Jacky Toudic, sosie de Matthieu
Kassovitz, vit d'arnaques à la fausse identité depuis plusieurs années. Revenu à Besançon, la ville de son enfance, pour s'occuper de sa mère atteinte d'un début de maladie d'Alzheimer, il y retrouve quelques copains de jeunesse et rencontre, via Tinder, Zoé, une avocate fiscaliste esseulée. Encore quelques escroqueries et il espère bien finir sa vie sous les cocotiers… Mais Zoé à de l'imagination et pense qu'il faut voir plus grand.
Le coup de la fausse production cinématographique qu'elle imagine est relativement simple, du genre « prends l'oseille et tire-toi », et facile à monter. Cela traîne quand même un peu, le récit, à la première personne, paressant entre la préparation de l'affaire, des réflexions sur le monde tel qu'il va (pas très bien) et la société française (qui ne va pas mieux), des considérations sur la maladie de la mère de Jacky, etc. Cela permet à Jacky auteur/narrateur de flinguer à tout va : les bobos du 9e (« tellement cozy, tellement Paris »), les vieux babas qui écoutent du
Graeme Allwright, la vie provinciale, les militants (de tous bords),
France Culture (beaucoup), les black blocs (un peu), le complotisme tout comme le politiquement correct. La liste est longue…
Bien qu'un peu lent - il faut attendre plus de 150 pages avant que les choses ne s'emballent un peu -
Kasso est un roman agréable à lire, d'un humour souvent féroce, parfois un peu chic et choc (tendance culture pop vue par Canal Plus), avec des personnages qui se veulent déjantés (l'apéro à la morgue) mais qui ne sont finalement que des types qui s'ennuient dans une ville de province. On retiendra quand même la figure de la mère de Jacky, joyeusement iconoclaste, libre, et peut être un peu malhonnête. Comme quoi, les vieux, c'est plutôt sympa… Plus que les jeunes pleins d'idées en tout cas.
Ce qui pêche par contre c'est l'histoire elle-même : l'intrigue est minimaliste, les péripéties sont un peu téléphonées, il n'y a pas un grand suspense et la conclusion est un peu facile. On sait que dans les oeuvres, littéraires ou autres, dont le thème principal est l'escroquerie, tout se réduit le plus souvent à deux possibilités : soit l'escroc est un petit génie (Millenium, L'Arnaque) et on se délecte de le voir plumer les riches et les naïfs, soit il trouve finalement plus fort que lui (Au revoir là-haut) et l'on ressent comme une frustration. Aux lecteurs de juger. Mais certains seront un peu déçus en découvrant que
Kasso, présenté comme « noir », est plus un roman de formation, même si le « héros » approche de la cinquantaine, qu'un thriller.
Kasso, Paris, le Seuil, coll. « Cadre noir), 2021