C'est un très beau roman, pour moi assez atypique dans l'oeuvre d'
Eric-Emmanuel Schmitt pour des raisons que je ne saurais pas trop expliquer, peut-être par son thème, le portrait émouvant de trois jeunes femmes à travers les siècles.
Nous suivons en parallèle trois destins de femmes inscrits dans des époques et des lieux différents, Anne de Bruges à la Renaissance, Hanna à Vienne, au début du XX° siècle et enfin Anny, de nos jours, à Hollywood... Anne et Hanna refusent toutes deux la condition d'épouse et de mère qu'on tente de leur imposer ; Anny vit dans un cage dorée, dans la démesure et les addictions, finalement insatisfaite de son existence et de ses choix de carrière.
Les parcours d'Anne et Anny sont menés à la 3° personne tandis que Hanna s'exprime à la première personne dans des lettres adressées à son amie et mère de substitution Gretchen, qui constituent peu à peu une sorte de journal. Cette alternance de procédés permet de varier les approches et donc de relancer l'intérêt du lecteur d'un chapitre à l'autre. Si le narrateur nous délivre ses commentaires sur Anne et Anny, en revanche, nous ne connaissons d'Hanna et de son entourage que ce qu'elle veut bien nous confier et ce qu'elle perçoit d'elle-même et des autres.
L'écriture toujours limpide de l'auteur met en valeur les méandres des interrogations qui agitent ces trois femmes si différentes en apparence, et finalement émues par les mêmes incertitudes.
J'ai beaucoup apprécié le personnage d'Anne, son attrait pour la nature, son refus, probablement atypique, de la condition toute tracée des femmes à l'époque et sa foi pure, en communion avec une sorte de dieu-tout, bienfaisant et proche des hommes. J'ai apprécié également le personnage d'Hanna et son ressenti sur la pression familiale et sociale qui exige de toute femme qu'elle « donne » des enfants à son mari ; l'investigation psychanalytique, évidemment sous-tendue par le choix de l'époque et du lieu, donne un point de vue intéressant, voire cocasse, sur la réception des premiers traitements. J'ai moins d'affinités en revanche avec le personnage d'Anny, qui évoque irrésistiblement les jeunes stars en mal de repères qui font la une des magazines de potins, bien que ce choix donne lieu à des commentaires savoureux sur le milieu hollywoodien, avec notamment l'évocation de la chirurgie esthétique et de ses aléas (« visage couturé », « Sac-Vuiton »). Cependant, ce qui pouvait me déplaire en elle est « racheté » par une fin aussi surprenante qu'émouvante.