Voilà.....c'est fini ....comme dit la chanson....et ça me fond le coeur. Tous ceux qui ont eu la chance de lire ne serait ce qu'un tome de cette trilogie comprennent celà, comprennent surtout cette impossibilité de trouver les mots qui rendront justice. Allons au plus simple: lors du second tome, nous avons laissé "le gamin" personnage principal, en pleine tempête de neige, sur sa route vers un village, accompagné de deux hommes, transportant à bout de bras le cercueil ( et le cadavre) d'une femme morte depuis plusieurs jours, qui a besoin d'être enterrée.Dans
le coeur de l'homme, il est de retour après avoir effectué cette mission dans le village qui l'a accueilli....et son aventure continue. Je n'en dis pas plus, de toute façon ça ne sert à rien, en tout cas, pas à saisir ce qu'est ce livre. Etant le dernier des trois, son "analyse " ramène fatalement vers les deux premiers. Tout d'abord, c'est toujours aussi...poétique, évanescent...mais une impression particulière ce dégage du Coeur de l' homme....comme si il y avait moins de poésie. Est ce que parce qu'on attend trop de cette lecture sachant que c'est la dernière, une sorte d'apothéose? peut être, mais pas que. Dans
Entre ciel et terre, il s'agissait de la mer et des mots, du lien que le gamin tisse entre ces deux entités, la manière dont les deux peuvent à la fois être source de vie et de mort. Dans
La tristesse des anges, c'est de neige...et de mots qu'il s'agit. Cette neige qui occupe l'esprit du gamin, tant elle est présente, menaçante, et ce sont cette fois les mots de l'auteur ( le gamin est trop occupé à tenter de survivre....quoi que) qui nous entraînent au fond de cette tempête. Pour
le coeur de l'homme, c'est toujours les mots qui ont la vedette, mais cette fois ceux des hommes. Et c'est là qu'on saisi la différence de ce troisième opus. C'est l'été, la neige a fondu, l'activité humaine reprend, telle une fourmilière, la pêche, le nettoyage des poissons, leur séchage, l'arrivée des bateaux et des ravitaillements....le commerce ....les sous quoi....et malheureusement avec eux, la cruauté et la bêtise humaine qui s'expriment. Il a neigé une fois chez nous. La neige a tenu deux jours, et durant ces deux jours, tout le monde a eu la même pensée , à savoir que cette fine couche de neige "masquait" la laideur du quotidien. Et c'est ce qui s'est passé dans ce village, dans ce pays, pour nous lecteur. Après avoir lutté contre la nature hivernale pour survivre, toujours avec abnégation et humilité, les pauvres gens luttent maintenant contre leurs semblables,avec violence, cruauté....ou bien ils abandonnent. Enfin, presque tous .....sauf le gamin, et quelques " fous"....principalement des poètes, des vieillards aveugles et des femmes. Les femmes sont admirables dans les romans de Stefansson. le gamin quant à lui (on ne connait pas son prénom) grandit, ses traits et sa personnalité s'affirment.Ce qui semble le caractériser le plus, et parfois le rendre singulier au milieu des villageois est "son désir ...de parler à quelqu'un qui se souci d'autre chose que du poisson et du quotidien."C'est un poète...un bon à rien donc. Mais tous les personnages de ce roman s'avèrent l'être également, soit directement avec leurs mots, écrits ou lancés lors d'une simple conversation, soit dans leur vie de tous les jours, dans le poisson qu'ils pêchent, les cercueils qu'ils transportent; les oeufs qu'ils ramassent et vendent, les petits commerces qu'ils tiennent et les emplettes qu'ils font en préparation de l'hiver. Il y a tant et tant à dire ( mieux sans doute) à propos de l'oeuvre de Jon Kalma, Stefansson. Et en plus de la beauté du texte, il y a de l'action (Dieu que ce mot semble laid ici!!) et du suspens , dignes des meilleurs Cliffhangers hollywoodiens. Au final, ce gamin, rien qu'en existant, en s'exprimant ( avec ses mots, mais principalement avec ses yeux et sa façon de regarder le monde), presque malgré lui, bouleverse la vie de tous ceux qui croisent son chemin, car " ces gens ont des rêves, leur coeur n'est pas un oiseau mort, pas plus qu'il n'est un morceau de morue séchée."