Cette critique porte sur les trois livres qui composent la saga
Entre ciel et terre de
Jón Kalman Stefánsson.
« Un jour, j'ai reçu une lettre où il était écrit que je devais vivre. Mais voilà, je ne voyais pas dans quel but. Il est important de le savoir, on ne saurait vivre pour la seule raison qu'on n'est pas mort, ce serait une trahison. Il faut vivre comme une étoile qui scintille.
Maintenant, je le sais. »
Entre ciel et terre (la trilogie) -
Jón Kalman Stefánsson @editionsfolio
Il est des romans dont la plume vous touche dès les premiers mots, il est des auteurs capables de vous envoûter, de vous transporter en quelques phrases, en un souffle… il est des mondes dont il est impossible de décrire la beauté, la puissance, la splendeur…
Il est cet auteur islandais qui allie à la fois poésie, rudesse, profondeur, ivresse, nature sauvage, hiver implacable, beauté des mots, simplicité de la vie démunie…
Jón Kalman Stefánsson 🌟
« L'hiver, la nuit n'est pour ainsi dire que ténèbres et silence. Nous entendons les poissons soupirer au fond de la mer, et ceux qui gravissent les montagnes ou se rendent sur les hautes terres peuvent écouter le chant des étoiles. Les anciens, détenteurs d'une sagesse nourrie de l'expérience, affirmaient qu'on ne trouvait là-haut rien que des terres glacées, battues par les vents, et de mortels périls.
Nous mourons si nous n'écoutons pas ce qu'enseigne l'expérience, mais nous moisissons si nous y prêtons trop d'attention. Il est dit quelque part que ce chant est capable d'éveiller en vous le désespoir ou le divin. Partir dans les montagnes par une nuit calme et sombre comme l'enfer pour y chercher la folie ou la félicité, c'est peut-être cela, vivre pour quelque chose. »
Son style m'évoque à la fois
Franck Bouysse et
Jim Harrison, et pourtant il est unique et différent! Il décrit son pays, sa terre, ses pêcheurs, ses humains simples et démunis… mais il parle aussi du pouvoir des mots, de la beauté de la vie, de la littérature et de sa portée.
« Nulle chose ne m'est plaisir en dehors de toi. La poésie vous tue, elle vous donne des ailes, vous les agitez un peu et sentez l'enchantement vous envahir. Elle vous ouvre des mondes nouveaux, puis vous ramène brutalement à la tempête et aux souillures du quotidien. Et que sans cet amour, ma vie serait ma mort : pour une raison imprécise, le gamin éprouve le besoin de répéter la dernière strophe »
Je ne vais pas détailler chaque tome de cette magnifique trilogie car ce serait creux et inadapté: l'essentiel du message réside simplement dans la manière de façonner les mots, de les faire vivre, vibrer, voler… de transcender le Verbe!
Voilà l'histoire d'un gamin, dont on ne connaîtra jamais le nom, qui était touché par la poésie, les mots, la littérature… un gamin qui voyait le monde autrement, inadapté à la vie rude et âpre, et pourtant ce jeune homme, insignifiant pour certains, différent pour d'autres, détient un pouvoir: celui de toucher l'âme par les mots ✨
« Les mots ne sont souvent que des pierres inertes, des vêtements élimés et usés.
Ils peuvent également être de mauvaises herbes, de dangereux vecteurs d'infection, des planches vermoulues qui ne supporteraient même pas le poids d'une fourmi et d'autant moins celui d'un homme. Pourtant, ils sont l'une des rares choses qui demeurent à portée de main lorsque tout semble se jouer de nous. Gardez bien cela à l'es-prit. N'oubliez pas non plus ce que nul ne comprend : les mots les plus insignifiants et les plus improbables peuvent, sans qu'on s'y attende, se Charger d'un lourd fardeau et conduire la vie pour la sauver par-delà les plus vertigineuses crevasses. »
Une plume d'une grande beauté, venue du Nord et du froid, qui souffle à la fois l'hiver et la lumière 🌟