AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,66

sur 292 notes
Cette critique est susceptible d'être biaisée. Babelio ne garantit pas son authenticité

Bijou littéraire. Une fois de plus, le lecteur est poussé dans ses retranchements avec un style dense, très recherché avec une thématique dystopique intéressante qui fait écho avec l'actualité... Pour les lecteurs qui aiment les phrases courtes et directes, passez votre chemin ou alors armez vous de courage, les phrases peuvent être très longues. Personnellement c'est quelque chose que j'aime beaucoup chez cet auteur.
Citation : "Parce que si tous les êtres humains ne mouraient pas, tout deviendrais permis, Et serait-ce un mal, demanda le philosophe âgé, Un mal aussi pernicieux que de ne rien permettre. Un nouveau silence s'installa. Les huit hommes assis autour de la table avaient été chargés de réfléchir aux conséquences d'un avenir sans mort...(...)". Vraiment il fallait y penser.
Commenter  J’apprécie          00
Ce fut un très bon livre, surtout à lire en ce moment pour comprendre ce qui se passe derrière les élites de notre société (l'auteur critique la politique et la religion). Même si j'ai eu du mal à lire au début, et parfois si j'avais envie de lâcher la lecture, je suis fière de l'avoir terminé. J'ai beaucoup apprécié la fin lorsque la mort revient dans cette ville où elle avait disparu.
J'en suis même restée bouche-bée par la chute de la fin. Je ne m'y attendais pas du tout.
Commenter  J’apprécie          82
La mort est-elle une femme ? Une femme discrète, squelettique, entourée d'un drap blanc, vivant dans une pièce glaciale aux murs blanchis à la chaux et dentelés de poussiéreuse toiles d'araignées, ayant pour seule compagnie une vieille faux rouillée et usée d'avoir trop servie ? Invisible en public mais qui se fait voir à quelques rares élus à la vue pénétrante, dont Proust. Il aurait vu, lui, une grosse femme vêtue de noir…

C'est à partir de cette image d'Épinal , que Gustave Doré a d'ailleurs superbement immortalisée sur un cheval, qu'a construit son récit l'auteur portugais José Saramago. Mais il va en faire une femme particulièrement facétieuse, capricieuse, blagueuse. Intermittente dans ses désirs et ses volontés. Presque humaine. Une femme comptable également qui tient rigoureusement son registre des morts dans d'innombrables armoires munies de grands tiroirs remplis de fiches, une femme qui aime écrire de mystérieuses lettres violettes…Vous remarquerez que l'auteur ne met pas de majuscule, aucune négligence de sa part, il s'agit bien de la mort, cette mort routinière et banale, ancestrale, qui touche quotidiennement, partout dans le monde, sans relâche, tout être vivant, et non de la Mort, plus grandiloquente, plus globale, plus grave, celle qui toucherait tous les êtres vivants en même temps. L'apocalypse.

Dans un mystérieux pays inconnu, la mort va faire grève. Pendant une année, elle va en effet s'arrêter d'oeuvrer, pour reprendre ensuite de plus belle. Et Saramago, de sa plume érudite et irrévérencieuse, caustique et savante, de mettre en valeur les conséquences en chaine de cette grève. Sachant que les pays limitrophes, eux, ne sont pas touchés par cette bénédiction - Enfin, bénédiction de prime abord -. Sachant que cette grève ne concerne que les être humains et non les animaux. Sachant enfin que si la mort s'arrête, la vieillesse, elle, ne cesse pas. Les souffrances et les maladies non plus. Imaginez un peu les conséquences…les conséquences ubuesques que cette grève va engendrer.

Entre l'affolement de l'église (sans mort, pas de résurrection, et donc plus d'église), le désespoir des pompes funèbres, l'angoisse des hôpitaux face à l'afflux de malades au seuil de la mort qui ne meurent plus, celle des foyers pour le troisième et le quatrième âge dans lesquels les sorties ne compensent plus les entrées, l'obligation pour les familles de reprendre les mourants éternels, la recherche de nouveaux profits des compagnies d'assurance qui voient l'explosion des résiliations et les calculs effrayants des caisses de sécurité sociale pour l'équilibre du système de retraite, l'auteur nous brosse un croustillant tableau de ce qui s'avérait être de prime abord un nouvel Eden. Reste la philosophie pour essayer de prendre du recul et la « maphia » aussi engagée à côté du gouvernement dans un étonnant trafic de clients terminaux, écoulant en douce les quasi-macchabées de l'autre côté de la frontière…

Au bout d'un an exactement, la mort va reprendre du service et cette fois ci elle décide d'alerter les prochains élus par voie postale aux moyens de lettres violettes qui arrivent mystérieusement à leurs destinataires pour annoncer la sombre prophétie qui a lieu à chaque fois une semaine plus tard. le temps pour eux de prendre leurs dispositions…Je vous laisse imaginer les réactions et des gens concernés, et du gouvernement qui va tenter d'approcher la mort, d'analyser son écriture, de trouver où elle se cache. En vain. Une mise en scène de la mort très originale dans cette deuxième partie du récit que j'ai trouvé cependant moins passionnante que les conséquences de la grève dans la première partie.

Fable prétexte pour développer de nombreuses réflexions sur la mort, la façon de raconter de José Saramago est très singulière. L'écriture est quelque peu alambiquée, faite de longues explications, d'absence de majuscules parfois. L'humour est corrosif et vient donner une belle touche de légèreté au ton très professoral de l'auteur. Certaines explications très détaillées et minutieuses pourraient paraitre fastidieuses mais c'est sans compter sur l'autodérision du lusitanien ; il se moque en effet de cette érudition qu'il étale avec moult détails, et se moque même de son lecteur au passage.

« Il est possible que seule une éducation soignée, phénomène de plus en plus rare, s'accompagnant du respect plus ou moins superstitieux que le mot écrit instille habituellement dans les âmes timorées, ait poussé les lecteurs, bien qu'ils ne manquent pas de raisons pour manifester explicitement des signes d'impatience mal contenue, à ne pas interrompre ce que nous avons profusément relaté et à vouloir qu'on leur dise ce que la mort avait fait depuis le soir fatal où elle avait annoncé son retour. Etant donné leur rôle important dans ces événements inouïs, il convenait d'expliquer avec force détails comment avaient réagi au changement subit et dramatique de la situation les foyers du crépuscule heureux, les hôpitaux, les compagnies d'assurance, la maphia et l'église catholique… ».


Cette singularité est très différente d'un autre géant des lettres portugaises, je veux parler d'Antonio Lobo Antunes. L'érudition et l'irrévérence de récits de l'un le dispute au flux de conscience oniriques, aux soliloques envoutants, de l'autre. La fable fantastique et philosophique versus les obsessions ancrées sur l'histoire dictatoriale et coloniale du Portugal. La rumeur dit que les deux auteurs ne s'apprécient guère…En tout cas, ces deux géants montrent à quel point la littérature portugaise est d'une incroyable richesse, d'une passionnante complexité, d'une grande variété et surtout, surtout, d'une étonnante singularité telle l'âme, sans doute, de ce pays et de ses habitants.


Commenter  J’apprécie          9154
Quelle belle découverte ! Une idée loufoque à souhait et assumée comme telle : et si on ne mourrait plus ? Puis une personnification de la mort, le tout emporté dans une narration presque logorrhéique mais ne nous noie cependant pas. L'auteur se joue des incohérences en les affichant comme telles et se donne la liberté d'explorer les chemins ouverts par ses hypothèses. Cela tient du conte, c'est une drôle de dystopie et une plume entre virtuosité et confidence.
Commenter  J’apprécie          00
Dans un pays inconnu, la mort ne frappe plus, même les habitants en phase terminale , à commencer par la Reine Mère.
Après une euphorie compréhensible , les problèmes surviennent et certaines corporations , comme les pompes funèbres ou les assurances commencent à s'énerver , tandis que l'Église a perdu elle aussi son fond de commerce.

Cet auteur est absolument déroutant. Après avoir rendu aveugle une population dans @L'aveuglement , le voici qui nous prive de la mort . Son étude de l'évolution de la société , de l'opportunisme de la mafia à s'adapter à toutes les situations , des actions de certains corporatismes sont tout simplement brillantes.
Et que dire de la deuxième partie ,mettant en scène la mort et sa nouvelle façon de procéder.
La aussi , opportunisme , revirement de veste , tout y passe.
Et s'il m'a moins enthousiasmé , le final est aussi très bien mené, car inventer de telles histoires est brillant mais en sortir proprement l'est encore plus.
Quand au style, que l'on peut trouver déroutant , fait d'énumération , de dialogues imbriqués ou d'absence de majuscule aux noms propres , il donne une dynamique au récit , tout en le saupoudrant d'humeur , plus ou moins noir .
Bravo
Commenter  J’apprécie          412
Le troisième roman que je lis de ce génial auteur, après l'Evangile selon Jésus-Christ et l'Aveuglement.

Dans celui-ci, les gens d'un petit pays, un premier de l'an, s'arrêtent de mourir, mais, pour la majorité d'entres elles et d'entre eux, ça ne veut pas dire recouvrer la santé, non, c'est rester de façon stationnaire à l'état où ils étaient avant. Cela semble d'abord une nouvelle merveilleuse, mais très vite les inconvénients de la survie des moribonds et des autres apparaissent, pour les Hôpitaux, les Maisons de retraite, les familles gardant chez elles leurs proches malades et mourants, …mais aussi, les Pompes Funèbres, les Compagnies d'Assurance, et même « l'ACAR », l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, car si plus de mort, comment pouvoir parler de résurrection future?

Mais certains trouvent un moyen de contourner le problème, et l'idée est reprise par une certaine « maphia » (sic) qui impose ses conditions impitoyables.
Jusqu'à ce que….la mort reprenne du service…

Tout cela est raconté avec le style si spécial de Saramago, et il est au mieux de sa forme pour nous raconter tout cela, avec son ironie dévastatrice, avec ses bons mots, ses citations humoristiques, sa façon d'interpeller le lecteur. C'était presque trop appuyé, cette farce sur la mort, et j'allais trouver que ce roman était un peu moins bon que les deux précédemment lus.

Mais c'était sans compter sur la surprise de la dernière partie du roman, absolument géniale, je trouve, que je ne vais pas « spoiler » comme disent les jeunes, mais qui m'a bluffé et je n'en dis pas plus, si ce n'est que Saramago sait rendre ses personnages féminins formidables.

Au final, j'ai beaucoup souri et même ri à la lecture de ce roman loufoque, et la fin a stimulé mon imagination et ma réflexion.
Donc je ne peux que lui attribuer mes 5 étoiles d'appréciation.
Commenter  J’apprécie          244
Je ne connaissais absolument pas cet auteur et j'ai été ravie de le découvrir.
L'histoire au début semble longue et rébarbative mais le milieu du livre commence à être très intéressant.
Il faut avoir sacrément du talent pour évoquer La Mort de A à Z dans un roman et de la raconter si bien.


Commenter  J’apprécie          40
L'immortalité dont vous n'avez jamais rêvé…

La mort a décidé de faire la grève dans un pays inconnu, personne ne meurt plus. Mais cette immortalité est loin d'être une félicité, puisque la maladie, la douleur, elles, ne se sont pas arrêtées. Des accidentés au corps ravagés ne meurent pas de leurs blessures, des vieillards croupissent indéfiniment à l'article de la mort. Une immortalité qui est loin d'être agréable, ce n'est pas la mort, mais ce n'est pas la vie…

La mort se remettra au boulot quelques chapitres plus loin, mais l'auteur aura eu le temps de lancer des critiques sur le système politique, la « maphia », les pompes funèbres (qui ne pompaient plus d'argent), les hôpitaux et les maisons de retraite et même l'armée, les religions et la philosophie.

Madame la mort continuera ensuite ses facéties et on fera plus ample connaissance avec celle qui signe « mort » et sa compagne de toujours, la faux. On aura aussi de belles pages sur la vie et la musique.

Un Saramago que j'hésitais un peu à entreprendre. D'une part, la prose de l'auteur est particulière, un vocabulaire recherché avec une économie de majuscules, de paragraphes ou de tirets de dialogues. D'autre part, la mort n'est généralement pas un thème réjouissant…

Mais avec une promesse de printemps dans l'air, j'ai osé aborder ce mortel sujet et je ne l'ai pas regretté. Ce qui fait la difficulté de l'oeuvre de Saramago, c'est aussi ce qui fait son charme : une lucidité dans sa description du monde et une plume incisive, parfois irrévérencieuse, souvent sur le bord tranchant de l'humour.
Commenter  J’apprécie          434
C'est le second livre que je lis de cet auteur et je suis toujours époustouflée par sa plume et son imagination. Je n'aurai jamais cru que la mort pouvait avoir une fonction autre que douloureuse. Perdre un être cher est une épreuve difficile: pris dans son individualité, la mort est injuste, aléatoire et nous sépare à jamais d'êtres qu'on aimait.
Mais pris dans un point de vue global et presque macroéconomique, la mort joue un autre rôle: comment ferait-on si les gens continuaient à vieillir sans jamais mourir ? Cela pose des questions économiques (quid de l'avenir des assurances-vies, du versement ad vitae aeternam des retraites), logistiques (des maisons de retraite et des hôpitaux pleins de personnes qui auraient dû mourir) sociales et éthiques (est-ce légal et juste de ramener les gens à la frontière du pays afin qu'ils meurent ?). Je suis fascinée par la manière dont l'auteur dissèque le sujet et nous montre certaines évidences.
La seconde partie du livre s'intéresse de plus près à la mort en tant « qu'individu » : consciente du chaos qu'elle a engendré dans le pays, celle-ci reprend du service mais en variant un peu son modus operandi. Désormais, elle enverra un courrier qui préviendra l'intéressé huit jours avant la date fatidique. Tout marchait bien jusqu'au jour où un courrier n'arrive pas à son destinataire. Cette seconde partie est plus intime, plus drôle et ironique aussi. L'auteur décrit la mort comme une employée de bureau qui accomplit ses tâches avec célérité. Voilà, c'est son travail bien qu'il soit déplaisant pour ses victimes. Certaines passages sont justes très drôles, notamment lorsqu'elle discute avec sa faux ou tente de justifier sa place dans la hiérarchie (elle ne s'occupe que de dix millions d'âmes, que les animaux et végétaux appartiennent à un autre département etc..).
Le style d'écriture est difficilement accessible. L'auteur n'utilise pas de tirets, mais une succession de virgules. Il faut s'accrocher pour suivre le fil de ses dialogues imbriquées dans le texte d'autant plus que le texte est riche, complexe et plein d'humour.
Malgré cette complexité littéraire, ce livre est d'une rare intelligence et subtilité. A découvrir !
Lien : https://leslecturesdehanta.c..
Commenter  J’apprécie          50
Pour commencer, quelques mots sur le style qui pourrait à juste titre en rebuter plus d'un. le livre est écrit dans de longs chapitres sans espaces sans trop de ponctuation. Les phrases des personnages dans les dialogues par exemple sont séparés par de simples virgules ce qui peut être déroutant et demandera parfois de relire plusieurs fois ceux ci. Passons à l'histoire en elle même qui est géniale : que ce passerait-il si on arrêtait de mourir d'un jour à l'autre mais pas de vieillir uniquement dans notre pays ? Bonne idée dans un premier temps mais très vite les problèmes arrivent : les hopitaux et les hospices sont débordés, les funérarium en faillite etc L'auteur imagine alors comment la société rebondirait légalement ou pas pour profiter de cette situation. La deuxième partie nous fait par elle de l'humanisation de la mort. Que se passerait-il si elle devenait humaine.
Le livre nous laisse plein de question et de reflexion sur la mort et sur la société en générale. Pour lecteurs confirmés
Commenter  J’apprécie          00




Lecteurs (648) Voir plus



Quiz Voir plus

Le voyage de l'éléphant

En quelle année le voyage commence et en quel année le voyage se termine ?

1552-1554
1551-1553
531-534

3 questions
2 lecteurs ont répondu
Thème : Le voyage de l'éléphant de José SaramagoCréer un quiz sur ce livre

{* *}