En résumé :
Au mauvais endroit au mauvais moment, Théodore Decker, adolescent de 13 ans sans histoires va voir sa vie basculer dans un tourbillon dramatique suite à un attentat dans un musée : décès d'un proche, retour d'un père alcoolique totalement foutraque et jusque là bien absent, plongées dans les paradis artificiels, … le lecteur suit ainsi le passage à l'âge adulte et les errements initiatiques de cet enfant et, plus tard, de cet homme, écorché par la vie et dont le destin est mystérieusement lié à un tableau du maître hollandais du XVIIème siècle, Karel Fabritius, «
le chardonneret ».
Mon avis :
Souvent vertigineux, toujours monumental mais parfois rébarbatif et verbeux. Ce sont les qualificatifs qui me viennent spontanément à l'esprit après une lecture, quoi qu'il en soit, riche en émotions et qui, globalement, est positive. En premier lieu, du Chardonneret, je retiens cette formidable galerie de personnages que nous dépeint
Donna Tartt avec un grand brio et beaucoup de drôlerie et d'authenticité. du restaurateur de meubles anciens Hobie au camé déjanté russo-polono-ukrainien Boris, en passant par la famille Barbour, parfait archétype de la bourgeoisie new-yorkaise, sans oublier la jolie Pippa, l'auteure nous dresse des portraits très touchants, en faisant notamment ressortir les petits (et grands) défauts de chacun, leurs travers, leurs vices, leurs fêlures, les environnements dans lesquels ils évoluent, avec acuité. Secondement, la construction du roman est tout à fait remarquable avec un prodigieux parallèle entre le destin d'un jeune homme et celui d'un tableau à la valeur inestimable. On retiendra surtout la brillante transposition allégorique de ce chardonneret, sujet de l'oeuvre picturale au centre de l'intrigue, petit oiseau gracile bouillonnant de vie et de liberté, mais prisonnier d'une chaînette avec la vie du personnage principal du récit, Théo. Cet élan narratif brillant est, malheureusement, de mon point de vue, terni par quelques défauts. Tout d'abord, le souci du détail de l'écrivain est maladif, chaque acteur de l'histoire, chaque lieu, chaque événement, est évoqué avec un luxe de descriptions, parfois, de manière redondante, dans différents chapitres et de manière itérative. le lecteur que je suis, s'est parfois senti un peu bridé dans le propre imaginaire que j'essaie personnellement d'insuffler dans chaque livre que je découvre. Tout est ainsi sous contrôle, rien ne dépasse, n'est laissé au hasard. le lecteur est ainsi pris par la main du début à la fin, un peu trop infantilisé à mon goût. Dans la même veine, l'ouvrage regorge, pour ne pas dire abonde, de références littéraires, artistiques, philosophiques, et, plus largement, culturelles, qui outre le fait qu'elles peuvent hacher le rythme, sont souvent très érudites et pas toujours connues du lecteur (mais peut-être ai-je été le seul dans ce cas). A ce propos, des notes de bas de pages auraient pu éclairer agréablement certaines de ces références.
En conclusion :
le Chardonneret est une lecture éprouvante, d'abord par la longueur de l'oeuvre (je persiste à penser que le livre gagnerait à faire 25 % de moins que son volume initial) mais, heureusement et positivement surtout, par l'emprise qu'il exerce sur le lecteur, entraîné avec le « héros » du roman Théo dans un maëlstrom d'événements qu'il subit plus qu'il ne contrôle. Fondamentalement, le récit est aussi remarquable par le fait qu'il renvoie chacun au propre miroir de son destin, à la fragilité de la vie, à la survenance potentielle d'événements dramatiques qui ferait s'effondrer tout notre univers familier avec l'effrayante facilité d'un claquement de doigts. C'est en tout cas la leçon que j'ai retirée du Chardonneret