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sur 245 notes
Dans ce court roman, Florence Seyvos nous raconte deux histoires en parallèle: celle de Henri, demi- frère de la narratrice, au corps et à l'intelligence atrophiés, et celle de Buster Keaton, une des plus grandes "stars" du cinéma muet dont le père, dès l'âge de 5 ans, en avait fait l'élément fort de ses spectacles : une poignée attachée dans le dos, Buster était projeté à travers les salles avec une rare violence. Peu de points communs entre ces deux destins, si ce n'est cette façon d'être en déséquilibre, de chuter sans cesse. le père d'Henri impose à son fils les rééducations les plus pénibles afin d'en faire un enfant "comme les autres" - ce qu'il ne sera jamais -, tandis que le père de Buster Keaton s'est évertué à le rendre différent, à l'abîmer dans son corps et son âme.

Jamais Florence Seyvos n'explique cet étrange parallèle. A aucun moment, elle n'explicite en quoi ces deux destins se répondent. Et pourtant... Si dans un premier temps, on est abasourdi par cette jeunesse de Keaton, on est très vite happé par les expériences et la personnalité d'Henri. Aucune des deux histoires ne prend le pas sur l'autre. Toutes deux révèlent courage, souffrance et marginalité face aux regards des autres et aux destins qui leur sont imposés. Tous deux sont à l'écart de la "normalité". L'équilibre entre ces deux récits est parfait. Jamais nous ne nous lassons de l'un au profit de l'autre. Chacun s'alimente sans que nous puissions réellement expliciter le pourquoi. La lecture de ce beau texte plein de délicatesse et de pudeur se révèle poignante. Florence Seyvos rend un bel hommage à ces deux petits stoïciens qui résistent à la violence du monde. Un livre étrange, séduisant.
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A Hollywood où elle est venue pour visiter la maison de Buster Keaton, la narratrice fait un parallèle entre l'enfant de la balle, longtemps maltraité sur scène par son père et Henri, son frère ''différent'', élevé à la dure par un père qui voulait en faire un individu autonome, ''normal''. Deux enfants que la vie n'a pas épargnés mais qui sont restés droits, ont pliés sans rompre, deux enfants incassables. Deux destins tragi-comiques mais surtout deux volontés fortes, qui ne connaissent ni les lamentations, ni le découragement, ni le renoncement.
Buster, né Joseph, mais rebaptisé de ce surnom qui signifie casse-cou après une chute spectaculaire dans les escaliers à l'âge d'un an à peine. Son père, artiste de music-hall qui n'a pas encore connu son heure de gloire, entrevoit tout de suite l'exploitation possible du talent d'un fils qui semble pouvoir subir coups et chutes sans sourciller. C'est ainsi que Joseph va participer aux spectacles de ses parents, jeté, brinquebalé, catapulté sur scène, à tel point que les services sociaux vont finir par s'en inquiéter. Mais cette expérience fondatrice fera de Joseph le plus grand acteur du cinéma muet, visage impassible, flegme à tout épreuve, résistance à toutes les catastrophes.
L'éventuel point commun entre Buster et Henri, c'est un père très présent. Mais celui d'Henri ne cherche pas à l'exploiter, au contraire, il veut faire de lui, un garçon indépendant, lui ouvrir toutes les portes, allant même jusqu'à lui promettre qu'un jour il pourrait être prof de tennis. Henri était un beau gros bébé à la naissance mais, quelques heures après, un vaisseau s'est rompu dans son cerveau. Sourd aux douleurs, aveugle aux larmes, il lui fait subir les pires traitements pour le faire tenir droit, parler correctement, marcher fièrement. Henri pourtant n'est pas un enfant comme les autres, la vie ne lui a pas distribuer les bonnes cartes. Diminué physiquement et mentalement, il supporte l'inflexibilité et les tortures paternelles sans fléchir.


Dans la vie, il faut savoir faire des choix : thé ou café, mer ou montagne, chocolat ou vanille, écrire une biographie de Buster Keaton ou un livre sur mon frère Henri...Mais certains indécis ne savent s'y résoudre et nous voilà avec un livre bancal qui tente de créer un lien entre la star du cinéma muet et un enfant handicapé. Les deux parties sont certes intéressantes et émouvantes mais l'auteure passe de l'une à l'autre au petit bonheur la chance et si son édifice ne s'écroule pas, c'est bien grâce à la personnalité de ses deux héros. Buster d'abord, qui a fait rire les foules sans jamais rire lui-même. Et Henri ensuite, ce frère avec lequel elle n'est pas liée par les liens du sang puisqu'il est le fils du deuxième mari de sa mère, mais qu'elle aime de tout son coeur. C'est toute la tendresse de la soeur que l'on lit entre les lignes quand elle évoque Henri mais qui disparaît quand vient le tour de Buster. La vie de l'artiste est passionnante mais la narration en est forcément plus distanciée et manque donc d'émotion. Les deux vies se mêlent, sans réelle harmonie, et sans que l'on comprenne le choix de Florence SEYVOS de les relier. Deux bonnes idées qui auraient mérité d'être traitées séparément, pourquoi pas sous forme de nouvelles ?
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Ce court roman met en page deux destinées particulières, l'une de l'ombre, un être que le handicap fige dans une réduction des possibles, et l'une de la lumière, celle que diffusent les écrans du cinéma : c'est Buster Keaton, dont le nom évoque immédiatement le mécano de la générale.

Les deux récits sont passionnants.

L'éducation d'Henri par un père qui gardera longtemps l'espoir d'en faire un prof de tennis, quand bien même l'acquisition de la marche a été un long combat, est très spartiate. Henri, peu à peu, s'appropriera les conventions sociales qui, faute d'avoir un sens, feront de lui un citoyen adapté, du moins pour son entourage. L'ouverture sur le monde extérieur, l'accès à l'indépendance, par l'intermédiaire d'une structure adaptée, dont l'auteur raille le conformisme et le jargon (eh oui, prendre le bus seul peut constituer une inscription dans un projet d'avenir!).

Quant à Buster Keaton, l'histoire de sa vie est édifiante. Malmené voire maltraité par ses parents qui l'utilisent en tant qu'attraction dans un numéro de cirque. Malgré cela, peu de séquelles sont repérables...Incassable! Il connaîtra la gloire au cours d'une vie chaotique : génie autodidacte, son adhésion au conformisme social est plus qu'aléatoire. Et l'on perçoit bien que les liens qu'il noue se font et se défont à l'aune de son succès.

Qu'est ce qui unit ces deux destins? La fragilité, l'adhésion artificielle aux règles du jeu social? La solitude sûrement, pour ces deux êtres dans leur bille de singularité. La passerelle qui les associe au sein de ce récit reste ténue.

Une lecture intéressante, mais qui auraient pu faire l'objet deux nouvelles séparées.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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C'est l'histoire... c'est l'histoire ,sur une photo en noir et blanc, d'un garçon en T-shirt rayé; les mains sur les hanches, qui sourit en regardant l'objectif. La petite fille a 8 ans , et quand elle met les mains sur ses hanches, elle se sent presque invincible. C'est la photo du premier Henri, son oncle , dont le cerveau, qui avait déjà souffert à la naissance, a de nouveau été endommagé par deux encéphalites successives. Il est mort à 33 ans. Une vie pour rien, a dit sa mère qui disait aussi devant l'autre Henri, que ces enfants-là, il ne faudrait pas les laisser vivre.

C'est l'histoire d'un autre Henri, donc, il a neuf ans, la petite fille en a 11. Il est lui aussi handicapé, il va devenir son "frère ".
Le père d'Henri dit: " Les enfants, il faut les casser."Il pense sincèrement qu'on ne peut élever un enfant sans le casser , qu'il n'y a pas d'autre solution. Pas simplement plier, casser. Il faut entendre le craquement de la tige de bois que l'on ferme sur elle-même, à deux mains, d'un coup sec.

"Henri s'est cassé tout seul, quelques heures après sa naissance. C'était un beau bébé dodu de plus de trois kilos. Et tout à coup, un vaisseau s'est rompu dans sa tête.....
Le père d'Henri pense qu'il a cassé son fils et qu'il a bien fait, car ainsi il pourra exercer un métier, se marier et avoir des enfants.
Henri marche, mais ne deviendra jamais professeur de tennis.
Ce matin, le maçon ,qui s'appelle Yacouba et qu'Henri et son père connaissent depuis des années, est venu réparer la palissade. Henri, de mauvaise humeur, a refusé de lui dire bonjour. Son père s'est mis en colère et lui a ordonné de dire bonjour. Henri s'est obstiné dans son refus. Son père l'a obligé à se mettre à genoux dehors, sur le ciment, en lui disant qu'il resterait là, jusqu'à ce qu'il se décide à saluer poliment Yacouba. Henri est resté là une heure, il hurlait, pleurait de rage et refusait de céder. Henri est un petit saligaud de roseau qui plie mais ne rompt pas"

C'est l'histoire d'un autre enfant, prénommé Joseph. Qui tout petit tombe dans des escaliers , ne pleure pas, ne se casse rien. That sure was a buster dit son père.
Dans le monde du spectacle, "a buster", c'est une chute, une chute spectaculaire. Joseph vient de changer de nom, il s'appellera Buster.
C'est l'histoire de Buster Keaton.

De ces histoires parallèles, Florence Seyvos tire un récit( ou un roman, mais ce n'est pas précisé) que j'ai beaucoup aimé. Une écriture très simple , une construction très travaillée, aucun pathos, un regard plein de tendresse sur des personnages un peu décalés..
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Les critiques l'ont présenté comme peut-être le meilleur livre de l'année. Je n'ai pas cherché à faire de classement mais assurément ce livre m'a pris par surprise et la surprise était belle.

Deux destins, trois personnages. La narratrice a hérité d'un frère vers 11 ans parce que sa mère s'est remariée, aujourd'hui elle est à Los Angeles sur les traces de Buster Keaton la vedette du cinéma muet. Au fil des pages un récit en miroir se fait.
Henri le frère a un grand corps qui ne tient en équilibre que par moults efforts et harnachements, par des exercices permanents et épuisants. Comme sa tête a aussi des ratés il a appris par coeur des réponses automatiques en série ce qui donne des échanges tout à fait surprenants, comme cette réaction à la mort du père qui fait dire à Henri « Eh bien, je n'aimerais pas être à sa place. »
Et Buster Keaton l'élégant qui se prend les pieds dans le tapis, Buster que son père a doté d'une poignée dans le dos pour faire un numéro sur scène, il est devenu l'enfant projectile, l'enfant aux multiples fractures capable de résister à tout.
Une constante pour ces deux hommes : pas un cri, pas une plainte, Buster, devenu récalcitrant à la douleur, enchaine les cascades et se vautre sans arrêt pour la grande joie du public, et Henri contre vent et marée tente de mener une vie normale, de travailler, et même d'aller au cinéma. Je vous recommande la scène pathétique où Henri laisse la file avancer sans lui...
Ils sont des marginaux dans un monde à part où il est difficile de les rejoindre. Des hommes résignés mais qui sont capables de se révolter pas toujours pour leur bien.

Le milieu du cinéma Florence Seyvos le connait bien, scénariste de plusieurs films dont le très bon « Camille redouble », son portrait de Buster Keaton est saisissant et celui qu'elle porte sur Henri plein d'amour.
Un roman épatant sans chichis, sans effets, dont le ton plein de gravité et d'empathie nous donne envie de faire la connaissance d'Henri et de Buster « L'Homme qui ne rit jamais »

Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Ils sont dociles mais insoumis.
Ils plient mais ne rompent pas.
Ils sont incassables.

Henri est un petit garçon cabossé, élevé à la trique par un père inflexible, désireux de lui faire acquérir le maximum d'autonomie, en dépit du handicap. Rigueur des soins de rééducation, maitrise forcée du langage et du maintien, Henri devient un adulte-enfant sous l'oeil bienveillant et directif de sa famille, de la soeur qui l'observe et qui en dresse le journal de vie par des petites scènes tendres, humoristiques, et parfois bien cruelles.

Dans un autre siècle, le petit Joseph est devenu Buster après une chute dans un escalier, avant d'être le Keaton comique des écrans américains. Enfant de la balle, l'apprentissage de la scène burlesque s'apparente à de la maltraitance physique ( il sert de projectile dans le numéro de ses parents), semant les graines de l'artiste incassable qu'il deviendra.

Quel curieux parallèle d'avoir associé deux destins si éloignés!

Buster est le miroir d'Henri, son double solitaire, résultat formaté du à la rigueur d'une éducation envers un enfant "récalcitrant". Il va où on lui dit d'aller, il fait ce qu'on lui dit de faire. La vie d'Henri est aussi burlesque que les films muets de Buster, on en imagine même facilement le masque triste et immobile, l'attitude mécanique.

Un livre touchant, original, aux belles images, comme ces vagues de ruines des maisons bombardées du Havre disparaissant peu à peu avec les marées.

Chose étonnante: je n'ai trouvé sur internet aucune photo de Buster K. souriant. Même le jour de son mariage, son visage reste un masque! Quelle maitrise de l'image pour l'époque...
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Qu'est-ce qui uni Buster Keaton, le célèbre comédien et humoriste, et Henri, un garçon atteint d'une déficience mentale et handicapé physiquement par des membres atrophiés ? A priori, rien. Et pourtant, dans « le garçon incassable », Florence Seyvos tisse des liens ténus entre le destin des deux hommes…

Tous deux ont grandi dans une famille où l'autorité du père était très forte, parfois brutale et intransigeante mais qui les a aidés néanmoins à s'endurcir et à forger leur volonté. L'un a repoussé les limites de son corps jusque dans ses derniers retranchements, bâtissant sa réputation sur ses talents d'acrobate et sa résistance physique incroyable. L'autre s'est endurci dans la douleur, au fil de centaines de séances de rééducation qui lui ont permis d'acquérir une certaine autonomie. Pour chacun, le travail sur le corps se fera au prix d'efforts colossaux.
Tous deux connaîtront également la solitude, l'exclusion et cette impression d'être inadapté au monde qui les entoure. L'un sera bridé dans son entreprise de création, incompris et rejeté jusqu'à sombrer dans l'alcoolisme, tandis que l'autre sera sans cesse materné, traité comme un être différent et mis à l'écart de la société. Chacun devra lutter pour s'imposer et se faire une place dans un monde impitoyable, trop étriqué et c'est ce combat que nous raconte Florence Seyvos à travers ces portraits d'hommes qui plient mais ne rompent pas.

Ce que je pourrais reprocher à ce roman pourtant plein de finesse et de subtilité, c'est ce lien ténu, parfois obscur, qui relie Buster Keaton à Henri et qui n'est pas toujours évident. On glisse de l'un à l'autre sans s'y attendre, sans en comprendre la raison ce qui peut déstabiliser le lecteur et le perdre. Pourtant, chaque portrait pris à part est passionnant et touchant. On se prend d'affection pour cet acteur insolite, ce cascadeur hors pair et pour ce garçon fragile mais porté par l'amour de sa famille. Il y a énormément de tendresse et de douceur dans ce texte délicat et sensible. Difficile de ne pas être touché par la plume enveloppante de l'auteur et par sa dextérité. Néanmoins, il m'a manqué un petit quelque chose pour être complètement envoûtée…
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La narratrice avait un frère, Henri, fragile, différent. Toute son enfance sera marquée par la rééducation, sous la volonté d'un père exigeant qui voudrait le « casser ». Mais Henri résiste, à sa manière; c'est un garçon incassable.
En parallèle, Florence Seyvos nous fait découvrir la vie d'un autre incassable : le grand Buster Keaton, cascadeur incroyable, insensible à la douleur, fort, indestructible.
Malgré une écriture lumineuse et des passages très touchants, je n'ai pas été convaincu par l'intérêt de mêler ces deux histoires, qui n'ont vraiment rien de commun. Comme le livre est, de surcroît, assez court (moins de 200 pages) on reste un peu sur notre faim pour chacune des deux histoires.
Une belle écriture donc, mais un récit qui ne m'a pas vraiment passionné, deux histoires liées par un fil trop ténue selon moi.
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Difficile de ne pas être happé par ces deux destins hors norme. le garçon incassable, un cadeau, un concentré du meilleur de Florence SEYVOS.
Dans ce document, les existences de Buster Keaton et Henri, son demi-frère de l'auteur, sont racontées en parallèle. On passe de l'une à l'autre histoire sans heurt, on y suivant des êtres différents. Aucun lien direct n'est établi vraiment entre les deux (ce qui n'est pas gênant). Les points qui les relient sont des fils invisibles que l'on perçoit. Dans ce récit vaudevillesque, la gaité côtoie l'inégalité fac à l'handicap. Tout est dans la subtilité, dans ces deux vies où la pudeur cache des blessures.
« Les premiers succès de Buster sonnent le début d'une immense partie de cache-cache qui durera neuf ans, et au cours de laquelle Joe, avec la complicité des directeurs de théâtre, usera des arguments et des subterfuges les plus variés »
« Pour la première fois de sa vie, Henri ira lui aussi à l'école, mais en grande section de maternelle. Il est convenu que François surveillera un peu son nouveau frère pendant les récréations. Mais dès le jour de la rentrée, il s'avère que ce n'est pas d'une surveillance qu'Henri a besoin, c'est d'une protection rapprochée. »
Des êtres à part, qui plient sous les exigences et les conventions imposées par leurs pères, mais qui ne cassent jamais, résistants sous des allures si fragile, tragiques sans être pathétiques, à la fois sans défense, sans malice et sans peur, sans ambition aussi et c'est peut-être ce qui déstabilise le plus et qui les rend aussi attachant.
« Son coeur est maintenant aussi souple qu'un ballon de soie, il se gonfle joyeusement dans sa poitrine, il s'échappe d'elle et s'étend sur la ville entière. Elle aime Buster, et la semaine prochaine, ils seront mariés. »
« A l'automne suivant, Henri entre au CAT. Il rêve de travailler sur une machine, celle qui fait des trous dans des rondelles de métal. »
Florence SEYVOS rend ce témoignage touchant, certes étrange mais émouvant. de cette histoire entremêlée en résulte une leçon d'humanité et un message de tolérance. J'ai été totalement séduite et ce fut un pur plaisir de lecture.
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Le garçon incassable.
Florence Seyvos mélange savamment deux récits qui la touchent, l'un de l'intérieur, l'autre de l'extérieur.

L'intérieur c'est sa propre jeunesse en compagnie d'un demi-frère, Henri, presque hémiplégique auquel sa mère son frère et elle-même apportent un environnement de compréhension et d'amour. Bel exemple de solidarité avec un père divorcé qui assume seul la difficulté une fois son épouse enfuie et qui finit par mourir en les laissant tous les quatre..

L'extérieur c'est la vie de Joseph Keaton, qui tout jeune est tombé d'un escalier sans se faire trop de mal et que les parents rebaptisent Buster (celui qui fait des chutes spectaculaires) et qui toute sa vie tombera pour faire rire avec un minimum de dégâts. Dés sept ans son père le projette dans la fosse d'orchestre d'un music-hall sur la tymbale. Les gens rient. Grâce à une poignée qui le maintient dans le dos son père l'envoie brutalement dans les décors où ils se produisent avec sa mère. Buster aime les chutes. Buster ne rit pas, il est un objet. Il le restera toute sa vie très longue en regard des risques encourus. Un objet ne rit pas.

Henri rit trop fort et en décalage.Les efforts d'Henri pour s'intégrer à la vie sociale sont énormes en regard des résultats qu'il obtient. Son cerveau fonctionne différemment. Il renverse à vélo une femme qui « ne traverse pas dans les clous » et refuse de s'excuser. « C'est sa faute à elle, on doit traverser dans les clous »

Les surenchères de Buster font peur à tout le monde, à son producteur qui fuit, l'abandonne. « Pourquoi ne pas faire appel à un cascadeur ? » « Parce que les cascadeurs ne sont pas drôles ».Buster fait tout ce qu'on lui demande.

Ce qui lie les deux personnages qui n'ont évidemment jamais eu l'occasion de se rencontrer ni même de se connaitre c'est le même regard affectueux que Florence S. porte sur eux les confondant dans un élan de compassion sans condescendance.

Littérairement c'est impeccable. On ne cherche pas à savoir ce que cache la page suivante on passe de Henri à Buster et de Buster à Henri avec une fluidité incomparable. le génie de l'écrivain, c'est justement de faire paraître simple et évidente une construction complexe totalement inventée même si elle s'appuie en partie sur une expérience.

Dernière pèche à la librairie de l'horloge avant le retour vers la capitale, je suis heureux d'envoyer cinq étoiles dans le ciel de Vaucluse …
…et toute mon admiration à Florence Seyvos.

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