Ça fait un moment que Jacky économise. Il vit chichement et met de côté. Tandis que son bas de laine approche le demi-million, voilà qu'on lui annonce que sa mère souffre d'Alzheimer et qu'elle doit être placée dans un EHPAD. Adieu la retraite aux îles Marquises.
À 47 ans, Jacky Toudic, fils de profs de philo bisontins devenu Marseillais, a un job original : il fait Matthieu
Kassovitz. Pour sa mère, là, tout de suite, il est médecin. Son nouveau fils, c'est Nagui – l'animateur télé. Une erreur de casting dans son esprit malade, un raccourci somme toute logique au vu de son nouvel environnement. Et ma foi, Jacky joue le jeu. Pour le reste du monde, à l'exception de ses rares et proches amis, il est
Kasso. Et grâce à son sens inné de l'entourloupe, il extorque des fonds à droite, à gauche à des benêts qui se réjouissent d'investir dans un projet ciné.
Sans trop se poser de questions – après tout, personne ne l'attend à Marseille –, Jacky réinvestit l'appartement familial. le quotidien à Besançon n'a finalement rien de surprenant : un rendez-vous arrangé sur Tinder, un pigeon à qui soutirer quelques milliers d'euros, convaincu qu'il est de participer à la prod du nouveau film de Matthieu K. (et celui-là, tout le monde veut en être !), et puis l'apéro avec un pote, une connaissance, encore un autre. Pourtant, un imprévu va contrecarrer le plan bien rodé de Jacky : le rencard Tinder. Il n'a pas conclu, oh non : elle a prétexté avoir un coup de fil à passer et s'est fait la malle en lui laissant l'addition. Eh bien cette fille-là, justement, elle lui plaît à Jacky… Mais quand on fonde son business sur un canular aussi énorme, on ne se laisse pas distraire, Jacky…
Le pitch était séduisant, et je n'avais qu'une peur en commençant ce roman : que l'auteur en fasse trop. J'émets toujours quelques réserves sur ce côté décalé et je suis ravie d'avoir eu tort. Mais quel régal ! Je n'en ai pas perdu un mot. le style est jubilatoire, l'humour cynique et sans excès, les descriptions grinçantes, les dialogues, un pur plaisir. Jacky Schwatzmann aurait pu tout miser, à juste titre, sur son personnage principal, mais il l'a flanqué de comparses consistants et irrésistibles, au centre de situations totalement abracadabrantes. C'est une histoire de dingue, mais ça marche, et sans perdre de temps s'il vous plaît :
Kasso, c'est 220 pages sans temps morts. Une excellente comédie noire made in France qui n'épargne rien ni personne et nous sert des clichés sur pattes pour mieux les démonter. J'ai déjà repéré deux autres titres de l'auteur, que je me fais une joie de retrouver.