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Ce roman me faisait de l'oeil depuis un moment et, l'été étant propice à un rattrapage de lecture, je l'ai lu ou plutôt dévoré.
C'est une histoire qui commence tout en douceur. Saravouth, onze ans et sa soeur Data sont deux petits cambodgiens, ils vivent dans une famille aimante où les livres ont une place importante. Savarouth, dont l'imagination déborde, a tendance à vivre dans un monde parallèle qu'il s'est créé et qu'il nomme « le royaume intérieur ». Hélas ! L'histoire, la vraie, est sans pitié. Nous sommes en 1971 et la destitution du roi par les khmers rouges déclenche une guerre civile terrible.
Lorsque Phnom Penh tombe aux mains des rebelles, la famille de Savarouth est entrainée dans la tourmente. Séparé des siens et gravement blessé, Savarouth va croiser d'autres réfugiés, il sera recueilli à la mission Saint-Joseph et apprendra à survivre dans un monde devenu chaos. le jeune garçon s'accroche à ses espérances, ses rêves. En grandissant, il apprendra peu à peu la résilience.
Savarouth n'est pas un personnage de fiction, il existe réellement et l'auteur l'a rencontré à Montréal en 2004. Il chantait dans la rue en s'accompagnant de sa guitare, il jouait aux échecs. Il a raconté sa vie à Guillaume Sire qui a dit qu'un jour, il écrirait son odyssée. Mais qu'on ne s'y trompe pas, « Avant la longue flamme rouge » n'est pas un témoignage mais bien un roman. le talent de l'auteur, c'est d'avoir intégré ce témoignage de vie dans une période barbare du Cambodge et de l'avoir reconstruit, étoffé pour le transformer en véritable roman. Sous la plume alerte de l'auteur, la vision de la guerre civile à travers les yeux d'un enfant de onze ans et son odyssée à peine croyable rendent cette histoire terriblement émouvante.
Il faut attendre l'épilogue pour connaitre enfin la vraie histoire de Saravouth et sa rencontre avec l'auteur. C'est fascinant de croiser dans ces pages l'enfant victime de la guerre devenu homme et, malgré son sourire, son destin ne peut que nous serrer le coeur.





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L'histoire chaotique de l'Asie du Sud-Est du début des années 1970 superbement racontée par Guillaume Sire commence à Phnonm Penh avec le leune Saravouth qui y grandit dans une famille catholique, père haut fonctionnaire, mère professeur et petite soeur, Dara, un peu délurée et surdouée .

Alors que la guerre civile fait rage, le jeune garçon se construit un royaume imaginaire intérieur à base des poèmes de René Char ou de l'Odysée d'Homère.

Mais un jour, alors que sa famille décide de prendre la fuite, il se retrouve séparé des siens et va alors partir tenter de retrouver les siens à travers l'horreur de la guerre.

Sans aucun effet de style ni fioriture, Guillaume Sire raconte une épopée follement dense et romanesque et raconte comme les grands romans comment la grande Histoire peut rejoindre la petite.

Sans cesse à regard d'enfant- un peu comme le sublime "Petit pays" de Gael Faye, dont l'adaptation arrive bientôt dans les salles au cinéma, ou au long métrage d'animation Funan de Denis Do, l'horreur de la guerre prend une dimension aussi bien poétique que candide à travers ce formidable personnage qui vivra avec cette culpabilité d'être en vie .

Une quête irréaliste - l'enfant ne veut jamais croire au pire concernant sa famille- que déchirante qui font tout le sel de ce très beau roman de la rentrée de janvier 2020!
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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La guerre civile cambodgienne qui eût lieu de 1967 à 1975 fût l'un des conflits les plus atroces du XXème siècle. L'ampleur des crimes commis dépasse l'imagination et nous glace d'effroi. le roi Sihanouk fût renversé en 1970 et Lon Nol, un général pris le pouvoir pour fonder la « République khmère » en octobre de cette même année. A la suite de ce coup d'état, des milliers de vietnamiens furent tués par les forces anticommunistes de Lon Nol soutenues par les États-Unis qui menait alors une autre guerre sur le sol du voisin du Cambodge, le Vietnam. La lutte entre les forces du Parti communiste du Kampuchéa, plus connues sous le nom de « Khmers rouges » avec à leur tête le terrifiant et génocidaire Pol Pot et les forces de la République khmère de Lon Nol entrainèrent le Cambodge dans une effroyable boucherie. Les Khmers rouges réussirent à prendre Phnom Penh en avril 1975. C'est cette terrible histoire qui est l'élément central d'un récit centré sur la personne de Saravouth, un enfant de onze ans pris dans cette terrible machine à broyer des vies, ce chaos, cet apocalypse total qui dura de trop nombreuses années. Saravouth a une petite soeur Dara qui a neuf ans. Sa maman enseigne la littérature au lycée français tandis que son père travaille à la chambre d'agriculture. Tous deux cherchent à protéger leurs enfants de cette terrible guerre. Saravouth se réfugie dans un monde imaginaire « le Royaume Intérieur » tandis que sa maman lui fait découvrir les péripéties de Peter Pan et des héros de l'Iliade et l'Odyssée. Les livres sont un refuge pour Saravouth et une source inépuisable de jeux avec sa soeur Dara. Mais bientôt la guerre personnifiée sous les traits de l'homme au pardessus bleu frappe à leur porte. Emmenés à l'extérieur de Phnom Penh par des miliciens de Lon Nol, Saravouth est séparé de ses parents, de sa soeur. Réfugié dans la jungle cambodgienne sur les rives du Tonlé Sap, il cherche à survivre dans le chaos qui règne alors dans son pays. Il n'a plus qu'un seul voeux : celui de retrouver sa famille. Guillaume Sire signe là un immense roman porté par la grâce d'une écriture au cordeau, pleine de fulgurances, de traits acérés sur la violence, la barbarie qui se déroule sous les yeux de cet enfant Saravouth. On est bouleversé par l'histoire vraie de ce petit bonhomme qui doit survivre à l'indicible. C'est poignant, c'est fort, c'est d'une puissance d'évocation rare. On est pris de vertige face à la somme de crimes commis que ce soit par les khmers rouges où les forces de Lon Nol. La guerre est incertaine, elle broie le pays tout entier et même jusqu'au bêtes sauvages comme ce tigre affamé et épuisé rencontré par Saravouth et qui donne lieu à un passage très fort de ce livre. le titre est magnifique : « Avant la longue flamme rouge« , il révèle que le récit qui nous est conté est celui de la chute de la « République khmère » de Lon Nol, général à moitié fou, malade et entouré de mages et nécromanciens qui finiront brûlé dans un dernier grand feu les embrasant lors de la chute de Phnom Penh. La chute de cette dernière en avril 1975 est raconté avec une maestria peu commune par Guillaume Sire. On est tour à tour asphyxié par la cruauté de cette guerre puis enchanté par les digressions sur le monde imaginaire de Saravouth. Les personnages rencontrés dans le roman nous dévoilent la triste réalité de cette guerre civile cambodgienne oubliée des livres d'histoire. C'est d'autant plus courageux de choisir un tel sujet et de réussir ce tour de main de nous rendre cette histoire finalement proche de nous et de toutes les guerres civiles qui se déroulent depuis la nuit des temps. Avec un sens du rythme, une capacité à créer une atmosphère angoissante mais aussi des havres de paix grâce à ce mélange de réalité crue et d'imagination propre à l'enfance, Guillaume Sire nous foudroie. Mais Saravouth, comme tous ces enfants meurtris par la guerre, est déjà un survivant à l'heure où les joies de l'innocence des jeux et des découvertes sont si éloignées de lui. C'est à mon sens, le plus beau roman lu depuis longtemps. Sa gravité et ce personnage si attachant de Saravouth, revenu de toutes les ignominies, de toutes les horreurs que la guerre peut infliger à un enfant puis à un adolescent, nous rend ce livre indispensable car il est non seulement le témoin d'une époque mais aussi le symbole de l'enfance meurtrie, assassinée dans toutes les guerres quelles qu'elles soient. Une fresque étourdissante et sombre sur les horreurs de la guerre civile au Cambodge. C'est absolument sublime !


Lien : https://thedude524.com/2020/..
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1971, le Cambodge est en guerre. Saravouth, petit garçon de 11 ans, se construit un monde imaginaire qu'il alimente à partir des lectures que Phusati, sa mère, lui fait. Peter Pan mais aussi l'Odyssée et les poèmes de René Char vont être sa source. Mais ce refuge onirique ne le protège malheureusement pas de la guerre qui vient frapper à leur porte. Vichéa, son père, Phusati, sa mère, et Dara sa petite soeur vont être obligé de fuir.
Saravouth va se retrouver seul.
Ce roman inspiré d'une histoire vraie est d'une grande beauté. Il nous fait vivre douloureusement auprès de Saravouth, on souffre vraiment avec lui, on respire avec lui, on espère avec lui. On ne peut pas, en tant que lecteur le laisser tomber, lui qui a tant de force, de courage de résilience.
Merci à Guillaume Sire qui a su nous rapporter cette histoire bouleversante
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Ce récit inspiré d'une histoire vraie démarre à Phnom Penh, la capitale du Cambodge, en 1971. le roi Norodom Sihanouk vient d'être destitué par le général Lon Nol, plongeant le Cambodge en pleine guerre civile. La famille Inn, qui avait jusque-là mené une vie relativement paisible à Phnom Penh, commence également à ressentir la persécution grandissante envers les Vietnamiens. Victime d'une rafle, le petit Saravouth Inn, 11 ans, se réveille en pleine forêt, baignant dans son sang, séparé de ses parents et de sa petite soeur Dara.

Inspiré d'une histoire vraie, ce roman bouleversant invite le lecteur à plonger dans les coulisses de la guerre civile cambodgienne à travers le regard de cet enfant de onze ans.

« Avant la longue flamme rouge » est donc tout d'abord l'histoire d'un pays subitement baigné dans l'horreur. Au fil des pages les conditions de vie deviennent épouvantables, voire même proche de l'indicible. Des trahisons aux viols, en passant par la famine, les vols, les orphelins, la prostitution, les assassinats et l'afflux massif de réfugiés surpeuplant progressivement la capitale, Guillaume Sire n'épargne pas grand chose au lecteur, qui découvre ici les coulisses de l'un des conflits les plus atroces du siècle dernier.

Mais, « Avant la longue flamme rouge » est surtout l'histoire d'une enfance marquée par des blessures indélébiles, celle d'un gamin de onze ans qui tente d'échapper aux atrocités de la réalité en se réfugiant dans un monde imaginaire, nourri par les lectures de sa mère. Malheureusement, même cette poésie ne parvient plus à dissimuler la barbarie des hommes au fil des pages…

Couronné du Prix Orange du livre 2020, « Avant la longue flamme rouge » est un récit marquant que je rangerai volontiers auprès du « Petit Pays » de Gaël Faye.
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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On fait la connaissance de la famille Inn en 1971, à Phnom Penh, alors que le Cambodge vacille, le prince Sihanouk ayant pris la fuite avec sa maîtresse, laissant le pays dans les mains d'un dictateur, soutenu par les Américains, le général Lon Nol complétement dérangé intellectuellement.

« En 1971, Saravouth a onze ans. Sa petite soeur Dara en a neuf. Leur mère, Phusati, enseigne la littérature au lycée René-Descartes. Leur père, Vichéa, travaille à la chambre d'agriculture. »

La vie, ou plutôt la survie (tout le monde surveille tout le monde) s'organise et très vite Saravouth imagine dans sa tête un lieu pour se réfugier, qu'il appelle le Royaume intérieur, peuplé de toutes les histoires, tous les livres que sa mère lui a lu depuis l'âge de cinq ans.

« Après dix mois de travaux, il décida d'intituler son oeuvre le Royaume Intérieur. Aussitôt, il lui sembla qu'il fallait également donner un nom au monde où vivaient ses parents, Dara et les autres êtres humains. Ce serait L'Empire Extérieur. »

L'arrestation de Bopha et Reth, des proches de la famille arrêtés en pleine messe, (célébrée par le père Michel, qui essaie de s'interposer) par « l'homme au complet bleu », aux ordres de Lon Nol. Personne n'a osé bouger, pas d'héroïsme à la Peter Pan.

Dara cesse alors de se réfugier dans le Royaume intérieur et devient rebelle. Phusati ne récite plus de poésie, Vichéa pense qu'il faut partir, mais il n'a pas assez d'argent, et la mère de Phusati refuse de lui en prêter, sous prétexte qu'il n'y a pas de danger. Pourtant les sbires du dictateur, notamment Chamroun, le tiennent en ligne de mire, guettant le moindre faux-pas.

Dara frappe un de ses camarades, à l'école où enseigne sa mère et refuse de s'excuser, les collègues en la soutiennent pas. Dara se renferme de plus en plus. Un jour la cuisinière disparaît, et lorsqu'on frappe à la porte, Phusati ne se méfie pas et ouvre : c'est l'homme au complet bleu avec « des policiers ». Il intime à la famille Inn de le suivre, prétendant les sauver.

Phusati ne le croit pas mais Vichéa tente de faire confiance, ils sont ainsi embarqués et exécutés en pleine forêt. Saravouth a pris une balle dans la tête, et perd toute notion du temps. Il se « réveille » dans une hutte, où une vieille femme, Iaï, prend soin de lui, dans des conditions hygiène limites, avec des préparations pour aider la blessure au-dessus de son oreille droite à se refermer.

Il compte les jours pour tenter de reprendre pied. Il compte en pensant à Pénélope et sa tapisserie, mais aucun son ne sort de sa bouche. Son Royaume intérieur a été abimé, donc il est difficile de s'y raccrocher. Il veut ses parents, entendre le bruit de la clé dans la serrure quand son père rentre du travail, ou les poèmes de René Char que sa mère lui récitait.

Dorénavant, il va les rechercher sans cesse, dans le charnier où Iaï l'a trouvé, quand il peut enfin marcher, puis plus tard, quand il sera à l'orphelinat du père Michel et de Frère Bruno. Il explorera ainsi la ville où il est né, l'appartement de ses parents, noircissant des cartes de la ville…

Mais la guerre est là, les communistes se rapprochent, les partisans du dictateur éliminent tous les gens qui ne lui plaisent pas : les Vietnamiens installés au Cambodge depuis longtemps, puis les catholiques, les ex partisans du roi … Il est soutenu par les USA, comme de bien entendu, Nixon les arme pour en finir avec les communistes, forcément sous l'influence de la Chine…

Ce roman est un uppercut : Saravouth a à peine dix ans quand la guerre commence, et on va le suivre pendant environ cinq ans dans son pays en guerre. Pour survivre, il s'est construit un Royaume intérieur, inspiré de tous les livres que sa mère lui a lu, de Peter Pan à Ulysse, il y construit des palais, crée des forêts, des paysages, remplis d'arbres et de plantes aux noms qui font rêver (je suis nulle en botanique, alors je ne vais m'aventurer dans les descriptions…) il peut ainsi tenter de s'échapper de tout ce qui se passe autour, dans ce qu'il appelle l'Empire extérieur.

Guillaume Sire décrit très bien, les étapes qui feront du petit garçon un adulte trop tôt, le déni de la mort de ses parents et de sa soeur qui l'aide à survivre, la difficulté à faire confiance en temps de guerre, où tout le monde dénonce tout le monde, ou l'armée cambodgienne revend aux communistes les armes offertes par Nixon…

Il évoque, sans mettre de nom, ce qu'on appelle aujourd'hui le syndrome de stress post traumatique, et la douleur du survivant.

Une scène touchante : Saravouth, lorsqu'il marche pendant des jours, à la recherche de ses parents, se retrouve dans une barque sur le Mékong, alors que cela tire de tous les côtés, que les autres passagers s'affalent les uns après les autres, et qu'il est lui-même blessé, essaie de prier, de se rappeler les paroles du Notre Père…

On retrouve les génocides qui se répètent comme au bon vieux temps de la seconde guerre mondiale ; certes on connaît celui perpétré par les Khmers rouges, mais les Cambodgiens entre eux, ce n'était pas mieux.

J'ai lu peu de romans sur cette guerre tragique, sur les Khmers rouges, sur toutes les guerres en Asie (la guerre de Corée, non plus) donc la capacité de résilience de ce gamin m'a donné envie de m'y intéresser davantage.

L'écriture de Guillaume Sire est belle, alors qu'elle aurait pu être chirurgicale, vue l'a violence qui règne en permanence, un peu adoucie par le dévouement des deux prêtres, la camaraderie entre « les orphelins ».

L'auteur rend hommage à la littérature, Homère, James Matthew Barrie, René Char, avec de jolies phrases pleines de poésie, sur les mots qui sont reliés entre eux par des « ficelles » qu'il faut attraper…

Un immense merci, encore une fois, à NetGalley et aux éditions Calmann-Levy (que j'apprécie beaucoup) qui m'ont permis de découvrir ce roman et son auteur.

#Avantlalongueflammerouge #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Cambodge, guerre civile de 1969-1975. On suit le parcours de Saravouth qui a 11 ans quand le chaos commence et qu'il est retrouvé dans un bois. Il n'aura de cesse de tenter de retrouver ses parents et sa soeur. Doté d'un grand imaginaire, il fera participer ses héros virtuels. Pas toujours évident de pénétrer chez cet enfant et pourquoi autant de scènes de sexe et viols ?
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Quand un enfant est exposé aux horreurs de la guerre et à l'injustice qu'elle lui réserve, comment peut-il y faire face ? En se construisant un royaume intérieur qui le protège des agressions extérieures. Savarouth ne gagne pas son royaume, inspiré de Peter Pan ou de l'Odyssée, pour s'y cacher. Il le compare à la terre ensanglantée qu'il doit fouler. Parfois ces deux mondes s'unissent, parfois ils s'opposent. C'est leur affrontement qui fait la richesse de ce roman. J'ai été émue par l'improbable périple de ce garçon dont la survie tient du miracle. J'ai été intéressée par la manière dont son aventure vient éclairer la folie meurtrière d'une période absurde de l'histoire, symbolique d'un vingtième siècle où toutes les utopies ont accouché d'une barbarie. Guillaume Sire ne juge pas, il expose. La seule description des faits suffit à condamner leurs auteurs. Il ne tombe pas dans le piège de l'ultra documentation (« j'ai bien révisé ») ou d'une appréciation anachronique (« ce n'était pas bien ») qui, aussi louable soit-il, pouvait exaspérer. le rythme est soutenu, le ton est juste, les personnages sonnent vrais. Une réussite, malgré de puissants précédents cinématographiques dans cette partie du monde (ex : Apocalypse Now, La Déchirure). Sauf que ce n'est pas du cinéma. La réalité, au Cambodge, a dépassé la plus improbable des fictions. Guillaume Sire et son personnage en font une fresque vivante et vibrante.
Bilan : 🌹🌹
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Prologue, trois parties et épilogue : Guillaume Sire divise ainsi ce très beau livre qui commence comme un roman et s'achève comme un récit. Saravouth a 11 ans, en 1971, en pleine guerre civile au Cambodge, mais la ville de Phnom Penh n'est pas encore tombée. Cela ne saurait pourtant tarder et Guillaume Sire va nous raconter la suite. On compatit forcément aux horreurs que va vivre Saravouth : la disparition de sa famille, le déni de leur mort (sont-ils morts ? ont-ils « simplement » disparu ?), les blessures, la souffrance morale et physique, les scènes insoutenables, les rencontres providentielles ou dangereuses présentent certes un grand intérêt. Pourtant, d'autres aspects de ce roman m'ont touchée encore plus que les péripéties vécues par le garçon.
***
Grâce à l'amour de leur mère, Phusati, pour la littérature, Saravouth et sa petite soeur, Dara, vont très tôt être en contact avec des mondes imaginaires fabuleux, dans tous les sens du terme : Peter Pan, L'Iliade et L'Odyssée, mais aussi la poésie de René Char. Avant même ses 11 ans, le petit garçon s'est composé un « Royaume intérieur » qu'il visite, modifie, enrichit, transforme à son gré ou selon ses besoins. Il y convie sa petite soeur qui lui suggère parfois d'intéressants aménagements, mais qui ne fait pas du Royaume son refuge. Loin d'avoir bâti un univers infantile, Saravouth a créé un monde puisé dans la littérature occidentale, mais dans lequel se promènent aussi dieux et démons, sorcières et êtres maléfiques, bestiaire magique, etc., sortis de différentes mythologies, religions et superstitions. le garçon s'y réfugie souvent, surtout dans la première partie, pas seulement pour donner un sens à l'horreur, mais à tout le moins pour réussir la supporter : dans les livres aussi, il y a des guerres, des hommes bons sont tués, les dieux sont injustes... Toutefois, en grandissant, Saravouth trouvera le Royaume moins efficace pour se protéger de « L'Empire extérieur ».
***
L'écriture de Guillaume Sire est un enchantement ! Les trouvailles ingénieuses et parfois amusantes qui peuplent le Royaume relèvent de la poésie. Mais l'Empire aussi. On comprend que Guillaume Sire s'est beaucoup documenté, que ce soit sur la cuisine, les superstitions, le déroulement de cette guerre ignoble, et il nous promène au sein de cette riche culture sans jamais être pesamment didactique. Je vous conseille chaleureusement ce magnifique roman, à l'écriture à la fois poétique et réaliste. Mais attendez de l'avoir terminé avant de visionner ce court et bouleversant documentaire : Odysseus'Gambit, https://www.youtube.com/watch?v=3BN-i4rE0aY.
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