C'est sur les bancs de la Sorbonne que la bretonne Clémentine rencontre le syrien Abdel-Razak. Il est doctorant en Histoire et rêve de marquer de son empreinte la politique de son pays. de leur union naît le petit Riad, aux cheveux blonds comme les blés. Son diplôme en poche, frustré par l'appréciation ''honorable'' du jury, Abdel-Razak postule à l'étranger et c'est vers Tripoli et la Libye de Kadhafi que s'envole la petite famille. Riad a deux ans.Le choc est rude, entre les rues désertes, les queues à la coopérative alimentaire et le logement vétuste qu'il ne faut jamais quitté sous peine de le voir réquisitionné par un autre locataire. Après cette première expérience dans une dictature arabe, les Sattouf reviennent en Bretagne mais le professeur d'histoire ne se laisse pas décourager et accepte un nouveau poste, en Syrie cette fois. Il y retrouve sa famille, installée dans un petit village, près d'Homs. Riad y découvre le pays d'Hazed Al-Assad, sale, pollué, éternellement en chantier et profondément anti-américain et anti-sémite. Ses cheveux blonds font tache, il est la cible de ses cousins, violents et racistes. Son père, convaincu que l'avenir de son pays passe par une transformation radicale des mentalités, rêve d'un arabe instruit et laïc, mais sous la pression familiale, son comportement change. Il se fait plus autoritaire, enseigne le Coran à son fils. le retour en Bretagne pour les vacances est un soulagement. Pourtant, cette parenthèse ne saurait durer. A la rentrée, Riad devra intégrer l'école syrienne, ce qui le terrifie.
Ce premier volet autobiographique aborde les années 1978-1984 de la jeunesse nomade de
Riad Sattouf. C'est un regard d'enfant qu'il jette sur le monde qui l'entoure, les souvenirs d'une enfance partagée entre la France, la Lybie et la Syrie. Outre le choc culturel et l'adaptation difficile dans des pays qui sont loin d'être des démocraties, racontés avec candeur et humour malgré la violence et la laideur, Sattouf évoque aussi le couple parental avec tendresse. La mère est un peu transparente, elle semble docile, suivant son mari par monts et par vaux, acceptant ses décisions sans broncher. Pourtant, elle sait aussi faire entendre sa voix quand son mari dépasse les bornes ou quand elle s'inquiète pour son fils. le père est le personnage principal de ce premier tome. Optimiste, sûr de ses capacités, critique envers ses compatriotes, il manque parfois de nuances mais pour son fils, il est un héros du quotidien, celui qui a toujours raison, qui sait tout sur tout, qui va changer le monde. Pour le lecteur qui n'a pas la piété filiale, il apparaît parfois exaspérant, naïf, vantard, autoritaire, etc. Mais la famille est heureuse et fait front face à l'hostilité.
Aux souvenirs de l'enfant se mêle, évidemment, le jugement de l'adulte qui n'est pas tendre sur cette vie itinérante dans ces dictatures arabes. Tout n'est que violence, laideur et grisaille. Les enfants grandissent dans la haine de l'autre, les femmes sont brimées, les odeurs agressives, la misère est partout, même la famille est un lieu de conflits, de brimades, de terreur. Heureusement, Sattouf sait accompagner son propos de beaucoup de tendresse, d'amour et d'humour. Un témoignage intéressant et instructif.