ATTACHEMENT
Je vis de si peu qu’ainsi,
Une perte vaut une perte :
Même celle d’une miette pousse
Mon esprit à se lamenter.
Telle l’une des rives du ruisseau, en vain,
Je tâche de m’accrocher à ses courants,
Une par une, les vaguelettes disparaissent
En cognant contre ma poitrine,
Je vis de tellement peu qu’ainsi,
Une perte vaut une perte :
Si, à Tes pieds, je savais soumettre
Tout ce que je perds et tout ce qui me reste,
Il n’y aurait pas d’usure, tout existerait
Magnanime en Toi.
En Toi brillent tant de soleils et de lunes,
Nul atome ni molécule ne s’y égare :
Tous mes trésors de babioles perdues
Ne trouvent-ils pas refuge à Tes pieds ?
Je vis de tellement peu qu’ainsi,
Une perte vaut une perte.
JE NE VEUX PAS MOURIR
Je refuse de mourir dans ce monde si beau,
Je désire vivre parmi les hommes,
Sous ces rayons du soleil au milieu de ces parterres
Si je trouvais un coin dans un cœur vivant.
Le jeu de la vie s’écoule le long de la terre,
Éloignements et rapprochements accompagnent les
rires et les pleurs,
Si je peux créer une demeure immortelle
En composant une chanson avec la joie et la peine
humaines.
Sinon, que je puisse me réfugier
Au milieu de vous tous pour le reste de ma vie :
Puis-je aider à s’épanouir un bouquet de chansons
toujours nouvelles
Pour que tu puisses les cueillir à l’aube et à la tombée
de la nuit.
Ayant accepté ces fleurs avec un sourire
Les jeter lorsqu’elles auront fané.
Ultime Présent
Je suis la nuit. Tu es la fleur. Tant que tu fus bourgeon
Englobant le ciel noir, eveillée, te cachant dans mon sein
Je veillai sur toi avec ma légion de constellations.
Tandis que tu t'ouvrais avec ton jeune et beau visage,
L'aube survint, achevant ma garde.
L'intimité nocture fut rompue par la lumière.
Désormais tu appartiens au monde; tout autour
bourdonnent les abeilles
Résonnant en harmoniques de craintes respectueuses;
Les oiseaux chantent, le vent souffle, des courants de
félicité
Confondent la vie en eveil.
Je n'ai jamais possédé autant de lumière et de bonheur,
De chansons et de vie, je n'avais à t'offrir
Que du sommeil, de la paix, un calme affectueux
Un regard vigilant, un dialogue d'esprit à esprit
Nai-je rien donné d'autre? Lorsque l'aurore avide
Te contempla, des centaines d'oiseaux en centaines de voix
chantèrent ton nom, une goutte de rosée à cet instant
Glissa de mes yeux sur les tiens. Et je m'eclipsai.
Cette goutte de mélancolie, ce présent d'adieu
En humectant ton jeune visage juvénile te protegera
De l'éclat de délices; scintillant syr cette larme de la Nuit
Le sourire de l'aurore ajoutera une grâce incomparable
Rendant encore plus belle ta beauté épanouie
ATTENTE
Tu restes toujours présent
À la lisière de mes chants,
Mes mélodies sont à Tes pieds
Sans que je puisse T’atteindre.
Le vent supplie avec insistance :
« Ne laisse pas ton rafiot amarré ! »
Gouverne vite pour parvenir
Au centre de mon cœur.
Avec Toi le jeu de mes chants
Est un jeu venant de loin,
Sa flûte émet des notes chagrines
Tout le long du jour.
T’emparant de ma flûte donc, quand voudras-tu
La remplir de Ton souffle,
Dans la dense obscurité
Par une nuit joyeuse et muette ?
OBSCURCISSEMENT
Une sombre appréhension servant de linceul
Enveloppe le monde,
En son centre demeure par-delà l’appréhension
Une ferme conviction.
Au milieu d’un orage de mots et la poussière de débats
L’ intelligence aveuglée tâtonne désespérément,
La conviction reste inébranlable, au fond,
Sans une ombre de peur.
Des centaines d’épreuves sur le chemin de la vie
Errent en un tourbillon,
Tandis qu’au centre règne la paix imperturbable
Sous l’ombre d’un arbre immortel.
Des flèches empoisonnées fusent sans relâche —
La censure, la perte, la mort et la séparation —
Éternelle, la Joie reste calme dans sa transe :
Elle ne connaît nulle destruction.
Lecture de Notre besoin de consolation est impossible à rassasier de Stig Dagerman et concert autour des oeuvres de Théodore de Banville, Gérard de Nerval, Paul Eluard et Rabindranath Tagore.
« C'est l'angoisse de la séparation qui s'épand par tout le monde et donne naissance à des formes sans nombre dans le ciel infini. C'est ce chagrin de la séparation qui contemple en silence toute la nuit d'étoile en étoile et qui éveille une lyre parmi les chuchotantes feuilles dans la pluvieuse obscurité de juillet. C'est cette envahissante peine qui s'épaissit en amours et désirs, en souffrances et en joies dans les demeures humaines, et c'est toujours elle qui fond et ruisselle en chansons. »
L'Offrande lyrique, Rabindranath Tagore, traduit par André Gide.
Ces émotions douces et amères qui nous secouent ne sont-elles pas universelles ? Ne sont-elles pas l'essence même de notre existence ? Deleyaman, groupe franco-américain dans la veine céleste de Dead Can Dance, aborde ces questions vibrantes, parle d'art, d'amour, de beauté et de contemplation comme des réponses à nos contraintes existentielles.C'est une amicale collaboration artistique entre le groupe et Fanny Ardant qui a donné naissance à cette création. Au travers d'un texte lu, elle dialogue avec le groupe sur une musique créée par Deleyaman. Avec le son du doudouk, le groupe d'Aret Madilian interprétera les titres français de sa discographie
Fanny Ardant : voix
Béatrice Valantin : voix, clavier
Aret Madilian : piano, clavier, guitare, percussion
Guillaume Leprevost : basse, guitare
Artyom Minasyan : doudouk, plul, pku
Madalina Obreja : violon
Gérard Madilian : doudouk
Création en partenariat avec le Trianon Transatlantique de Sotteville lès Rouen – Scène conventionnée d'intérêt national art et création chanson francophone.
À écouter – Deleyaman, « Sentinel », 2020.
Plus d'informations sur www.deleyaman.com
À écouter : https://deleyaman.bandcamp.com/album/sentinel
+ Lire la suite