Jude Stéfan
EAN : 9782070284009
128 pages
Gallimard
(01/02/1979)
4.33/5
3 notes
Aux chiens du soir
Résumé :
Les poèmes de Jude Stéfan ressemblent à une parole à demi consciente, hachée de brefs sursauts, de réveils. Ils sont semblables ainsi à celui qui va plonger dans le sommeil. On goûte leur subtilité, leur suavité funèbre, leur odeur de rose et de mort, de désolation, de beauté, d'intense amertume. C'est dans le présent recueil que l'on trouvera les plus beaux poèmes d'amour de l'auteur de Cyprès, de Libères, d'Idylles, de Cippes.
le liseur de draps
ma fée de prose printemps, dormir sur
les jardins d'abois de tourterelles
les cris d'enfant ancien les sourdes pelles
Hannibal étendu sur la dure
au loin des vagues qui se prosternent au pied
des falaises
en vain depuis les siècles qu'on est mort
et qu'on rêve à ceux qui nous quittent
(ta raie comme un chemin patient entre les herbes
cette année nous commencerons par les nuages)
heureux de t'avoir vécue souriant
sur la tombe du temps aux aubépines
de mai, marronniers roses,
calvaires définitifs
dans ton ample sommeil plus belle que les autres
à mordre mon drap
LA BRIQUE
aussi bien serais-je cette brique
depuis trois jours plate ébréchée
rouillée sonore rugueuse compacte
et rouge sur la fenêtre brun-rouge
comme un lourd oiseau posée pétrie
moulée argile séchée cuite au four
de taches noires piquetées désolée
en cicatrices et moellons que je
veux absorber des yeux engloutir
au mieux nommer Brique à méditer
à pousser par jeu jadis de marelle
en tous temps dont on fortifie les
maisons qui durent contre vents
marées grêles oublis pioches crachats
la brique indestructible d'un scribe babylonien
L'HOMME D'OMBRE
des chiens du soir aux absences du matin
à jamais passagers déjà
mariage dans les feuilles mortes d'une robe
elle est le jour où me noyer
fatiguées de la lumière
mes passions, mes distractions
grand comme un ange qui se nomme légion
le temps passe et nous brûle en cri
sous les douces étoiles d'homme flottant
sous un instant de pluie battante ils
ajustaient leur mouchoir de cou dans
le mauve des feuilles et l'or des encres
le plus beau jour de la vie n'est jamais
venu
LIBERA
laissez le libertin creuser sa tombe
de sa pelle de plaisir fouillant parmi
fleurs agapes et les mille belles
laissez-le rire de vos pleurs il a
séché les siennes et sa fin n'est pas
là-bas trou d'ombre mais ce vin ces fards
ces effluves même sa tombe c'est
son évidence de rires et dents jeunes
en lui sa mort comble son âme vide
squelette mettant à l'œuvre la chair
La brique
aussi bien serais-je cette brique
depuis trois jours plate ébréchée
rouillée sonore rugueuse compacte
et lourde sur la fenêtre brun-rouge
comme un lourd oiseau posée pétrie
moulée argile séchée cuite au four
de taches noires piquetée désolée
de cicatrices et moellons que je
veux absorber des yeux engloutir
au mieux nommer Brique à méditer
à pousser par jeu jadis de marelle
en tous temps dont on fortifie les
maisons qui durent contre vents
marées grêles oublis pioches crachats
le brique indestructible d'un scribe babyloniens
Jude STÉFAN – Le bon plaisir d’Orbec (France Culture, 1999)
L’émission de radio « Le bon plaisir », par Jacques Munier, diffusée le 3 juillet 1999 sur France Culture. Invités : Jacques Réda, Michel Chaillou, Alina Reyes et Michel Sicard.