Extrait de la préface due à Panait Istrati :
" Il n'y a pas de héros de roman dans ce roman , à moins que la terrible machine , la prison n'en soit le véritable héros . Il s'agit non de " MOI " , non de quelques-uns , mais des hommes , de tous les hommes écrasés dans ce coin noir de la société . Il me semble , en effet , que le temps vient d'une littérature qui découvre enfin les masses , le lien entre l'individu et ses semblables et ne posera plus les problèmes de la destinée individuelle qu'en fonction de la destinée de tous . "
Ainsi pense l'écrivain VIctor Serge ...... parce qu'il est de la race des hommes qui ne peuvent vivre qu'au milieu d'une humanité libre .
La prison moderne ressemble aussi peu à la vieille bastille crénelée – dont chaque meurtrière, chaque créneau avouaient le souci de se défendre contre la campagne ou la cité – que la toute-puissante société capitaliste aux monarchies absolues de jadis, si limitées dans leur puissance réelle. La prison moderne se sent, installée en pleine ville ou à la périphérie, en pleine sécurité. Elle étale avec sérénité, derrière de minces murailles, ses bâtiments grêles déployés en étoile. Du couvent et de la forteresse de jadis, elle n’a gardé que le strict minimum d’enceintes, de fenêtres grillées, de portes métalliques, de créneaux purement décoratifs. Sa perfection se révèle du premier coup d’œil, en ce qu’on ne peut la confondre avec nul autre édifice.
… On n’apporte rien avec soi dans la cellule. On y trouve parfois un livre. Pas une feuille de papier. Aucun ouvrage. Les prévenus ont la faculté de demander du travail, mais plusieurs jours se passent avant qu’ils en reçoivent et c’est invariablement un travail dérisoirement rétribué, d’une abrutissante monotonie : tri de grains de café, confection de sacs de papier, confection d’éventails en papier, pliage de cahiers d’écolier.
Entre deux maux, l’artiste révolutionnaire doit choisir celui qui a l’excuse de la générosité.
Car il y a l’artiste révolutionnaire comme il y a l’artiste de la tour d’ivoire. Et celui-là n’est pas forcément moins grand que l’autre. Ce qui les rend si différents, c’est la nature de leur cœur.
Le premier est incapable d’élever des hymnes à la beauté, au milieu d’une universelle laideur. Il est sensible à l’injustice autant qu’à la beauté ; citoyen du monde, frère des opprimés, autant qu’artiste. Et il a, par-dessus tout, le sens de la responsabilité à laquelle l’oblige la morale du talent et de l’intelligence.
Je ne conçois la littérature que comme un moyen d’expression et de communion entre les hommes : un moyen particulièrement puissant aux yeux de ceux qui veulent transformer la société. Dire ce que l’on est, ce que l’on veut, ce que l’on a vécu, lutté, souffert, conquis. Il faut donc être de ceux qui luttent, souffrent, tombent, conquièrent. Et dès lors la littérature proprement dite ne tient plus dans la vie qu’une place assez secondaire.
Marc Quaghebeur évoque l'auteur révolutionnaire Victor Serge.