Poèmes pour après
À Colette/B
Écoute pousser l’herbe et croître la forêt
Écoute en toi le temps sur les tempes du songe
Écoute bien, c’est toi
vivante, t’interrogeant et poursuivant ta vie
qui te serre la main et disparaît.
c’est toi seule auscultant ton cœur
machine palpitante, soleil du sang, secret
que protège ta main où le destin s’est fait
graveur d’incises, calligraphe
de ce qui fut écrit pour toi.
Écoute et vois
se dresser les échafaudages, jaillir les tours, fleurir les roses.
Où est ta vérité dans ce grand mouvement
d’écluses, veines et artères qui t’animent
nageur qu’emporte les courants ?
Écoute pousser l’herbe. C’est en toi qu’elle pousse
Accueille les oiseaux et donne asile à l’écureuil
p.11
Éclats
Il n’y a rien à élucider…
Il n’y a rien à élucider, nous vivons un passage obscur
Obscurs nous-mêmes, traversés de feux. La transparence
n’y changerait rien, la nuit deviendrait plus coupable
Dédale est mort, nous poursuivons son œuvre en nous.
p.33
Poèmes pour après
À Colette/A
Sois bien.
Ne te décourage jamais. Vivre existe. Donne ta force aux autres,
Tu peux être de source de et feu.
Dans ton cœur, le mohair de la fraternité humaine, le temps aboli,
la tendresse des mains, l’amour des corps.
Sois toi. Sûre de toi, sans te laisser atteindre. N’écoute jamais la
sous-littérature, le maquerautage impuissant, sois bien amie avec ton
sang, avec ta vie. Sois force. Sois bien. Essaie de dormir comme si
j’étais avec toi.
p.9
Éclats
Laisse passer le monde…
Laisse passer le monde en d’autres se rêvant
Laisse glisser le temps sur ses miroirs. Sa trace
Est celle de l’oiseau dans son vol, du caillou
jeté du haut de la falaise, une transparence absolue
Un œil de quartz où le temps passe. Ni les idoles ni les vents
ne renverseront ces décors. Dans le désert, c’est un théâtre
où nous jouons nos rôles, où nous improvisons.
p.32
Poèmes pour après
À Colette/D
Je graverai nos noms dans l’écorce des arbres
Nos vies entrelacées
Et les nids nous viendront dans nos branches, bercés
par le vent qui vient d’Arles
J’inscrirai dans l’aubier que j’aurai vu pousser
De nos deux vies, le sigle
Et nos noms grandiront dans le temps invisible
par les temps traversés.
p.13
Avec Pascal Ory, Albert Dichy, Antoine Caro & Virginie Seghers
Lecture par Frédéric Almaviva, Emmanuel Dechartre & Paule d'Héria
Éditeur des poètes, Pierre Seghers (1906-1987) est le fondateur de la Maison de la Poésie, dont il fut le premier directeur, de 1983 à sa mort en 1987. Il créa en 1944 la célèbre collection « Poètes d'aujourd'hui » qui rendit la poésie accessible au plus grand nombre. Résistant de la première heure, il eut un rôle actif dans le combat que menèrent poètes et gens de plumes contre l'occupant, avec sa célèbre revue Poètes casqués (P.C.) puis Poésie (40, 41, 42, 43). A l'occasion de la réédition de la Résistance et ses poètes par les éditions Seghers, une soirée-lecture est organisée en présence de Pascal Ory, historien, membre de l'Académie Française et auteur de la préface et nous accueillerons également Albert Dichy, directeur littéraire de L'IMEC qui détient un riche fonds d'archives sur les poètes de la Résistance, Antoine Caro, Directeur des éditions Seghers et Virginie Seghers, fille de l'éditeur.
Une adaptation pour la scène de la Résistance et ses poètes sera proposée par Frédéric Almaviva, en lecture.
« Contre l'occupant, l'avilissement, la mort, la poésie n'est ni refuge, ni résignations, ni sauvegarde : elle crie. »
Pierre Seghers, La Résistance et ses poètes.
À lire – Pierre Seghers, La Résistance et ses poètes, éd. Seghers, 2022.
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