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3,69

sur 356 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
L'ombre de ce que nous avons été de Luis Sepúlveda est un roman prenant et surprenant. Pour être honnête, je m'y suis prise à plusieurs fois avant d'arriver au bout. Pourtant je conseille la lecture d'un seul jet (ce que j'ai fini par pouvoir faire) pour mieux mesurer sa force, son rythme, sa virtuosité et sa violence, maquillés par le burlesque apparent de la situation dans laquelle Luis Sepúlveda plonge ses personnages.
Il m'a fallu aussi, comme quand je lisais les grands auteurs russes, un peu de temps pour ne pas confondre les personnages entre eux. La faute aux consonances latines de leurs prénoms : Pedro, Lolo, Cacho, Coco, Lucho... Un petit générique de début ou de fin n'aurait pas été superflu, pour moi. de même une chronologie des événements politiques et révolutionnaires chiliens, et plus généralement en Amérique Latine, depuis 1925 jusqu'à aujourd'hui, m'aurait bien aidée.

En attendant le Spécialiste...
Le lecteur connaît ce personnage central dès les premières pages du roman, où sont exposés ses origines, son identité, et une partie de sa motivation. Les autres, ceux qui l'attendent, ne connaissent de lui que son nom de code. Ils ne savent pas non plus pourquoi le Spécialiste les réunit, après trente cinq ans de silence pour certains, d'exil pour les autres. Ils ne savent qu'une chose : c'est lui qu'ils attendent.

Mais comme Godot, le spécialiste finalement, ne rejoindra jamais les trois anciens militants qu'il a convoqués pour une mystérieuse action révolutionnaire.
En deus ex machina impitoyable, Sepúlveda place sur la route du Spécialiste un obstacle fatal et inattendu qui transforme le scénario déjà mystérieux en énigme policière tragi-comique.

Des tonton flingueurs ? Des casseurs aux bras cassés ? Des anarchistes sur le retour ? Des révolutionnaires rassis ? Un peu tout ça, mais surtout des coeurs gros comme ça... : "Plus gros, plus vieux, plus chauves et la barbe blanche, ils projetaient encore l'ombre de ce qu'ils avaient été."

En contrepoint, un couple d'enquêteurs : un vieux flic, contemporain des anciens militants calamiteux, et une jeune inspectrice, trop jeune pour avoir le souvenir des événements tragiques des années 70. Pourtant c'est Ardelita qui comprendra le mieux toute l'affaire et poussera, par sa compassion, son supérieur dans la voie de la résistance, la voie de la dignité.

Le récit est tout sauf linéaire. La narration est tourbillonnante entre les époques, les souvenirs, les acteurs, imprimant au déroulement de l'histoire un rythme virtuose. Les présentations de personnage sont chacune l'occasion d'allers-retours entre le présent et les événements passés, entre les actions auxquelles les anciens ont participé jadis et l'aventure délirante dans laquelle ils se trouvent maintenant entraînés ensemble, à nouveau. Peu à peu ils découvriront enfin ce qui les réunit, si longtemps après, et ils accepteront la mission qui leur "tombe" dessus. Ils décideront de "tenter le coup". L'écriture est vive, drôle, sans pathos. Pourtant c'est une impression de grande nostalgie qui subsiste quand on referme le livre et que l'on quitte ces émouvants sexagénaires cambrioleurs.

La trame historique est très importante pour cette histoire de bandits au grand coeur, toujours en deuil de leur jeunesse sacrifiée. Luis Sepulveda a très certainement puisé dans ses propres souvenirs et utilisé la mémoire de son engagement politique personnel pour bâtir l'histoire de Pedro Nolasco dit le Spécialiste.
Un moment je me suis demandé si Sepúlveda se s'était pas placé lui-même dans son roman, à la page 105, en tant que silhouette participant à une manifestation activiste non-violente des années 70. le détail de la fonction minuscule est trop précis pour être fictif... : "un de nos illustres écrivains les a aidés de l'extérieur : il faisait le guet en collant des affiches pour le dentifrice Odontine." On voit également passer furtivement, Pablo Neruda, le Che, et... Butch Cassidy. Et évidemment Pinochet et son fils.
Il y a aussi l'évocation d'une femme écrivain, ancienne prisonnière à la Villa Grimaldi de Santiago. Je connais trop mal la littérature sud-américaine pour l'identifier, mais vous, peut-être ?
Voici comment Ardelita la décrit, vers la fin du roman :

“C'était une femme belle et fragile, j'ai appris plus tard qu'elle était écrivain, et elle racontait l'horreur qu'elle avait connu avec beaucoup d'autres prisonnières. Bizarrement, il n'y avait aucune rancoeur dans sa voix, mais de la douleur, une douleur dépourvue de haine, pleine de dignité, une douleur que j'ai trouvée belle, moi qui ai grandi pendant la dictature en entendant tous les jours des propos haineux. Je me suis approchée d'elle et je lui ai dit : je suis inspecteur de police et, en mon nom et au nom de l'Institution que je représente, je veux vous demander pardon pour toutes vos souffrances. Jamais cela ne se reproduira, je vous le jure. Elle m'a regardé gentiment, m'a demandé mon âge, et quand je lui ai dit que j'étais née en 1973, elle m'a prise dans ses bras : “Ce n'est pas de ta faute, tu as les mains propres.”

[chronique pour leschroniquesdelarentréelitteraire.com, deuxième édition, janvier 2010, en partenariat avec ulike.net]

Lien : http://tillybayardrichard.ty..
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Un petit bijou qui raconte l'histoire de trois anarchistes qui se retrouvent ,de retour au Chili ,racontent leur jeunesse gauchiste puis leur exil. C'est un livre drôle et tendre. Par contre c'est mieux de connaitre un peu l'histoire du Chili car c'est la toile de fond du roman ( de Allende à la fin de Pinochet). Donc très intéressant et la fin est réjouissante !
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L'ombre de ce que nous avons été évoque pour moi une histoire d'amour et, rien qu'en lisant et relisant ce titre qui me parlait et éveillait en moi une certaine mélancolie, une curiosité piquée, j'imaginais la vie d'un couple passionné, déchiré, ayant vécu des drames mais s'en étant sorti, dont la vie fut en somme tout sauf un long fleuve tranquille et qui se retourne, des années après, pour admirer le chemin parcouru et cet amour plus fort que tout.

Luis Sepulveda ne parle pas d'un couple, ou alors si, mais il fait uniquement partie d'une bête et malheureuse péripétie dans ce roman, la véritable histoire d'amour, celle qui nous bouleverse, c'est celle d'un auteur envers son pays.

Santiago, Chili.

Trois hommes se retrouvent, des années après que leurs routes se sont séparées ; Salinas, Aranciaba et Garmendia ont rendez-vous dans un hangar pour exécuter leur dernier plan, leur dernière mission orchestrée par le Spécialiste. Trente-cinq ans après avoir fui leur pays après le coup d'Etat de Pinochet, les acolytes sont de retour, vieillis et amers, mélancoliques d'une époque particulière, celle de la révolte, celle du soulèvement contre une dictature qu'ils refusaient. Combien de combines ont-ils mis en place au service du peuple ? Ils ne les comptent plus. Mais toujours cette même question qui revenait pour braver leur courage « On tente le coup ? »

Alors, lorsque le Spécialiste les contacte pour un dernier coup, cela s'impose comme une évidence ; c'est oui ! Les quatre comparses doivent se retrouver dans ce fameux entrepôt ; chacun arrive, et chacun s'impatiente. Où est le Spécialiste ? Il tarde… Il se fait attendre … Mais il ne viendra jamais… Car sur sa route il a croisé le chemin d'un couple aussi improbable que fou, qui, après une dispute dans leur appartement, se défoule sur le balcon, y jetant tous les objets qui leur viennent sous la main, jusqu'au moment où le tourne-disque y passe et atterrit sur le crâne du Spécialiste…

Triste fin pour un combattant de l'ombre, dont la mort cocasse fait écho aux caractères bien trempés de nos héros en attente du dernier signal…

A travers son roman, Sepulveda dépeint un Chili en quête d'identité et en pleine reconstruction ; la mélancolie des anarchistes côtoie la détermination des pionniers de la révolte silencieuse, la lâcheté de ceux qui dépouillent les cadavres, la passion amoureuse d'un couple qui s'étiole, la droiture d'une policière qui fait ses armes et la tolérance d'un policier de l'ancienne époque, le tout sous une pluie battante, qui coule sur la ville comme elle coule sur ses habitants, prête à les embarquee dans des entreprises opportunistes ou hasardeuses…

Chili, terre de tous les possibles…
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Des années après la fin de la dictature de Pinochet, trois ex-opposants au régime de retour d'exil décident d'une action pour la cause révolutionnaire. Partie pour foirer elle atteindra finalement son but.
Voilà un livre léger, drôle, plein d'autodérision et de tendresse pour ceux qui voulurent changer leur pays et le monde, ces gens que l'auteur a côtoyés et qu'il aime, pour ces éternels perdant de l'Histoire. On peut donc ainsi décrire les expériences révolutionnaires à la fois avec fantaisie et gravité.
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Cette « ombre de ce que nous avons ete » se passe dans un Chili contemporain. Un groupe d'anciens copains, militants communistes ou anarchistes exiles un bon moment, se retrouvent dans leur age mur pour un « dernier coup d'eclat ». Ils attendent « le specialiste » (l'ombre), ancien anarchiste flamboyant et idealiste qui doit leur donner leur plan d'attaque. Mais le specialiste n'arrivera pas … ecrase par un tourne disque ! le ton est donne, un melange de burlesque et d'utopie politique, un roman picaresque a la sauce Sepulveda. Une critique mi-tendre, mi-acerbe de ce que le Chili est et de ce qu'il a ete. Des personnages attachants comme toujours. Une ecriture parfois un peu decousue mais de grands moments de fulgurance et quelques perles de ci de la. Un bon Sepulveda qui aurait peut-etre merite un petit peu plus de polissage, mais pas de quoi passer a cote. A lire donc !
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pas mal du tout! petit roman facile à lire , drôle dans les carricatures faites dans anciens révolutionnaires chiliens ...à qui il arrive une aventure particulière ....mais vous la découvrirez vous mêmes.
les années ont passées, les idées ont vieillies mais les coeurs battent toujours pour la bonne cause....réjouissant
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Il pleut des cordes sur Santiago, lorsque trois vieux communistes se retrouvent autour de poulets rôtis pour préparer un dernier coup. Ils attendent un quatrième, viendra-t-il ou pas ? Pendant ce temps, une scène de ménage dégénère et un « des plus grands prodiges technologiques des années soixante », un tourne-disque, vole au travers d'une fenêtre et jusque sur la tête d'un malheureux passant. Si un policier et sa collègue enquêtent sur cette mort originale, le roman n'a rien d'un roman policier.
J'ai plutôt pensé à un livre plus récent, et beaucoup vu sur les blogs, La variante chilienne de Pierre Raufast lorsque j'ai lu ce roman de Luis Sepulveda, les univers en sont proches, ils dévoilent tous deux une histoire simple truffée de petites histoires et anecdotes fantaisistes.
Pourtant, l'histoire du Chili bien présente dans leurs mémoires, les exactions du gouvernement que les trois compères ont combattu, ne sont pas occultées, mais abordées de manière sobre et pudique. le style recèle également de beaux moments poétiques. le tout se lit fort bien, les personnages sont attachants et sincères, chacun avec leurs petites manies ou leurs obsessions. Une mention spéciale pour le passionné de cinéma à l'imagination débordante.
Un joli moment lecture, plus profond qu'il n'y paraît, déniché lors d'une braderie de livres !
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Je ne lis quasiment pas de littérature sud-américaine et, en dépit de la popularité des romans de Luis Sépulveda, je n'en avais jamais ouvert un seul. J'ai ressenti le besoin, en lisant ce livre d'une traite, de me plonger dans l'histoire du Chili. Je ne savais quasiment rien de ce qui s'était passé dans ce pays dans les années 70, mis à part la chute d'Allende, la dictature du général Pinochet, et la terrible répression qui s'en est suivi. Je le savais, mais dans les grandes lignes. J'ignorais, par exemple, que de nombreux chiliens avaient été contraints à l'exil, comme les antihéros de ce roman.
D'un côté, nous avons les vieux de la vieille, Arancibia, qui garden les séquelles de ce qu'il a subi, Garmendia et Salinas, qui sont revenus de leurs années d'exil et n'ont pu reconstruire leur vie à l'étranger. de l'autre, nous trouvons Concha, une femme en pleine crise, à cause du caractère velléitaire de son mari. Leurs points communs est de ne pouvoir se réadapter à leur vie dans un pays qu'ils ne reconnaissent plus. Certains vivent dans leur rêve, d'autres ne peuvent quitter leur cauchemar, au final chacun vit avec des fantômes.
Le grand talent de Luis Sepulveda est de faire d'un sujet tragique une oeuvre burlesque, accumulant les situations absurdes. Les dialogues sont nombreux et extrêmement savoureux parce qu'ils sont tous incroyablement sincères, jusque dans leurs excès de folie ou d'imagination. Je pense notamment aux nombreux scénarios imaginés par Aravena, tous nourris par sa cinéphilie galopante.
L'action est extrêmement reserrée : tout se déroule en une nuit mais le temps et l'espace se trouvent dilatés par les nombreuses réminiscences. Nous sommes au Chili, mais nous sommes aussi en Allemagne, en France, nous sommes paisiblement dans l'antre du poulet non-stop puis nous sommes aussi en pleine grève, en train de surveiller des poulets devenus fous. Pendant ce temps, l'inspecteur Crespo enquête, trop jeune pour avoir participé aux événements de 1973, trop agé pour trop âgé pour ne pas savoir qu'il a souvent ignoré tout ce qui s'est passé durant ses années, et pour ne pas (re) connaître le "Spécialiste" mort d'un coup de tourne-disque. Il est le lien qui unit les exilés à la jeune génération qu'incarne Adelita, sa collègue, une génération "qui a les mains propres" puisqu'elle est née l'année du coup d'état du général Pinochet.
La fin du roman tient plus de la fable que du réel : j'adorerai que ce qui est juste l'emporte sur ce qui est raisonnable.
Lien : http://le.blog.de.sharon.ove..
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Le nouveau roman de Luis Sepulveda est une comédie duce-amère, drôle et bien menée dans le Chili d'aujourd'hui. Un Chili apaisé en apparence mais encore tourmenté par les démons du passé.

Un livre qui se lit d'une traite ! Un très bon roman !!!

Une critique plus précise à venir...
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La pluie tombe sur Santiago, incessante, obsédante, et sur nos personnages, dont les histoires personnelles sont inextricablement liées à la grande histoire du Chili et à la dictature de Pinochet. Un roman court mais dense, riche en émotions autant que drôle par ses quelques situations grotesques. Si, à certains moments, l'auteur m'a perdue dans les méandres des souvenirs de ses personnages, j'ai beaucoup apprécié son écriture riche, l'instantané qu'il fait d'un pays et d'une époque qui me sont étrangers.
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