il progresse lentement, vu que Marc observe et commente chaque cheval, et que les deux garçons traînent, voulant ici se mesurer aux jeux d’adresse ou de force ; là, s’initier au jeu de paume. Thomas s’énerve, exige que Marc oublie les animaux et l’aide plutôt à pousser, à tirer les adolescents vers l’avant, afin qu’ils puissent quitter au plus vite ce lieu. En fait, il craint surtout le vol de ses livres : objets précieux, rares, aisément monnayables.
Alors rien ne le ralentira, ni les protestations de ses compagnons ni la profusion tentante de marchandises en tous genres, à portée de main. Il continue même à forcer le pas, malgré sa fatigue. Marc le talonne, et les jeunes boudent de se faire ainsi presser : depuis leur débarquement à Calais, il y a deux semaines, ils passent la journée à marcher. Donc, ils estiment s’être mérité le droit de profiter un peu de cette fête.
Thomas s’arrête, et sans se retourner vers ses compagnons, tend le bras, pointe du doigt au-delà d’une étendue aussi vaste qu’un champ de bataille, envahie par des hommes, des bêtes et bon nombre de loges en bois : la foire commerciale du Lendit, l’une des plus importantes de France. Marc, devenu maintenant maréchal-ferrant et les trois adolescents, Ysabel, Raoul et Jehan s’immobilisent aussitôt rendus à ses côtés.
— Je crois qu’on va bien s’amuser, souffle-t-il à Raoul.
Mais son ami, lui, retient son souffle. Il observe cette meute de jeunes, ne les quitte pas des yeux. Il rentre juste d’un séjour de sept années paisibles en Angleterre. Et maintenant là, devant lui, défile l’Université concurrente de celle d’Oxford, où lui et Jehan ont étudié, ces trois dernières années.
Et tous les cinq pénètrent dans la foule, se mêlent aux marchands et artisans, clercs et moines, jongleurs et acrobates, colporteurs et nomades, bourgeois et bétail, provenant de tant de régions et pays différents. En même temps, ils se fondent dans un « nuage sonore » de voix, de trompettes et de flûtes, de meuglements, hennissements et bêlements.