AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,03

sur 106 notes
5
12 avis
4
11 avis
3
4 avis
2
2 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Simenon aime les gens simples, les “monsieur tout-le-monde". Il aime les decrire quand le destin leur joue des tours, ou leur propose une aubaine (des fois c'est une et meme chose). Quand ils ne savent comment agir ou qu'ils agissent contrairement a leurs vieilles habitudes. Sans s'en rendre vraiment compte ou au contraire repondant a un besoin momentane de revolte.

Pour Marcel Feron, la guerre et l'exode oblige de son petit bled en Meuse vers le sud, vers l'inconnu, sont l'occasion d'oublier – momentanement? – la calme routine de sa vie. Une routine voulue, apaisante, mais insipide. Il sent que ce chamboulement lui est specialement adresse: “c'etait une affaire personnelle entre le destin et moi”.

Dans le train qui les mene vers le sud il est rapidement separe de sa femme et de sa fille. Il se retrouve dans un wagon surpeuple ou toute ancienne regle de conduite devient vite desuete, ou toute honte s'efface. Quelques gestes de solidarite qu'il entame envers une inconnue reservee deviennent en quelques jours une addiction. Ils se collent, ils se soudent, ils s'agglomerent. Amour? Pas vraiment. Aucune transgression non plus, dans ce train cette notion n'est pas de mise. Une aventure existentielle que le destin qu'il invoquait lui a concocte. Une experience nouvelle, differente de tout ce qu'il a connu et vecu. Va-t-elle tout chambarder? Une fois arrives a La Rochelle, il cherche et retrouve sa famille et un adieu un peu sec clot ce qui a ete un interlude, hors du temps, ne pouvant engager un quelconque avenir.

Il revient bientot dans son village, a son metier, a ses habitudes. Quand, une nuit, l'inconnue reapparait pour lui demander aide, il ne pourra, il ne voudra pas y repondre. Lachete? Presque pas. Il n'est pas fait pour se lancer dans les aleas de l'inconnu. Il ne peut engager ses petits achevements, surement pas sacrifier sa famille. Ce qu'il a vecu dans le train lui est cher, mais c'etait un entracte, que la guerre a permis. La guerre est un seisme qui perturbe tout, qui altere tout. Mais toute guerre a une fin.

Ce livre me rappelle La fuite de monsieur Monde, du meme auteur. Mr Monde avait voulu sa fuite, l'avait organisee, alors qu'ici le heros est traine par les circonstances. Mais dans les deux cas la fuite est temporaire, comblante en elle-meme, fructueuse car elle permet de revenir, tranquille, a ce qu'on a fui.

J'ai deja lu de meilleures relations de l'exode de 1940. Celle-ci est centree sur l'etrange sensation de liberte qu'il a pu provoquer chez certains fuyards. Et Simenon excelle a sonder les pensees et les reactions de ses congeneres en situations extremes. C'est toujours passionnant (pour finir avec un mot adapte a la trame).
Commenter  J’apprécie          619
Fumay dans les Ardennes, à deux pas de la frontière belge. 10 mai 1940. L'Allemagne attaque.

Une période étrange s'ouvre à l'égale de « la drôle de guerre » qui précède. L'Exode s'amorce sous la poussée du Blitzkrieg. le temps semble suspendu, incertain du lendemain, dans l'attente d'un avenir proche qui ne dévoile rien de ce qu'il sera. Tout est possible, surtout le pire. Chacun vit désormais au jour le jour, au rythme de la fuite en avant. Des millions d'existences semblent désormais entre parenthèses, dans l'espoir fataliste d'une inévitable reddition et d'un hypothétique retour à domicile.

Civils jetés sur les routes. Automobiles abandonnées. Carrioles surchargées de bric-à-brac dérisoire. Trains pris d'assaut. Troupes militaires à la ramasse.

Une France en perdition … tout du long d'un été … le plus beau depuis si longtemps.

Un jeune couple, les Féron, va traverser la France d'est en ouest. Wagon à bestiaux pour lui, wagon deuxième classe pour elle et leur fille en bas âge. Madame attend un heureux événement et se doit d'être protégée. Les quais de gare se succèdent, les appels sous verrières listent les avis de recherche de personnes perdus dans la nature, l'attente est longue sur les voies de garage, le trajet se fait buissonnier car le convoi n'est pas prioritaire, l'aide humanitaire en bordure de quais mobilise les bons vouloirs. Les avions en piqué mitraillent dans l'axe des convois, la mort venue du ciel distribue ses tickets perdants.

Peu à peu un microcosme se crée à l'échelle du wagon à bestiaux. La cohabitation forcée casse les anciennes règles, de nouvelles s'imposent, de celle du plus fort à celle du plus malin, de l'incompréhension jalouse à l'entraide calculée ou sincère, de la haine … à l'amour. Une galerie de portraits d'époque émerge tout le long du voyage, de la paysanne discrète et partageuse à la bistrotière bien en chair peu avare de ses charmes. Simenon va nous faire revivre, dans ses détails quotidiens, cette courte période historique teintée d'incertitudes. On va y retrouver la France des années 40's sur le fil rouge d'un hexagone traversé de part en part, entre campagne omniprésente et villes perçues depuis les quais.

La première nuit, le train, au gré de manoeuvres ferroviaires malheureuses, est coupé en deux. Monsieur, désormais seul, va ressentir, quelques semaines durant, un étrange sentiment de liberté retrouvée … et faire la connaissance d'Anna, une belle taiseuse à l'accent venu de l'est. Qui est t'elle ? Que cache t'elle ? Une histoire d'amour s'amorce, sauf que … Cela ne pourrait être que de l'eau de rose si Simenon n'avait, du thème, fait au final bien autre chose, de bien plus noir, venue des sombres tréfonds de l'âme humaine.

Marcel Féron. Un homme de son temps : réparateur radio, ondes longues ondes courtes, le monde désormais à portée d'oreille. Un être ordinaire, honnête et de confiance, pragmatique, travailleur et s'astreignant à le rester, taillé dans la norme prolétaire de l'époque. Un mariage et des enfants en passages obligés. Un mari sans faille apparente si ce n'est celle, sans obsession, d'une épouse pour qui il ressent bizarrement plus de reconnaissance que d'amour, encore est-ce assez indéfinissable dans son esprit. Un père conscient de ses responsabilités et devoirs. Une vie de famille simple et heureuse, toute tracée ; un avenir sans gros besoins ni objectifs autres que ceux déjà atteints, sans ambition que celle d'assurer (presque par contrat tacite) le confort aux siens.

En contrepartie de cette vie morne et rassurante, le prix à payer semble le gêner, l'insupporter sans que sa conscience n'en effleure vraiment la présence : routine, monotonie, peut-être même ennui, voire vacuité. Ah s'il n'était pas myope au point de s'être fait reformer. Ah s'il n'avait pas connu les longs mois au sanatorium à côtoyer la mort. Ce qu'il vit désormais, sur les rails de l'Exode, ne lui semble pas plus anormal que ce qu'il a vécu à combattre le bacille de Koch. L'Exode devient le révélateur de ce qui lui manque, de ses rêves effacés, des rendez-vous manqués avec sa propre histoire.

Ainsi, alors, en creux, nait en lui le besoin d'autre chose. D'un amour hors-normes, par exemple. Celui qu'il pressent, justement, ne pas avoir encore vécu. Une passion qui éclabousserait le reste d'une vie d'instants inoubliables. Une carte postale amoureuse à l'image de ce qu'il entrevoit de la Rochelle, une ville loin du front, un port, des bateaux pour un ailleurs lointain, vers des iles paradisiaques au-delà de l'horizon, sur un océan sans limites. Peu importent les risques, peu importent les coups de canifs dans le contrat matrimonial, seul compte l'instant, le feu d'artifices qui embrase tout et qui bientôt s'éteindra.

Un personnage à la Simenon, en somme. Un être jusqu'alors bien à l'aise dans une vie sans écueil d'importance, qui à défaut d'être rêvée le rassure. Un « homme nu » qui bascule dans un univers parallèle quand, confronté à l'hors-norme d'une situation inattendue il se doit de trancher. Bientôt disséqué jusqu'à los, il se montre enfin sous le vrai jour qui est le sien.

Anna : le point d'interrogation du roman, celle qui ne se dévoile que peu, dont le mystère fait l'attrait. Femme fatale ? Non.. ! Simplement autre, différente, indéfinissable, tissée de regards plus que de mots. Elle est celle qui attire, que les autres vous jalousent. Prisonnière de son passé, venue d'un ailleurs obscur où le silence est d'or et la discrétion un espace nécessaire entre la vie et la mort, elle redoute de casser ses silences qui la démasqueraient. Simenon ne la décrit que peu, il laisse le « je narratif » s'en charger ; Marcel Féron est aux commandes de sa confession, il va se trouver de bien faibles fausses raisons.

Le Train c'est aussi un film de Pierre Granier-Deferre (1973) avec dans les rôles principaux : Jean-Louis Trintignant, Romy Schneider, Régine et Maurice Biraud. Qui mieux que Romy Schneider dans le rôle d'Anna ? Elle transcende son rôle, le magnifie. Sa beauté émerveille, son sens inné du jeu d'acteur fait mouche, sobre et efficace, vrai et émouvant. Son regard touche au coeur, il dit les mots que sa bouche ne prononce pas. L'Anna du roman semble ne pas avoir de visage si ce n'est celui que le lecteur veut bien y mettre, l'Anna en long-métrage porte celui de Schneider ; un remake éventuel s'y cassera les dents. D'autant que l'on sait, maintenant, que ce qu'il lui restait à vivre ne le serait pas sous le sceau du bonheur ; et çà c'est Anna, ses plaies et ses mystères cachés. Trintignant, à demi-mots susurrés et hésitants, tranquilles et sereins, traduit l'ambiguïté de Féron/Maroyeur face à une situation en équilibre incertain.

L'épilogue du long métrage diffère diamétralement de celui du roman. Les ressentis divergent en conséquence. le spectateur entrevoit un romantisme exacerbé teinté de fatalisme poignant ; sortez les mouchoirs. le lecteur s'indigne d'une lâcheté tranquillement à l'oeuvre, presque sans remords. L'écrivain, une nouvelle fois, plombe le genre humain dans la lignée sombre qu'il donne à ses « romans durs ». L'empathie pour Trintignant, sur le fil de sa décision finale, impose le kleenex au bord de l'oeil, mais rassure sur le genre humain ; le dégoût l'emporte concernant celle prise par l'homme-papier. Granier-Deferre à au moins le mérite du panache, de la tête levée face à l'adversité. Au final, si dans le roman Marcel se nomme Féron et Maroyeur dans le film, ce n'est pas plus mal : ce sont au final deux hommes si fondamentalement différents, mus par des pulsions à l'opposé l'une de l'autre, qu'ils ne peuvent décemment porter le même nom de famille.

Au final, le roman m'est resté dans l'ombre du film. Qu'aurait été mon ressenti sans Granier-Deferre ? Nul doute que la prose et la manière de Simenon, auraient, à elles seules, emporté le morceau. Mais, en réfléchissant plus avant, la dérobade finale du héros-roman ne masque t'elle pas sa principale raison de vivre, celle de préserver sa famille, quitte à sacrifier le grand Amour de sa vie ? N'en est t'il pas un tantinet réhabilité ? Roman complexe que celui-ci, soumis à des ressentis variables en fonction des paramètres internes de chaque lecteur. J'en suis sorti en mode dubitatif « ON » concernant la noblesse d'âme du héros. Mais bon, çà se discute.
Lien : https://laconvergenceparalle..
Commenter  J’apprécie          110
Belle surprise que ce livre de Simenon. Je connaissais uniquement les Maigret (et j'avoue que je n'en est jamais lu). C'est en écoutant Philippe Claudel sur France Inter que j'ai été intriguée par cet auteur que je jugeais sans l'avoir jamais lu. Et là, belle surprise. J'ai beaucoup aimé le style et l'écriture de ce livre qui donne envie de poursuivre la lecture sans qu'il y ait de suspens ou d'histoire alambiquée. Juste une rencontre, une époque, un moment et tout cela est très bien raconté... Une fois de plus voilà la preuve que les a priori (en ce qui me concerne) n'ont vraiment aucun sens
Commenter  J’apprécie          31
Une vie simple, tranquille et routinière. Et pourtant, à l'orée de la seconde guerre mondiale, dans le train de l'exode qui emmène les réfugiés sous des cieux plus cléments, va naître une passion profonde, sincère et fugace, entre un homme et une femme qui n'ont rien de commun et que tout semblait opposer.

Comme souvent chez Georges Simenon, tout l'art est dans la finesse de la description, dans la compréhension intime des sentiments humains, et dans l'élégance du style. On se laisse bercer par le rythme du train, on se prend au jeu, et on se laisse voyager. le tout donne un agréable moment de lecture.
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (254) Voir plus



Quiz Voir plus

Le commissaire Maigret

Quel est le prénom du commissaire Maigret ?

Hercule
Édouard
Jules
Nestor

12 questions
278 lecteurs ont répondu
Thème : Georges SimenonCréer un quiz sur ce livre

{* *}