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J'étais content de lire à nouveau Joy Sorman, grâce à Lecteurs.com et aux éditions du Seuil que je remercie. J'avais apprécié La peau de l'ours. Là, elle m'a embarqué dans Sciences de la vie, une histoire de corps, de peau, de folie et de tatouage assez extraordinaire.
Au départ, j'ai retrouvé l'histoire contée par Jean Teulé dans Entrez dans la danse, avec Marie Lacaze qui, le 14 juillet 1518, à Strasbourg, fut la première possédée par une folle envie irrépressible de danser.
C'est Esther Moise, la mère de Ninon qui raconte cela à sa fille car elle tient à jour une histoire familiale rappelant la malédiction frappant chaque fille aînée. Ainsi, alors que je vais suivre Ninon Moise entre dix-sept et un peu plus de vingt ans, lui reviennent en mémoire l'histoire de Cécile Quigne, victime de crises inexpliquées dans les années vingt. Puis voici Brune Clamart, toxicomane suite à un mal de dos et plusieurs autres encore. Esther croit bien faire en racontant ces maladies qui duraient quelques années avant de disparaître sans laisser de séquelles la plupart du temps.
Ninon s'attend à quelque chose, appréhende mais quoi ? Ce n'est qu'à dix-sept ans, alors qu'elle est en terminale au Lycée Jules Ferry, à Paris, qu'au matin du dimanche 19 janvier, une fièvre la surprend avec aussitôt une sensation de brûlure sur les bras. Or, aucune trace visible n'apparaît. Elle souffre horriblement. le moindre contact d'un tissu le plus léger devient insupportable.
Alors, commence la ronde des soignants, médecins impuissants, analyses normales. Radios, IRM, scanner ne donnent rien. Ninon cherche sur internet, trouve plus d'un millier de maladies cutanées. C'est une dermatologue qui trouve la dénomination exacte : allodynie tactile dynamique, mais sans trouver de remède. Ninon essaie tous les médicaments possibles, s'isole, dépérit, vieillit prématurément.
Elle consulte tout ce qu'elle peut : dermatologue, neurologue, ostéopathe, acupuncteur, mésothérapeute, kinésithérapeute, gastroentérologue, masseur, hypnotiseur, allergologue, homéopathe… et inquiète sérieusement la Sécurité sociale…
J'avoue avoir souffert avec Ninon au cours de ma lecture. J'ai espéré à chaque fois, un peu comme elle. Une psychiatre semblait sur la bonne voie comme ce chamane puis ce guérisseur exerçant en forêt de Fontainebleau.
Sciences de la vie, titre assez mystérieux, va au bout des solutions médicales pour tenter de soigner un mal inexplicable avant de déboucher enfin sur une issue assez semblable à ce qu'ont vécu, avant Ninon, les filles aînées de sa famille.
Pour réussir à dominer sa peau qui l'a tant fait souffrir, Ninon se lance enfin dans le tatouage, une technique que Joy Sorman semble parfaitement connaître et qu'elle m'a fait partager avec beaucoup de délicatesse et de tact pour conclure un roman complètement original, hors des sentiers battus.

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Si les sciences de la vie évoquent communément la biologie ou la génétique, sous la plume de Joy Sorman on a le sentiment que cette expression recouvre un domaine plus vaste, plus sensible, plus irrationnel. Ce n'est pas que l'auteure soit réfractaire à l'approche purement méthodique dans ce roman, bien au contraire, mais elle veut y mêler une part de merveilleux ou d'ésotérisme en racontant l'univers fragile d'une jeune fille de dix-sept ans, Ninon, qui doit faire face à un mal inconnu du monde médical qui a rétréci son monde, défait sa vie. Un mal étrange, mystérieux, comme l'étaient les maladies rares qui ont frappé les aînées de la lignée depuis cinq siècles et qui ont encombré l'esprit de Ninon enfant. Des maladies dissemblables pour lesquelles la folie n'était jamais très loin.
Il y a donc cette obscure lignée frappée par la malédiction ? le mauvais sort ? un trouble qui se renouvelle à chaque génération ? Face à ces questions et en attendant une éventuelle guérison, on n'accepte pas la fatalité lorsqu'on a dix-sept ans. Ninon brandit la volonté de triompher de la maladie comme elle tente de triompher dans son récit. Elle réorganise son monde mais ne peut échapper au désarroi, à la solitude et à la lassitude.
C'est donc une littérature de l'intime que nous propose Joy Sorman. A côté de la succession des examens cliniques, il y a la maladie qui prend le contrôle de la vie, le fracas intérieur, l'obsession de soi créée par la souffrance et qui rend la conscience plus alerte. L'auteure pratique allègrement l'introspection analytique mais le recul permanent ôte tout charme à l'idée de départ.
Là où est suggéré une histoire médicale habillée par une fable généalogique scrupuleusement entretenue par la mère pour "sublimer" le passé familial, il y a en réalité une fiction de bien peu de poids. Écrasée par une écriture introspective qui, par l'abondance des énumérations et des répétitions, en épuise la substance. Mis à part quelques sauts poétiques à la surface de la prose, la plume de Joy Sorman ne m'a pas séduite, elle m'a même anesthésiée.
Je doute sincèrement que le style soit un camouflage pour déguiser volontairement un texte faiblard. Car il faut reconnaître à l'auteure un certain sens de l'analyse, elle émet des idées intéressantes dans cette histoire d'émancipation et de rapport aux autres qui dépasse le cadre médical. Plusieurs grilles de lecture sont suggérées, exposées, ou marquées au burin. Mais l'architecture de l'ensemble apparaît malheureusement bancale, laissant un sentiment brouillon ou d'inachevé.
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Livre lu dans le cadre des explolecteurs 2017 de lecteurs.com

Je referme ce livre avec regret, un livre doux et velouté comme le grain de la peau, un livre à la couverture soyeuse et aux couleurs éclatantes . C'est un livre qui donne la pêche, un roman solaire plein d'énergie.
Joy Sorman a su me captiver avec ce joli conte autour de Ninon, une jeune fille de 17 ans atteinte par la malédiction qui touche toutes les filles aînées de sa famille depuis le moyen-âge. Cette malédiction prend la forme d'un mal, un gène mutant qui s'attaque aux organes sensoriels du corps comme les yeux, la langue, les oreilles . La grand-mère de Ninon est devenue sourde et muette, sa mère est atteinte de la maladie des yeux éteints, elle ne voit plus aucune couleur et ne supporte plus les lumières . Toutes les deux ont accepté le sort qui pensent-elles inscrit leur famille dans la singularité, une marque divine qui les fait sortir du lot des humains.
Pour Ninon, l'organe touché par le sort, c'est la peau, la peau sensible des bras, elle ressent constamment une brûlure très forte aux bras comme si sa chair était à vif, privée de l'enveloppe protectrice de l'épiderme. La peau directement connectée au cerveau, son tissu comme un parchemin où circulent les veines de sang, les lignes de vie avec ses courbes et ses cavités, ses ridules comme des traces.
Un simple effleurement déclenche chez Ninon une douleur encore plus aiguë, une douleur tenace contre laquelle Ninon, la courageuse Ninon va se rebeller pour que la médecine donne un nom à cette maladie et trouve enfin le traitement adéquat. Toucher lui est interdit.
Elle ne veut plus entendre parler d'hérédité et de transmission, Nino veut guérir.
Mais comment guérir, quand la maladie est invisible, qu'elle ne laisse aucune trace sur la peau, que les radiologies et les examens de sang révèlent un excellent état de santé, que tout est normal.
Courageuse Ninon, qui de cabinets médicaux en hôpitaux en passant par les mains des psychiatres et des médecines parallèles, fait le terrible parcours du patient qui va de déception en déception.
Ninon refuse de capituler, elle continue ses études même si elle se coupe de ses amies, s'enivre de musiques et de dérivatifs pour s'enflammer, tenter de retrouver des sensations dans les autres parties de son corps qu'elle ne sent plus que par ses bras meurtris .
A chaque nouvelle consultation, j'ai observé par les yeux de Ninon le cadre et les objets du cabinet, la décoration intérieure pour trouver de la sérénité et un certain équilibre émotionnel mais aussi évaluer la confiance qu'elle pouvait tendre au praticien.
J'ai aimé la manière réconfortante dont l'écriture de Joy Sorman se pare pour parler de la médecine en employant des mots clairs et simples, explique les plus ardus,et ceci avec tellement de délicatesse que la peur de l'inconnu s'échappe.
Les phrases sont longues mais elles ne sont pas redoutables, elles apaisent.
J'ai été touchée par sa manière bien particulière de parler de la maladie de l'âme et du corps en la tenant à distance par le conte, les histoires de sorcellerie et de grimoire racontées à une petite fille le soir au coin du feu.
Je me suis revigorée auprès de sa citation que je trouve très belle et très vraie tirée du livre de nouvelles de Francis Scott Fitzgerald, la fêlure : « Toute vie est bien entendu un processus de démolition ».
Je suis sensible à l'écriture fine, tendre et profondément humaine de Joy Sorman pour parler de la peau, du moi-peau et de tous ses sens cognitifs, qui révèle notre âme comme un miroir, perforée de nos tourments intérieurs et endurcie à nos expériences existentielles.
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Notre corps. Nous faisons corps. Corps avec les autres. Ces autres qui nous forment, nous formalisent, nous normalisent, nous socialisent. Douleurs opérantes, visibles ou invisibles.
Douleurs généalogiques..douleurs génétiques ; Existe il une génétique des malédictions ?
Quel passé traverse nos cellules ? Empreinte ? Manipulation ? Destin inoculé ? Histoires psalmodiées ? Que transmettons ? Que reproduisons nous ? Quelle mémoire s'imprime en nous ?
Comment rompre le cercle infernal de la reproduction des inerties corporels ? Corps individuel, corps familial, corps sociétal. Quelle défense, quelle stratégie, quelle armure devons faire nôtre pour combattre certaines folies auto-immunes ? Pour vivre tout simplement. Et si c'était tout simplement être en à-corps avec soi même.
Très bon roman de Joy Sorman qui nous interroge quant à l'inertie de nos traumatismes et à leur reproduction.
Astrid Shriqui Garain
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La douleur n'est pas une fatalité.
Mais pour cela, il faut trahir un destin générationnel.
Si le roman de Joy Sorman s'appuie sur ce récit familial, celui-ci est plutôt secondaire.
Et l'intérêt pour moi dans ce roman est de vivre avec la souffrance. Que devient le quotidien avec une douleur insupportable ?
L'autrice relate le cheminement psychologique de Ninon, dans sa volonté à refuser la maladie et à survivre aux échecs cumulés. Ce travail sur soi est saisissant.
L'autrice décrit aussi le parcours de soin, ou plutôt le parcours du combattant. Joy Sorman délivre avec humour toutes les suffisances des professionnels du médical et paramédical. Généralistes, spécialistes, psys, thérapeutes en médecine douce, chamanisme… le tableau est complet et malheureusement réaliste.
Après la lecture de l'étonnant « Boys, Boys, Boys » et pour mon plus grand plaisir, Joy Sorman me surprend à nouveau par ce roman atypique.
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Sciences de la vie nous raconte l'histoire de Ninon, 17 ans, atteinte d'une maladie rare comme toutes les filles aînées de sa longue lignée. Esther, sa mère lui raconte toutes ces maladies et leurs symptômes chaque soir au lieu de lui lire des histoires. J'ai suivi avec intérêt les maladies décrites avec beaucoup de poésie mais j'ai constaté cependant quelques longueurs. le parcours du combattant de l'adolescente est décrit avec beaucoup de réalisme qui ne sera pas sans rappeler à certains lecteurs les lourdeurs de la médecine classique lors d'un cas rare… Mon avis sur ce livre est donc mitigé. le début est prenant puis, comme l'héroine face aux réactions des médecins, je fus prise d' une certaine lassitude. le sujet est original et intéressant, l'écriture agréable. L'auteur Joy Sorman a mis de la poésie dans un sujet grave.
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Un jour, y'a 3 ans, Joy m'a raconté une histoire sur un ours et sa peau et ça m'avait tellement renversé que je m'étais dit que j'allais lire tous ses livres dans la vie.

Bon. Tu vois, j'ai pas trop tenu mes promesses 😕

Mais c'est parce que je suis souvent emporté par mille livres à la fois aussi ! et aussi parce que tu vois y'a...

... KANTOUTAKOU ! j'ai appris qu'elle en sortirait un nouveau à la rentrée alors dès que j'ai pu l'avoir je me suis précipité dessus. Pour m'excuser. Aussitôt eu, aussitôt lu mon vieux.

J'aime bien Joy parce qu'elle complète des tableaux littéraires de ses soeurs de mots, tu penses à Carole Martinez, tu penses à Valentine Goby ou encore à Chloé Delaume et puis certainement à plein d'autres meufs trop biens qui s'écoutent pas écrire, que j'ai jamais lu parce que j'ai commencé à lire un peu tard et tout.

Enfin bref, tu penses à toutes ces nanas qui écrivent sur l'importance du corps parce que ça semble plus intéressant dans la vie que des romans écrits par des garçons français qui essayent de justifier et de rendre intéressant le fait de pouvoir se taper une nana qui a 20 ans de moins et d'essayer d'y trouver une vertu artistique là dedans. Nique.

T'auras compris que je préfère quand même les histoires que racontent Joy & co. Et quand je vois la gueule de ma bibliothèque je me dis que décidément ça fait longtemps qu'un auteur masculin français a réussi à remplir un bout d'étagère. (Claro bouge toi le cul !)

Anyways. Je crois que les super héros Marvel inspirent plus qu'on pourrait le croire. Je crois que les mutants, les freaks, qu'on pouvait trouver dans les fêtes foraines continuent de fasciner, et Joy de manière perverse, continue d'alimenter nos fantasmes sur tout ce qui nous sort de notre quotdien, avide d'histoires de parias malgré eux.

Elle raconte Ninon, qui comme une sorcière, hérite des pouvoirs des femmes de son arbre généalogique. Tu comprendras vite qu'on remplacera "pouvoirs" par le mot "maladie héréditaire", que ça peut vite devenir anxiogène pour les lecteurs autant que pour Ninon et que t'as pas intérêt à souffrir d'hypocondrie si tu veux te lancer dans ce roman là.

Ninon, a l'instar de sa mère qui voit le monde en noir et blanc, ressent des brûlures sur les bras sans que ça laisse de traces, sans que ce soit psychologique. C'est un dysfonctionnement de la peau. Point.

Et c'est fou ce que la perception qu'on a de la peau évolue quand tu lis l'histoire de Ninon. Parce qu'en vrai ta peau tu t'en balances dans ta vie de tous les jours, elle t'accompagne mais t'en as un peu rien à foutre qu'elle soit le réceptacle de bien des messages, et c'est normal parce que pour la plupart notre peau "va bien".

J'ai les tripes qui se sont serrées moi tu vois et y'a des fois où je sentais la sueur couler le long de ma colonne vertébrale à force de trop d'empathie, à force de réfléchir à tout un tas de trucs quand je lisais.

Parce que mine de rien même si tu cherches à l'enfouir tu sais très bien ce que ça fait de se dissocier de son corps et à quel point ça te fait complètement perdre les pédales, de pas avoir le contrôle de tout sur toi quand ton corps le décide.

Sciences de la vie est une réponse à tout ça, à la volonté de prendre le dessus sur ce réceptacle dans lequel on n'a pas choisi de naître, qui peut être notre meilleur copain comme notre pire ennemi. Un peu comme l'ambiguité entre le Joker et Batman parce que l'un existerait pas sans l'autre, en tout cas au niveau de la folie.

Ben là pareil.

Pow, c'te claque dans la tronche.

Vendu !
(et merci pour la tambouille dans le bide ma vieille)

Lien : https://www.instagram.com/lo..
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Joy Sorman a cette particularité de choisir un sujet, à priori peu romanesque, et de le triturer jusqu'à la moelle. Dans une langue riche, précise, technique, elle en épuise toutes les facettes.
Ninon Moïse fait partie d'une famille soumise à une malédiction depuis 1518. Toutes les filles aînées de cette famille ont une pathologie rare qui survient sans prévenir.

Par exemple, Esther, sa mère, ne voit pas les couleurs. Chaque soir, elle contait à sa fille, l'histoire maléfique et étonnante d'une de ses ancêtres, récits plutôt drôles qui vont ponctuer pour un réel plaisir de lecture le récit personnel de Ninon.
« On ne se rebelle pas contre le mauvais sort, on courbe l'échine. »
Suggestion ou réelle malédiction, Ninon n'échappe pas à son destin. A dix-sept ans, du jour au lendemain, elle est atteinte de douleurs insupportables sur les deux bras, du poignet à l'épaule lors de contact sur sa peau.
Hyperesthésie cutanée ou allodynie tactile dynamique. Mettre un nom sur une douleur, c'est déjà grand pas, une reconnaissance de maladie, un espoir de guérison.
Mais Ninon, tel Gregor Samsa dans La métamorphose de Kafka, vit un cauchemar. Elle consulte tous les médecins, spécialistes, psychiatres en vain. Se repliant ensuite vers les médecines parallèles puis les chamanes.

« Ninon fait le bilan de ces mois de consultations, elle en retient un sentiment d'injustice, ou plus prosaïquement de vexation – la douleur l'a rendue orgueilleuse, ajoutant à la susceptibilité de son jeune âge-, la désagréable impression que pour les médecins son mal n'est qu'un symptôme agaçant, à l'expression outrée, sans aura ni prestige, qu'elle est une emmerdeuse qui ne veut rentrer dans aucune case des manuels de médecine, un boulet, la mauvaise nouvelle qu'on voit arriver de loin, que ce qu'elle considère comme sa maladie, une maladie vraie, est traité comme un fait clinique mineur, un simple dérèglement de sa subjectivité, quand les médecins devraient plutôt la remercier d'incarner cette splendide énigme livrée sur un plateau, un prodige de la nature, car quoi de plus passionnant qu'un malade dans lequel la maladie prend bizarrement forme, se module sous des traits singuliers, se nuance et s'intensifie de zones d'ombre et de lumière, de teintes variées, quoi de plus stimulant que des individus imprévisibles, des cas particuliers qui débordent les lois et les catégories de la science. »

Joy Sorman décrit avec justesse l'état d'esprit de ces personnes atteintes de maladies rares, véritables énigmes pour la science. Et parfaitement aussi, cette douleur avec laquelle il faut vivre en permanence. Cette douleur qui devient une part entière de l'être, à tel point que lorsqu'elle disparaît, on se trouve content mais dépossédé, orphelin.

Avec cette phrase de Fitzgerald « Toute vie est bien entendu un processus de démolition », Joy Sorman, en écrivaine décalée et philosophe, construit un récit très personnel entre fiction et réflexion sur l'intellectualisation d'un mal physique. de la suggestion possible par le biais d'histoires de famille, de la compréhension du mal, de sa tentative de maîtrise de la douleur, de l'espoir de guérison, de la résignation à vivre avec cette particularité jusqu'à la reprise de possession du corps.

Personnellement, le sujet ne m'a pas vraiment intéressée et la course aux remèdes est parfois lassante. J'ai pu lire des témoignages plus solennels sur la confrontation de malades aux spécialistes impuissants et aux charlatans prometteurs. Dans sa ligne intellectuelle, Joy Sorman en fait un récit plutôt ironique mais surtout une approche originale de raisonnement d'une malade qui refuse le déterminisme d'une malédiction familiale et lutte pour retrouver l'ascendant sur son corps.
Lien : https://surlaroutedejostein...
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C'est l'histoire d'une malédiction qui frappe les femmes d'une famille depuis des générations de maux mystérieux et invalidants, une sorte de fatalité. Ninon est la toute dernière de cette lignée, sa vie insouciante aux côtés de sa mère qui l'élève seule est rythmée par les récits des maux qui ont frappé ses ascendantes, toutes des filles aînées. Jusqu'au jour où Ninon se réveille un matin, affligée à son tour par un mal mystérieux qui lui brûle la peau des bras. le diagnostic est vite posé : elle est atteinte d'allodynie tactile, elle ne supporte aucun effleurement, aucun vêtement sur ses bras ni même le contact brûlant des draps de son lit ; sa vie devient un cauchemar.
Ninon décide alors qu'il n'y a pas de fatalité et que la science peut l'aider, elle cherche, consulte, tente, s'accroche pour trouver une solution. Ninon va alors consulter, explorer, se livrer à des examens ; elle se décourage souvent, renonce provisoirement puis reprend son bâton de pèlerin dans les hôpitaux, les cabinets médicaux, les laboratoires et persiste. Il doit bien y avoir un traitement ! Inévitablement, elle se coupe de ses amis, ne va plus en cours, s'éloigne de sa mère. Elle maigrit, devient irascible, et pourtant elle est opiniâtre, déterminée, exclusivement consacrée à son objectif de guérison.
Ninon consulte d'éminents spécialistes, à l'autorité incontestable, bienveillants ou distants, aux diagnostics parfois contradictoires. Au final, les traitements s'avèrent impuissants, une dermatologue en perd son assurance, décontenancée par le mal invisible de Ninon. Si la science ne lui apporte pas de réponse, qu'importe, elle se tourne vers des praticiens plus ou moins éclairés, aux traitements inattendus, fantaisistes (l'un d'entre eux va même lui proposer de lui greffer une peau de cochon !). Hélas, les acupuncteurs, chiropracteurs, chamanes… sont impuissants.
Bon nombre de pages sont cocasses, je me suis interrogée, l'auteure s'inspire-t-elle de témoignages ? A-t-elle assisté à des consultations aussi rocambolesques ? Que le lecteur hypocondriaque se rassure, le récit n'est jamais anxiogène, le mal dont souffre Ninon n'est pas mortel. Cet état des lieux des pratiques médicales est ahurissant, drôle, jubilatoire et sidérant. L'épisode du chamane en forêt de Rambouillet m'a laissée dubitative, je l'ai lu deux fois, littéralement scotchée !
L'écriture est fluide, un récit sans dialogue qui marque la détermination solitaire de Ninon. Les quelques explications scientifiques et les exposés, sur la peau notamment, donnent l'impression de relire un livre de sciences naturelles pour écoliers, mais se digèrent bien et évitent une expédition sur Wikipédia. Les recherches de Ninon sont entrecoupées d'épisodes et de récits des maux qui ont frappé ses ancêtres, transmis par sa mère, sorte de contes où les sorcières d'antan font des apparitions, folles dansantes, jumelles secouées de tics liés au syndrome de la Tourette, grand-mère frappée par surdité et cécité.
Ninon échappera-t-elle à son hérédité, aux gènes transmis au fil des générations ? En tout cas, elle trouvera des réponses pour se soustraire à son arbre généalogique, aux forces maléfiques de l'hérédité. Je n'en dévoile pas davantage sur ce joli récit au thème inattendu, documenté, drôle qui interroge sur la transmission, la part d'hérédité dont chacun hérite et transmet à son tour.
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Beaucoup d'originalité dans ce roman atypique, mélange de médecine, de sorcellerie, de chamanisme, de malédiction, le tout pour guérir (ou pas) l'héroïne d'une douleur mystérieuse enveloppant ses bras du jour au lendemain sans laisser la moindre trace. La personnalité de Ninon devient très vite attachante car elle ne recherche pas de compassion, mais une guérison à tout prix. Même si cela paraît un peu long par moments, ce n'est rien pour le lecteur qui doit ressentir l'attente incertaine de la jeune fille d'une hypothétique guérison. le passage avec le chaman de la forêt m'a particulièrement séduit. Pas de sexe avant les toutes dernières pages, mais il fallait bien que deux peaux s'imbriquent pour clore en apothéose cette histoire hors du commun.
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