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sur 1299 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quand la frontière est mince entre la vie et la mort, et que parfois les mots peuvent sauver ou faire périr...

Dans ce pays à la rigueur infernale ; l'Islande ; mais aussi à la lumière qui laisse entrevoir l'espoir, «le gamin» cherche un sens à la vie. Il n'est pas fait pour être marin, il est fait pour la beauté des mots, la magie de la poésie. Il est envoûté par le pouvoir des vers, qui lui font découvrir un ailleurs, une possibilité, autre chose que le labeur et la douleur. La vie est rude pour le gamin. Son chemin le mènera vers un abri, un foyer, où d'autres comme lui connaissent les ténèbres de l'existence. le gamin est hésitant, il se sent souvent idiot, maladroit. Et pourtant il recèle un trésor, une grande sensibilité que certains sauront découvrir en lui.

C'est une lecture magique qui nous parle de douleur et d'amitié, de lumière et de ténèbres, de gens qui oscillent entre la vie et la mort. Une très belle découverte.
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S'en vient le soir
Qui pose sa capuche
Emplie l'ombre
Sur toute chose
Tombe le silence
Déjà se lovent
La bête sur son lit d'humus
L'oiseau dans son nid
Pour le repos nocturne

« Il est mort de froid parce qu'il a lu un poème ».

Précisément ce poème de Milton, poète anglais aveugle, au début du XIXè siècle. Nous pourrions résumer ainsi ce livre magnifique, ce livre des entre deux. Entre ciel et terre, entre vie et mort, entre montagne et mer, entre sommeil et réalité, l'Islande, île rude, sauvage, cruelle, présentée et honorée dans toute sa rigueur, dans toute son âpreté, dans toute sa beauté glaciale, dans ce majestueux livre poétique et ensorcelant. L'Islande, enneigée, iodée, battue par les vents, battue par les flots, blanche de neige et d'écume, noire de roches acérées, enfin devenue verte en avril, avril empli de clarté, de chants d'oiseaux et d'impatience. Quelques semaines lumineuses enveloppées par des mois de ténèbres.

Entre ciel et terre, il y a la lune. Cette lune que les amoureux, depuis la nuit des temps, malgré les montagnes et les immensités qui les séparent, regardent à la même heure afin que leurs yeux se rencontrent sur l'astre nocturne en même temps. « Voilà pourquoi la lune a été placée dans le ciel ». Entre ciel et terre, il y a aussi l'horizon parfois devenu invisible lorsque les tempêtes font rage et que le ciel embrasse la terre d'un baiser meurtrier.
Entre vie et mort, il y a l'enfer, « l'enfer d'être mort et de prendre conscience que vous n'avez pas accordé assez d'attention à la vie à l'époque où vous en aviez la possibilité ». Il y a aussi la peur mêlée à la curiosité apeurée, celle d'obtenir enfin les réponses à toutes nos questions.
Entre montagne et mer il y a les immensités, la campagne herbeuse et ample où se nichent quelques fermes, et même, du seuil de certaines d'entre elles on n'aperçoit pas la mer, chose rare sur cette île. Il y a les vallées desquelles on ne voit que des fragments du ciel. Ceux qui vivent là ont pour horizon les montagnes et les rêves. Entre montagne et mer, il y a tout simplement la vie des islandais « D'un côté, la mer, de l'autre, des montagnes vertigineuses comme le ciel : voilà toute notre histoire ».
Entre sommeil et veille enfin il y a les rêves et le répit car « ceux qui vivent au pied de montagnes aux pentes vertigineuses et aussi près du bout du monde sont experts dans la science des rêves », ils maintiennent la réalité à distance aussi loin qu'ils le peuvent avant de retrouver la réalité qui est la leur.
Cet entre deux est un geyser de poésie, une poésie de troll et d'elfes, une poésie de fin du monde qui bouillonne et s'infiltre dans chaque page, dans chaque âme, dans chaque pensée.

Nous suivons les déambulations désespérées et les réflexions d'un très jeune homme de vingt ans, sans prénom, juste dénommé « le gamin » qui vient de perdre son meilleur ami, après avoir perdu sa mère et sa petite soeur. Il fuit désormais le métier de marin, amère expérience empreinte de deuil, uniquement habité par la beauté des mots et de la poésie. Il atterrira dans la maison et buvette de la mystérieuse Ragnheiður, où d'autres comme lui, notamment un vieux capitaine devenu aveugle et féru de littérature et de poésie, Kolbeinn, un autre loup de mer alcoolique, Brynjolfur, sont marqués par les difficultés de l'existence. Entre deux lectures, et en attendant d'avoir le courage de se tuer pour rejoindre tous les êtres qui lui sont chers, il s'occupe à servir la bière, le café. Malgré ses maladresses, sa sensibilité pure saura toucher son entourage.

Au-delà des conditions de vie très dures des pêcheurs islandais, au-delà de celles, particulières, confinées, de ceux qui restent sur la terre ferme, ce livre est une réflexion puissante et poétique sur la mort, sur l'importance de la poésie, sur ces mots qui peuvent sauver ou faire mourir : « Certains poèmes nous conduisent en des lieux que nuls mots n'atteignent, nulle pensée, ils vous guident jusqu'à l'essence même, la vie s'immobilise l'espace d'un instant et devient belle, limpide de regrets ou de bonheur. Il est des poèmes qui changent votre journée, votre nuit, votre vie. Il en est qui vous mènent à l'oubli, vous oubliez votre tristesse, votre désespoir, votre vareuse, le froid s'approche de vous : touché ! dit-il et vous voilà mort ».
« Entre ciel et terre » parle également avec génie du temps qui passe, du temps relatif, subjectif, celui qui passe différemment en notre for intérieur que celui affiché par la pendule : « Combien d'années peuvent tenir en un jour, en l'espace de vingt-quatre heures ? C'est un homme d'âge mûr et non plus un gamin de vingt ans qui pousse la porte d'entrée de la buvette de Geirþrúður, deux jours bien comptés après l'avoir franchie pour la première fois, en compagnie de son ami Bárður ».

Dès le début j'ai été happée par la musicalité de l'écriture de Jon Kalman Stefansson, qui fleure bon la lande sauvage fouettée par l'iode et les vents, qui sent fort l'odeur âcre de ces hommes rustres aux noms vikings et à la barbe sauvage constitutive de leur personnalité. Qui met en lumière ce « gamin » sensible, timide, peu confiant en lui mais si touchant au milieu de ces éléments naturels et humains où la vie est une lutte perpétuelle pour maintenir le froid et la rudesse à distance. Il est des livres dont on ressort émue et marquée. C'est le cas pour moi avec « Entre terre et ciel », premier tome de la trilogie qui a rendu célèbre l'auteur. Tellement heureuse de retrouver cette terre de légendes et ce « gamin » lunaire dans les deux autres tomes !
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… la mer sommeille, la montagne somnole et le silence règne dans le ciel…

L'Islande. Dès les premières mesures de ce roman, je m'y suis trouvé. Installé même. le froid, l'iode. La mer qui me fouette le visage. le roulis de ce vieux bateau de pêche. Pêche à la morue. Et ce silence. Un silence lourd qui m'envahit. Un silence qui fait partie de moi. J'ai envie d'y aller, « Entre Ciel et Terre » pour ressentir ces émotions, ce parfum, cette poésie de la mer et des landes. Et puis le vent, la pluie glaciale, le blizzard. J'ai oublié ma vareuse. Fuck le blizzard.

Le paysage, cette lande islandaise, sauvage et enneigée. Je me retrouve isolé, enveloppé par ce vent sourd qui emporte mes pensées, pas mes paroles muettes. Celles-là, je les garde au fond de moi. Qui voudraient d'ailleurs les entendre ? Quelques moutons sauvages et poilus dans le coin, en train de brouter pour ne pas sombrer dans la froidure de la nuit. Nuits étoilées. Ces étoiles qui sont l'âme des noyés. Et puis ces flocons de neige qui descendent à noyer mon verre, ne serait-ce pas là les ailes des anges ?

Je m'imagine à bord d'un de ces chalutiers, une pêche d'antan, à l'oeil et à la poigne. le bateau chevauche les vagues comme je rêve de renverser des sirènes. Les vagues vont et viennent, s'écrasent sur le pont, des embruns iodés qui se jettent sur ma face. le courage m'emporte, je suis dans une barque, encore plus précaire, prêt à affronter les éléments, une force insoupçonnable m'emporte, gênes de viking. Si jamais je n'avais pas oublié ma vareuse, et ma fiole de Lagavulin.

Je m'imagine là-bas. M'engouffrer dans un pub, des vieux loups de mer qui me regardent, la barbe sauvage, le teint grêlé par cette pluie glaçante du bord de mer. Une bière. Deux bières. Trois bières. C'est ma tournée. Prendre mon temps. Nul besoin de me presser. Personne ne m'attend. A part un roman, un livre de poésie ou une musique qui bercent mes nuits. Puis m'enfuir dans la nuit, dans le silence, sans ma vareuse. Et réfléchir à ma mort. Seul sous les étoiles, seul dans ce silence.

Il y a des livres qui ne peuvent s'oublier, et des auteurs non plus. Ce Jon Kalman Stefansson possède une telle poésie dans sa plume que j'en oublie la tristesse et le froid. Mais pas ma bière. Alors...

S'en vient le soir
Qui pose sa capuche
Emplie d'ombre
Sur toute chose,
Tombe le silence,
Déjà se lovent
La bête sur son lit d'humus
L'oiseau dans son nid
Pour le repos nocturne.

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Une réelle découverte pour moi que ce magnifique roman.
L'Islande terre de pêcheurs, du froid, de la mer et de la mort apparaît ici grâce à toute la force d'écriture de Jon Kalman Stefansson comme un joyau isolé du monde.
Abritant des hommes dont le quotidien est fait de travail acharné, d'effort, mais aussi d'amour et d'amitié, de deuil et de solitude.
Comme partout ailleurs me direz-vous ? Non, justement, car la terre d'Islande n'est à nulle autre pareille ni ses habitants, ni ses tempêtes, ni ses douceurs, ni ses morts sous la plume de ce poète terriblement inspiré.
Ce fut une lecture lente, pleine de retours en arrière, de relectures et de contemplation.
Et j'ai parcouru ce livre la gorge nouée, avec l'envie impétueuse de pouvoir d'un simple claquement de doigt me retrouver en plein coeur d'une Islande enneigée, venteuse et glaciale certes, mais tellement fascinante.
Jon Kalman Stefansson est un poète. Et quel poète ! Il mêle récit et sublimation des lieux, des personnages, des sentiments de telle façon que l'on ne peut que se laisser porter par sa plume.
La mer, la vie, la mort, le deuil, le suicide, l'amour, l'amitié, l'adversité, la nature, la solitude tant de thèmes abordés et tant d'arrêts sur image pour pouvoir s'imprégner et se laisser envoûter.
J'hésite à insister sur la qualité d'écriture de ce roman tant elle a déjà été dite ici ou ailleurs, mais oui, vraiment, quelle plume!!!
Et quel bel horizon que cette terre Islandaise croquée, crayonnée, esquissée, puis, le trait se faisant plus précis de page en page, complètement sublimée et comprise, puis désirée. Jusqu'à l'aimer.
Une terre offerte, un don.
Merci donc Monsieur Stefansson pour ces pages si radieuses et émouvantes,
pour cette offrande si généreuse.

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Jón Kalman Stefánsson est un auteur islandais que j'ai découvert il y a quelques années avec « D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds ». Mais malheureusement, cette rencontre a été un rendez-vous manqué, je n'ai pas réussi à entrer dans le récit et je l'ai abandonné au bout de quelques pages seulement.

Après plusieurs critiques élogieuses de « Entre ciel et Terre », en particulier celles de HordeDuContrevent et Pancrace que je vous invite à lire, j'ai voulu retenter une nouvelle rencontre, et je dois dire que cette fois-ci, la magie a opéré dès les premières lignes.
Que dire de ce récit qui m'a accompagnée pendant ces quelques jours ? C'est beau, subtil, sombre, profond.

*
Ce titre, magnifique, intemporel, introspectif, évoque ce qu'il y a entre ces deux immensités, le ciel de plomb et la terre noire : des forces contraires qui s'opposent et s'harmonisent en un jeu de contrastes de sons, d'odeurs, de couleurs tranchées, d'éclairage, de sensations.
Montagnes et mer, vent et glace, lumière et obscurité.
L'horizon et le vide, le sac et le ressac, le flux et le reflux.
La vie et la mort, le bien et le mal, le paradis et l'enfer.
Le calme et la tempête, le bruit et le silence, l'amour et le deuil, la poésie et la tragédie.

« La mer est d'un bleu froid et jamais calme, un monstre gigantesque qui inspire, nous porte la plupart du temps, mais parfois se dérobe et alors, nous sombrons : l'histoire de l'homme n'est pas si complexe que cela. »

*
« Entre ciel et terre », le premier livre d'une trilogie, se déroule en Islande, à la fin du XIXe siècle, dans une petite communauté de pêcheurs.
Entre prose et poésie, l'auteur rend compte de l'atmosphère austère et silencieuse de ces lieux perdus dans les fjords, des croyances de l'époque, de la vie épuisante et risquée de ces hommes, de leur loyauté, de leur courage, de leur ténacité malgré leur impuissance face à une mer si peu fiable.

« S'éloigner de la côte peut être douloureux, on a l'impression d'avancer vers la solitude. »

Nous suivons deux hommes, un jeune garçon qui n'a pas de nom et Bárður, amoureux de poésie. Les deux amis s'engagent sur un bateau de pêcheurs pour subvenir à leurs besoins. Bravant l'océan et ses dangers, ils s'élancent sur des "cercueils ouverts ", affrontant la mer d'Islande pour pêcher la morue.
Et puis le drame survient lorsque, par une journée de mars, la tempête, monstrueuse, terrifiante, destructrice, se lève et frappe le canot de toute sa puissance meurtrière.
C'est bien connu que la mer donne et reprend.

« … les vagues enflent autour d'eux, la terre a depuis longtemps disparu, de même que la ligne d'horizon, il n'existe plus rien au monde que ces six hommes sur une coquille de noix, occupés à tirer des profondeurs glacées des poissons et des rêves. »

*
Jón Kalman Stefánsson décrit avec beaucoup de pudeur et de profondeur, le quotidien de ces hommes et de ces femmes de pêcheurs.

« Les sanglots naissent quand les mots ne sont plus que des pierres inutiles. »

Petit à petit, on apprend à connaître quelques pêcheurs et leurs proches. Ballottés dans cet univers âpre et brutal qui parfois se déchaîne, on ressent leur désespoir, leurs sentiments d'isolement, leur peur d'affronter la mer, leur courage, leur inconscience parfois dictée par la nécessité de survivre. Mais ce récit sombre est aussi illuminé par des trouées de lumière dans le ciel d'ardoise qui rendent la vie moins terne et monotone.

« Il est peu de choses aussi belles que la mer par une magnifique journée ou par une nuit limpide, quand elle rêve et que le clair de lune est la somme de ses rêves. Pourtant, la mer n'a nulle beauté et nous la haïssons plus que tout quand elle élève ses vagues à des dizaines de mètres au-dessus de la barque, au moment où la déferlante la submerge et nous noie comme de misérables chiots, peu importe à quel point nous agitons nos bras, implorons Dieu et Jésus-Christ, elle nous noie comme de misérables chiots. »

*
Quelques beaux personnages émergent de ce décor où la mer est souveraine.
On ne peut qu'apprécier ce jeune garçon tout juste sorti de l'adolescence, déjà meurtri par toutes les pertes qu'il a subies dans sa courte vie. Sans nom, il nous reste plus ou moins inconnu, mais déjà on s'attache à lui, percevant sa solidité sous sa fragilité apparente.
J'ai également aimé Bárður qui puise sa force tranquille et sa détermination dans l'amour de la littérature, des livres et de la poésie. Les mots deviennent alors des balises qui l'aident à traverser les moments difficiles, à apaiser ses angoisses, à reconsidérer le monde qui l'entoure et tourner son regard vers un horizon ensoleillé.

« Les rêves nous libèrent parfois des amarres de la vie. »

Mais, le reflux des vagues nous amène d'autres histoires qui prennent le pas sur celles des deux personnages principaux : les voix de Guðrún, Guðjón, GeirÞrúður, Brynjólfur, Ragnheiður, Þorvaldur, … sont comme des lignes de pêche jetés à l'eau. Elles se mêlent et s'entremêlent : amitiés, amours, deuil, regrets, combats, espoir, rêves.
De toutes ces vies solitaires et humbles, se dégage une profonde humanité qui m'a touchée.

« le coeur est un muscle qui pompe le sang, il est le domaine de la souffrance, de la solitude, de la joie, il est le seul muscle capable de nous ôter le sommeil. »

*
L'Islande… extrême, contrastée, majestueuse, féérique, une destination qui me fait rêver. Des paysages à couper le souffle.
Mes mots, seuls, ne suffiront pas à exprimer mes émotions de lectrice à la lecture de ce texte poétique teintée de perfection et de rudesse. J'ai voyagé au milieu des embruns, j'ai été ballotté par la puissance dévastatrice des vagues, j'ai rencontré des hommes courageux et fiers, j'ai rêvé, j'ai espéré, j'ai cru.

La plume de Jón Kalman Stefánsson, poétique, métaphorique, apaisante et enivrante est comme une caresse. L'auteur a su capturer le mystère insaisissable de ces paysages aux multiples visages : la beauté changeante et insondable de la mer, les variations de lumière, l'éclat sauvage des paysages accidentés, le spectacle majestueux de ces montagnes noires comme le charbon, écorchées, qui plongent dans la mer.

« … dehors la pénombre de la nuit les attend, qui monte du fond de la mer jusqu'au ciel où elle allume les étoiles. La mer respire lourdement, elle est sombre et muette, et quand elle se tait, chaque chose fait silence, jusqu'à la montagne en surplomb où le blanc et le noir alternent. »

Mais ces descriptions font aussi appel à d'autres sens, car on ressent pleinement l'odeur iodée du large, le hurlement du vent, l'humidité glacée de la brume, le froid mordant de la tempête.

*
L'écriture magnifique de l'auteur enveloppe le lecteur d'une douceur infinie que chacun s'appropriera à sa façon.
Si l'auteur réussit à merveille à nous plonger dans ce décor clair-obscur où la mer occupe une position centrale, le destin des hommes émerge délicatement des flots, étayés par des digressions philosophiques.

« La mer vient inonder les rêves de ceux qui sommeillent au large, leur conscience s'emplit de poissons et de camarades qui les saluent tristement avec des nageoires en guise de mains. »

Au-delà de cet amour inconditionnel pour la mer, l'auteur nous fait ressentir toute l'étendue des émotions humaines.
Le silence des hommes n'en cache pas moins leurs peurs face à la violence de la nature, leur envie de rompre avec la solitude et de trouver une amitié profonde, l'amour.

"Rien n'est doux pour moi, sans toi."

*
Pour conclure, « Entre le ciel et la terre » est un roman contemplatif qui se lit davantage pour la beauté de la langue plutôt que pour l'intrigue. J'ai été captivée par l'écriture poétique de Jón Kalman Stefánsson dans laquelle prédomine la mer, miroir des émotions humaines. D'une beauté bouleversante, il nous convie à explorer le monde intérieur de ses personnages.
Ce roman sur la perte d'un être cher et le deuil est également un apprentissage de vie, une expérience qui n'épargne personne.
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Entre vie et mort,
Entre rêve et désespoir,
Entre amour et amitié,
Entre poésie et réalité,
Entre ciel et terre
Il y a l'horizon comme prison et le froid comme poison.
Entre dans l'enfer gelé de Jon Kalman Stefansson et découvre la loyauté et l'héroïsme malmenés par l'abîme glacé de la mer d'acier et les inquiétantes montagnes qui écorchent le gris du ciel.
« Les montagnes ne font pas partie du paysage, elles sont le paysage. »
Les êtres chers ne font pas partie de ta vie, ils sont ta vie.
Quand Bárður meurt, le « gamin » sera prêt à donner la sienne pour rendre le livre de poésie que son ami a emprunté.
Démarche puérile et magistrale, poétique et incontournable, périlleuse et apaisante.
Chemin d'existence où il est plus facile de mourir que de vivre.
Atmosphère de vies austères où même la joie est grave et les sourires pétrifiés.
Lieux hostiles aux personnages rêches et tenaces habitant des villages sévères où le coeur réchauffe autant que la bière.
Stefansson hisse son récit à un niveau poétique tel que tous les drames exposés s'en trouvent auréolés de pureté et nimbés de délicatesse.
J'ai tellement aimé ses phrases imagées que je m'y suis noyé.
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Jon Kalman Stefansson est sans hésitation l'un de mes auteurs contemporains préférés. Est-ce d'avoir croisé sa route un 16 novembre 2015 dans le cadre d'une rencontre chez Babelio? Sans doute mais pas que...
Entre ciel et terre est son premier roman, le premier volet d'une trilogie. L'Islande, le froid, la neige, les montagnes, le fjord et la mer cette amie/ennemie. Celle qui donne de quoi vivre mais qui happe l'homme à la moindre occasion.
Pourquoi Baldur? Pourquoi lui ? A t'il été puni d'avoir trop aimé lire et trop aimé la poésie? Pourquoi? Et le gamin pourquoi, pour qui ,doit il continuer à tracer son chemin?
Une splendide histoire d'hommes, de femmes dans ce pays âpre et dur.Une splendide histoire d'amitié.
Et bien sur une splendide écriture! La traduction d'Eric Boury conserve au texte sa fluidité, sa sonorité, sa beauté intrinsèque, merci à lui. Combien de fois me suis je retrouvée à lire et relire certains passages rien que pour la beauté du verbe!..
Allez je vous laisse et m'en vais aller fouiner dans ma PAL , j'ai rendez-vous avec le gamin et c'est devenu une priorité.
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Quelque part au Nord, entre ciel et terre, une île.
Des falaises abruptes sous un vent glacial, des roches volcaniques cernées de flots capricieux : voilà l'Islande.

Et pour nous raconter l'Islande, qui de mieux que Jón Kalman Stefánsson ?
Qui d'autre pour tout nous dire de cette terre sauvage et inhospitalière, pour nous soumettre alternativement au froid polaire des bourrasques et au feu ardent qui brûle dans le coeur des hommes, qui pour nous plonger dans cette lumière unique, "capable de te transpercer et de te changer en poète" ?

Une fois encore, le génial conteur islandais nous propose là un trés beau roman, soigneusement concocté sur la base de ses ingrédients fétiches (et largement éprouvés !) : beauté des paysages et finesse des descriptions, personnages à la fois farouches et sensibles, pétris d'espoirs et de rêves contrariés, introspections puissantes et très imagées, réflexions sur la mort et le sens de la vie... Divin mélange s'il en est, et teneur en poésie 100% garantie !
Pas de véritable surprise, donc, pour qui connaît un peu le bonhomme, mais un plaisir de lecture intact et toujours renouvelé !

Cette fois l'auteur nous transporte au début du siècle dernier. Il commence dans la première moitié du texte par nous faire partager le quotidien de six valeureux pêcheurs de morues, liés par une indéfectible camaraderie et habitués aux conditions extrêmes des périlleuses sorties en mer. Bien sûr Stefánsson sait y faire, et immédiatement le lecteur se trouve lui aussi embarqué sur leur frêle esquif, cramponné au banc de nage face aux embruns glacés.
Il est ainsi aux premières loges, transi avec eux, quand survient le drame. Pour s'être laissé prendre par la beauté d'un poème de Milton, tiré d'un ouvrage qu'on lui avait prêté et qu'il a souhaité relire encore au matin de l'expédition, le vaillant Bárður a laissé sa vareuse au dortoir. Funeste oubli sous ces latitudes ! Bárður n'a pas survécu, il est mort de froid, mort d'avoir laissé sa passion des mots prendre le pas sur sa rigueur de matelot.
Son jeune et brave compagnon, dit "le gamin", ne s'en remettra pas. Tournant le dos à la mer, il prend la route pour rapporter le fameux recueil de poésie à son propriétaire, un vieux capitaine devenu aveugle, et la seconde partie du roman est le récit de son voyage. Aux magnifiques peintures des panoramas rencontrés, Stefánsson ajoute avec beaucoup d'à-propos des portraits de marins, de villageois - ici un commerçant, là un pasteur ou un notable local - et de quelques fantômes aussi...
C'est donc toute la vie d'une petite communauté insulaire qui se dessine sous nos yeux, avec ses drames, ses passions et ses mythes, et toujours en filigrane le souvenir des pêcheurs disparus, eux qui "pleurent comme pleurent les noyés" (n'est-ce pas d'ailleurs pour ça que la mer est salée ? s'interroge le poète).

Entre ciel et terre est donc une méditation d'une grande délicatesse sur le deuil et la renaissance, sur le pouvoir des mots et sur l'amitié (ou peut-être l'amour ?) par delà la mort.
Une bien belle entrée en matière pour la suite de la trilogie ... mais n'allons pas trop vite en besogne, et savourons comme il le mérite ce premier volet très réussi.
Si vraiment "le silence qui s'installe au terme d'une longue histoire nous apprend si elle a atteint son but ou si elle a été racontée pour rien", alors trêve de blabla et que Stefánsson se rassure : avec ce premier tome, le but est plus qu'atteint.
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Mon voyage dans les terres des fjords islandais ne m'a pas laissée indemne. J'ai lu ce roman il y a des semaines déjà et son souvenir est toujours aussi fort.
Je ne sais pas si j'ai été pêcheur ou insulaire dans une autre vie, ce que je sais c'est que les récits de marins me touchent profondément, moi la fille des Alpes. Pêcheur d'Islande et le grand marin font d'ailleurs partie de mes "livres pour une île déserte".
Pourquoi cet intérêt ?
Je n'ai pas de réponse.
Cette question continue de me hanter comme cette histoire Entre ciel et terre qui raconte l'amitié entre un jeune garçon et son ami, qui décrit la côte sauvage, la pêche dangereuse, la collaboration entre marins, la solitude imparable du grand large, la force des éléments, la soudaineté d'une mort provoquée par des mots.
Des mots magnifiquement choisis par Jon Kalman Stefansson dont c'était ma première découverte.
Des mots qui m'ont bouleversée.
Des mots qui ont fait surgir mes larmes, qui ont ravagé mes tripes, qui ont enlevé la part d'innocence qui m'accompagnait au début du roman.
Ce livre est un roman initiatique en même temps qu'un récit d'aventure, un guide de voyage en même temps qu'un monument de la littérature nordique.
Si vous n'avez pas pas peur d'être émus, n'hésitez pas à suivre Bardur et l'enfant, à vous laisser entraîner au tréfonds de l'âme où la lumière peine à poindre comme sous le ciel islandais en hiver.
Entre ciel et terre laissera des traces indélébiles et magnifiques dans mon univers de lectrice comme des aurores boréales illuminant un port islandais au repos.
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C'est par hasard que je suis tombé sur ce livre. L'écriture de J.K.Stefansson à été d'une certaine manière une révélation, car au-delà de l'histoire et de sa poésie, le style est captivant.
Cet auteur à la capacité de nous contraindre à nous adapter à son rythme et la lecture devient lente et envoutante. L'empressement disparait, cédant la place à la langueur et l'apaisement.
Je me suis pris plusieurs fois surpris à revenir sur une page pour savourer une fois de plus une tournure de phrase, une atmosphère.
En effet, la poésie est partout, elle est même à l'origine de la mort du meilleur ami du héro (le gamin). Suite à sa mort il renonce à ses projets et se fait recueillir par des originaux dans ce milieu ou chaque geste compte pour garantir sa survie et celle de la collectivité. En effet, toute l'action se déroule en Islande, à la fin d'un hiver qui semble infini dans des paysages désolés.
Autant dire que l'oisiveté n'a pas sa place en ce monde. le temps n'est pas à perdre.
Or il est recueilli par un cercle de lecteurs érudits poètes qui se trouve au ban de la micro société du village.
Emue par l'histoire de ce jeune homme qui a traversé la nature hostile pour aller annoncer la nouvelle du décès de son ami à sa compagne, la personne qui l'accueille décide de l'instruire en échange d'un travail dans l'auberge.
L'histoire et les images qui sont projetées restent présentes longtemps après la lecture suscitant une foultitude de sentiments et de sensations. Une lecture émouvante.
Ce livre constituant le premier tome d'une trilogie, je n'ai pu le finir qu'avec en tête d'entamer le suivant.
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