Les délices de Tokyo avait fait le mien, aussi étais-je ravie de retrouver
Durian Sukegawa avec
le rêve de Ryôsuke.
Ryôsuke est un jeune homme dépressif, tendance suicidaire, de 28 ans. Un père pendu, une mère morte de maladie dans l'amertume, ni frère ni soeur ni petite amie, on ne peut pas dire que la vie lui a beaucoup souri à ce taiseux ancien cuistot. Mû par diverses raisons, il s'embarque avec deux autres jeunes assez amochés également pour une petite île à neuf heures de ferry des côtes, à l'ouest de l'île principale de l'archipel.
Embauchés pour des travaux de terrassement, ils vont découvrir une communauté surprenante aux yeux de citadins, une vie rude et non exempte de violences. Et des chèvres.
Hymne à la fabrication du fromage de chèvre, dont toutes les étapes de fabrication, de la traite aux divers affinages, sont joliment amenées au fil du récit. Ryôsuke s'accroche au rêve fromager de son père tout en luttant contre ses propres tendances au désespoir et à l'appel du néant.
On est loin des lumières jaillissant des Délices de Tokyo. Dans cette île rocailleuse, à la population hostile et sous la férule du Président, véritable Parrain îlien, malgré le vert de la végétation et le bleu de la mer, il flotte une aura sombre autour des personnages. Il n'y a guère que Toshio "Bah alors", le facteur, a en être exempt. Et les chèvres qui apportent un peu de douceur dans cette lourde et désespérante atmosphère.
Contrairement à son premier roman, j'ai trouvé que les personnages de celui-ci étaient moins abouti. Tout comme l'ensemble en fait qui laisse un goût d'inachevé. Il y a des protagonistes mis en avant à certains moments sans que ça mène quelque part; les deux camarades saisonniers de Ryôsuke auraient mérité d'être plus approfondis. Si le message global est "La vie est dure", ce qui en soit n'est pas faux, surtout avec le passif que se traîne Ryôsuke, ça manque de nuances. Enfin, tant qu'il y a du shôchū il y a de l'espoir car pour le lever de coude, ils excellent tous!
Je ressors donc de cette lecture avec un avis mitigé. Il serait erroné de dire que je m'y suis ennuyée mais je ne suis pas parvenue à rentrer pleinement dans l'histoire. Comme on reste dans le domaine culinaire ici, je dirais qu'il manque de liant, la sauce ne prend pas complètement. Et du coup, me laisse sur le côté du récit. Bon, j'aurai toujours appris la fabrication artisanale du chèvre.