, à l'inimaginable.

Saramengo décrit la nature humaine dans ce qu'elle a de pire. Son côté sombre et cruel qui prend le dessus face au situations de crises, l'homme bascule à une vitesse vertigineuse de l'autre "côté" uniquement pour sa survie comme un animal !
L'auteur nous prouve que l'homme a besoin d'apprendre avec ses propres erreurs mais qu'il parvient à les recréer malgré tout en oubliant sa conscience .

J'ai tout simplement adoré et un coup de coeur .
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ÉBLOUISSANT. Un livre puissant qui ne laisse pas indifférent et dont la lecture m'a hantée longtemps après l'avoir achevé... L'histoire se déroule à une époque indéfinie, dans un pays et une ville jamais nommés ce qui donne au propos une portée universelle. Arrêté à un feu rouge, au volant de sa voiture, un homme devient subitement aveugle sans aucun signe annonciateur. C'est le début d'une épidémie folle qui va se répandre à grande vitesse et contraindre les autorités à mettre en quarantaine les victimes de cette "blancheur lumineuse" pour tenter d'en limiter la propagation. Mais comment vivre entassés dans un espace clos inadapté, sans aucun repère et ravitaillés au compte-gouttes ? Très vite, les instincts primaires de survie vont prendre le dessus...
Ce livre est tout aussi passionnant qu'anxiogène parce que l'on croit au postulat de départ et que l'enchaînement des événements et la description des situations sont très réalistes! La tension monte crescendo et la narration très dense, presque sans rupture, accentue l'impression d'enfermement et d'aveuglement subis par les protagonistes. Un livre brillant et éclairant sur l'incapacité qu'a l'Homme de ne pas toujours voir ce qui est essentiel dans le monde qui l'entoure ! Auteur portugais, José SARAMAGO (1922-2010) a obtenu le prix Nobel de littérature.
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Ceci est le premier ouvrage que je lis de cet auteur et, après sa lecture, je me réjouis de lire les autres qui se trouvent dans ma liste de livres. En un livre, on peut retrouver un condensé de ce que l'être humain peut avoir de bon en lui et ce qu'il peut avoir de plus cynique et de plus ignoble. Car se retrouver aveugle du jour au lendemain, pour une personne, elle est encore entourée de gens qui seront ses yeux, pour l'humanité entière, c'est tout de suite une autre paire de manches. Ça demande une réorganisation au quotidien où notre côté méchant et égoïste, face a la situation, peut surgir a tout moment. Et cette question que l'on se pose tous au fur et a mesure de la lecture: et si j'étais dans cette situation, comment reagirais-je ? Franchement, aucune idée. Alors, lisez le livre et essayer de répondre a la question vous-meme. Vous ne le regretterez pas.
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Les septiques sur la nature humaine, qui sont nombreux et obstinés, soutiennent que, s'il est vrai que l'occasion ne fait pas toujours le larron, il n'est pas moins vrai qu'elle l'aide beaucoup.
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Un très beau livre passionnant. On le quitte pas, on le dévore et pourtant il est très angoissant. Nous vivons tout ce livre au travers de quelques personnages dont une femme qui garde la vue tout au long et sert de repère à ce petit groupe.
Au travers de cette cécité générale, nous mesurons la dégradation des rapports humains liée à l'absence d'organisation. Que ce soit dans l'asile ou les premiers aveugles sont regroupés, puis plus tard ( je ne vous dirai pas ce qui se passe) nous mesurons la folie humaine et en même temps les gestes nobles des uns et des autres. Dans un temps de covid qui dure, disons nous que tout n'est pas perdu
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