Très honnêtement, si l'auteure n'était pas été l'invitée de la seule et unique librairie de ma ville (eh oui, pauvre de moi !) et surtout, si elle ne l'était pas également pour le prochain club-lecture auquel j'appartiens pour le mois d'octobre, je crois que je n'aurais probablement jamais ouvert l'un de ses livres.
L'histoire est assez loufoque puisqu'il s'agit de l'accouplement d'un ours avec une jeune femme qu'il a retenue captive pendant des mois dans sa grotte et de cet union contre nature naquit un enfant. Mi-homme-mi-bête, n'ayant pas de place dans la société des hommes, celui-ci sera traité en curiosité, embarqué par un montreur d'ours puis dans un cirque, traversant les océans et j'en passe...
Tirant parfois plus d'un documentaire animalier ou d'un comte plus que d'un roman, j'avoue ne pas avoir particulièrement été convaincue par cette lecture. de très belles phrases sur les sentiments que ressent cet homme enfermé dans une carapace qui n'est pas la sienne, des douleurs, des souffrances et trop rarement des joies...voilà de quoi nous faire méditer sur ce que peuvent ressentir tous les animaux que nous parquons dans des zoos ! A découvrir, pour les plus curieux !
Le livre de Joy Sorman nous permet de faire un petit séjour dans la peau d'un ours. Ours particulier puisqu'il s'agit de la progéniture issue d'une relation entre un ours et une femme. Nous allons alors avoir pendant un peu plus de 150 pages le regard, le ressenti de ce mi-ours, mi-humain. Cette vie par procuration va donner une image peu reluisante sur la façon dont l'homme se conduit avec les animaux. L'homme ne va pas sortir grandi de ce roman...
L'écriture est agréable mais le sujet traité aurait peut-être mérité une analyse plus approfondie.
Après avoir dévoré son précédent roman « Comme une bête », je n'ai pas hésité une seconde à me ruer sur son dernier, « La peau de l'ours ». Et j'ai eu raison !
Joy Sorman nous parle encore d'animaux, mais cette fois-ci, des ours. Son histoire prend la forme d'un conte - avec prologue et épilogue – intemporel puisqu'on ne sait rien du lieu ni de l'époque. Elle nous raconte la relation qu'entretient l'ours avec l'homme, cette cohabitation à distance, l'animal ne devant pas s'approcher du village. Pourtant, l'ours fascine l'homme – ou plutôt la femme, qui voit en cette grosse bête poilue un objet de désir, comme le dit clairement l'auteur dans le roman : « le contrat interdisant aux ours de s'approcher des enfants avait été étendu aux jeunes filles, leur attirance réciproque, depuis longtemps suspectée et redoutée par les hommes, mettant en péril la survie de la communauté, le maintien de l'ordre et la bonne moralité des femmes, dont il ne faut pas exciter le désir. »
Cette ambiguïté du désir d'un être humain pour un ours va prendre corps au début du récit. Une jeune fille est capturée par un ours, qui la retiendra prisonnière et la violera régulièrement – on note ici que celle-ci n'est pas consentante, donc réfute la théorie de l'attirance mutuelle, à moins qu'entre fantasme et réalité, il n'y ai plus d'un pas à franchir… de cette union physique naîtra un être, mi-homme mi-ours, qui sera vite vendu à un montreur d'ours, personne au village ne souhaitant garder cet hybride qui fait peur, qui rend réel l'union homme/bête.
C'est ce pauvre personnage – qui d'ailleurs n'a pas de nom dans le roman - qui sera narrateur. On suit son parcours, sa vie au gré de ses maîtres à qui il sera vendu successivement. Après une enfance dont le physique laisse entrevoir l'humanité dans ses traits, l'âge adulte le transformera définitivement en ours, gros, poilu, poussant des grognements. Mais malgré tout, dans ce qu'il raconte au lecteur, son humanité persiste. Il est doté de sentiments, presque de parole – car il nous raconte tout de même sa vie – et il réalise parfaitement ce qu'on lui fait faire, ce qu'il subit. C'est là tout l'attachement que le lecteur éprouve peu à peu pour ce narrateur, acteur passif face à des hommes qui le traitent comme une bête, alors que les femmes elles, ne le fuient pas, elles se font compagne de cet ours, se lovent dans sa fourrure pour se réchauffer, lui parlent.
On ne peut être que touché par ce récit, on s'interroge sans cesse sur le frontière floue entre bestialité et humanité – le narrateur après tout, marche, danse, fait du patin à roulette ; mais il dort dans une cage, est tenu en laisse.
Se dégage une sorte de mélancolie tout au long du roman, de ce pauvre ours qui s'en est remis à son propre sort, qui ne lutte pas – où irait-il lui qui n'a jamais vraiment vécu comme ours « sauvage » ? – qui est seul au bout du compte, unique en son genre.
Un beau récit donc, étrange de par la narration d'une bête, mais qui en dit long aussi sur les hommes, leur réaction face aux animaux, et alors on est, nous lecteurs, de l'autre côté de la barrière, on s'identifie aux animaux.
De plus, Joy Sorman à la fois nous montre qu'elle s'est documentée sur le sujet, la symbolique de l'ours depuis le moyen âge, roi des animaux avant le lion, et en même temps invente cette histoire d'être hybride, triste mais qui ne perturbe pas la réception du récit.
Pour aller plus loin et découvrir le destin de l'ours, je vous invite à lire « Ours : histoire d'un roi déchu » de Michel Pastoureau publié au Seuil en 2007.
Joy Sorman c'est une voix singuliére des lettres françaises . Adeptes du conformisme ce roman n'est pas pour vous . Son histoire est a mi chemin du conte , du questionnement sur la différence que le regard de l'autre fait ressentir pour peu que l'on ne rentre pas dans les cadres imposés . Certes l'expérience peut surprendre , et c'est normal , l'on est pas ici en terrain connu , balisé . Au contraire l'auteur s'aventure dans un univers un peu lynchien , ou l'ombre du Freaks de Browning plane . Oui pour les lecteurs habitués aux histoires classiques , ce récit apparait comme absurde et sans intéret . Il faut avoir un peu de curiosité pour aller chercher ce roman , ce n'est pas un livre de supermarché , c'est une histoire étrange et belle , qui confirme le grand talent de cette romanciére qui peu à peu fait son trou dans le paysage littéraire français , et cela fait un bien fou . Un livre qui mérite de par sa singularité d'étre découvert par le plus grand nombre !
C'est un roman très atypique. Son prologue augure un conte fantastique et son déroulement évolue vers une autobiographie aventureuse presque réaliste, prenante et mélancolique, d'un être né d'une femme et d'un ours et soumis aux contraintes mercantiles de l'espèce humaine. Combattant dans l'arène puis bête de cirque, l'ursidé raconte sa vie malheureuse qui le ballottera même sur les océans. Après un superbe envol poétique dans les derniers chapitres, la légende s'éteint dans un épilogue laconique, un peu abrupt, où sont récapitulées les opérations prosaïques qui cèlent le sort ultime des animaux de zoo. le trivial rattrape le prodige auquel on a su croire, mais les monstres n'ont pas toujours droit aux contes merveilleux...
Qui lira ce livre ne parcourra sans doute plus d'un oeil réjoui les parcs animaliers, car donner parole et conscience à l'ours fait de lui le témoin idéal au tribunal des torts faits aux êtres dits inférieurs.
Le bon ours de Joy Sorman a des désirs et des émotions humains et, voilà le drame, il est entouré dans un cirque par des femmes qui l'ont adopté, ainsi la saisissante Madame Yucca, une géante à sa taille : "Madame Yucca désirait peut-être cette union, mais humain trop humain j'ai réprimé avec obstination mon désir mon instinct, refluant, renonçant — tous les élans de mon corps désormais circonscrits aux seuls numéros de cirque —, colonisé par les souvenirs d'une violence que je ne voulais ni lui transmettre ni lui infliger. La serrant contre moi dans l'obscurité embaumée et chaude de ma cage, je me suis vu homme entravé et animal empêché, bestialité perdue et évidence disparue, je me suis vu éloigné de ma vie, homme invisible et bête incertaine, je me suis vu bander en vain." Une transcendante et émouvante rencontre qui survient à la fin du récit portera à son paroxysme l'ambiguïté de l'être hybride, exploration inquiétante de la frontière entre humanité et bestialité.
Certains ont un avis réservé sur ce roman, dont Emmanuelle Caminade qui le trouve inabouti, avis qu'elle justifie d'ailleurs bien et qu'on peut comprendre, dans la mesure où l'auteure aurait pu aller plus loin avec ce thème magnifique, qui lui a été inspiré par L'histoire d'un roi déchu de Michel Pastoureau. Je me demande si certains n'ont pas été surpris, voire déçu, de ne pas rencontrer les aventures hors du commun que présageait le fruit légendaire de l'accouplement de la plus belle fille du village avec un ours prédateur sexuel, qui la retient captive dans une tanière à flanc de montagne. La destinée du monstre né de ce couple hors nature est finalement presque dérisoire et triste, même si le chemin qui l'y mène est quelquefois houleux. Toutefois, qu'il le raconte dans un livre m'a paru extraordinaire, et cela, soulignons-le d'abord, grâce à l'écriture somptueuse d'une vraie écrivaine, déjà remarquée avec Comme une bête, car combien d'indulgences ne concédera-t-on pas à un scénario pour se l'entendre raconter avec une si belle musique, une si éloquente parole, à côté de tant de misérable bafouille ?
Et si le pacte fabuleux conclu avec Joy Sorman, celui d'accepter de croire que la peau de l'ours recèle un esprit humain, si ce pacte persistait... Comment recevoir, désormais, la prunelle de l'ours qui nous observe de la fosse ?
![]() | Bibliobs 03 novembre 2017
C'est une allégorie, mais on ne sait pas exactement de quoi. Tant mieux, chacun est libre d'établir son diagnostic.
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![]() | LaPresse 03 décembre 2014
C'est en lisant ce sixième roman de la Française Joy Sorman que cela, soudain, nous frappe: Sorman n'est pas une romancière, mais bien une fabuliste, et une exceptionnelle fabuliste, qui plus est.
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![]() | Bibliobs 26 novembre 2014
Pourquoi ne pas tout envoyer valser ? Il en aurait la force, lui qui pourrait liquider n’importe qui «d’un coup de mâchoire fatal». Mais il cède «pour avoir la paix», se résigne sans toujours savoir pourquoi. «La lassitude a vitrifié chaque recoin de mon cœur», pleure-t-il. Il est au fond comme tous les animaux domestiqués, vous et moi compris.
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![]() | Culturebox 08 octobre 2014
"La peau de l'ours" est un objet littéraire hybride, un conte fantastique, philosophique et un documentaire, qui suscite donc à la fois curiosité, fascination et grand plaisir.
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![]() | Liberation 01 septembre 2014
Hommes, femmes, bêtes, la Peau de l’ours est un livre sur les frontières de l’humain, en deçà desquelles vit le narrateur car «la bête est son propre pays». Sur la mort aussi, comme douceur limite, autre possible aimable [...].
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![]() | Telerama 27 août 2014
La romancière pousse [...] plus loin l'union de l'homme et de l'animal, gommant les frontières et creusant l'éternelle question de l'humanité et de la bestialité. Pour filer la métaphore en toute liberté, sa fiction devient fable, avec prologue, métamorphose et légendes. Le résultat est exaltant et mélancolique, réaliste et fantastique.
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![]() | Lexpress 25 août 2014
Cette cruelle histoire interroge ce qui, sans que nous voulions l'admettre, nous attire et nous aimante : la monstruosité. De quel côté de la barrière se situe-t-elle ? Joy Sorman pose des questions, s'abstient de toute morale et nous offre, par conséquent, un grand livre. Subtil. Fin. Lire la critique sur le site : Lexpress |
Françoise Sagan : "Le miroir ***"