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EAN : 9791092616026
318 pages
Post-Editions (14/03/2014)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Le 29 mars 2013, un arrêté signé du maire de Ris-Orangis met en demeure les habitants du bidonville dit « de la Nationale 7 » de quitter les lieux. Trois jours plus tard, les forces de polices, accompagnées de pelleteuses, détruisent les habitations et dispersent leurs occupants. C'est à l'examen méticuleux et à la « traduction » de l'arrêté municipal que se livrent les écrivains, philosophes, architectes et juristes dont les textes sont ici réunis, à l'invitation d... >Voir plus
Que lire après Considérant qu'il est plausible que de tels événements puissent à nouveau survenirVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Il y a un hors texte, contre la ville, tout contre… il suffit d'aller voir

D'abord visionner le film de Sébastien Thiéry (PEROU) : « Considérant qu'il est plausible que de tels événements puissent à nouveau survenir » :
http://www.post-editions.fr/considerant.html
Et relire à haute voix l'arrêté n°2013/147 du 29 mars 2013, ville de Ris-Orangis.

Vu, vu, vu… Considérant, considérant, considérant….

Dans sa présentation de Sébastien Thiéry, « Une contribution à l'art de faire riposte l'ambassade du Pérou à Ris-Orangis », directeur du PEROU (Pôle d'exploration des ressources urbaines) analyse l'arrêté municipal, « le sens unique d'un verbe à l'impératif que les enfants du bidonville connaissent depuis leur plus jeune âge : ‘Dégage !' », et retrace les événements.

En s'attardant à juste titre sur cet arrêté municipal, il souligne la « prodigieuse involution de ce que nous avons coutume de nommer « politique », cet art manifestement désuet de réunir et composer du commun ». Et le lire ou en le proposer à l'interprétation ou à la relecture par différent-e-s auteur-e-s : « c'est l'écorcher et l'ausculter, c'est le répandre sur la place publique tous viscères dehors ».

Vu, vu, vu… Considérant, considérant, considérant….

Le préfacier parle, entre autres, de l'école comme seul point d'ancrage, de « la machine à voir qui préside à la partition du monde entre ‘eux' et ‘nous' », du « ciment d'une union sacrée non formulée comme telle », de la violence légale, des actes porteurs d'un autre avenir. Il explique aussi l'objectif du PEROU « cultiver l'outre-ville avec celle et ceux qui y vivent repliés ».

Ce livre n'est pas une pétition de principe, « nous entendons nourrir les multiples savoirs susceptibles d'enrichir et d'actualiser l'art, si nécessaire, de faire riposte ».

Outre quelques réécritures inventives (la demande d'évacuation du marché de Noël des trottoirs des Champs-Élysées ; une dissolution de la littérature juridique ; un arrêté du maire de Crise-Arrangé…) et politiquement significatives de cet « arrêté », je ne signale subjectivement que quelques éléments.

Une invitation à lire tous ces textes et d'autres à écrire, « Considérant qu'il est plausible que de tels événements puissent à nouveau survenir »…

Légende de celles et ceux que l'on nomme Roms, ces femmes et ces hommes considéré-e-s comme autres ou d'ailleurs, et comme le dit Jean-Christophe Bailly, privé-es de « leur propre espace, cette bulle d'improvisation colorée ou ce « voyage » justement, qui les accompagnait ». A la destruction policière et municipale il convient de s'opposer et « inventer les espaces où la différence rom puisse s'inscrire et retrouver les voies de sa mémoire fluente, il ne devrait pas y avoir envers elle d'autre chemin pour un pays qui continue de se croire terre d'accueil ».

Étienne Balibar parle d'indignité, de la liquidation « dans les formes » d'un « embryon d'autogestion de la misère, vécu comme une provocation par l'ordre établi », du nom « rom » jamais employé dans l'arrêté du maire, du racisme différentialiste, de la municipalisation des opérations répressives, des politiques anti-roms déguisées en politique d'urgence, de l'énonciation sécuritaire ; de la peur municipale de l'auto-organisation, de la stabilisation d'un campement et la possibilité que les populations concernées se dotent d'une représentation…

« Voyez-vous, Françaises et Français, nous sommes plus que jamais le pays des droits de l'homme, même lorsque nous ajoutons une persécution à une autre, et prenons ainsi de facto notre part dans le développement, à travers toute l'Europe, d'une xénophobie de proximité qui – ici comme là-bas – est aussi une façon d'alimenter les hantises et de pousser au crime. Jeu dangereux, mais jeu très concerté ».

Chloé Bodart, « Délaissés urbains, délaissés humains », analyse cet urbanisme excluant, la consommation de l'espace, la marchandisation des territoires. Elle souligne la vie « sur ce terrain à l'existence déniée », la visibilité permise par « l'acte constructif déployé par le PEROU », les enfants déclarés inadmissibles, l'illégitimité de leur existence…

Vu, vu, vu… Considérant, considérant, considérant…. « La liste est une arme, une arme terrible qui rainure la réalité pour dessiner les rails sur lesquels les décisions déjà prises pourront circuler et accomplir leur devoir » (Robert Cantarella)

Charlotte Cauwer, en dessins, nous invite à considérer ce qui n'est pas vu.

Hélène Cixous rappelle sa deuxième enfance « juste au bord des lèvres d'un bidonville » et souligne que « La marge est un pays surpeuplé ».

François Cusset parle du risque « avec ses acolytes sémantiques que sont le ‘danger' et ‘l'illicite' ». Il souligne que le texte est là pour rendre indicible :

« - que la rationalité bureaucratique, à même le texte, habille et cache une ethnicisation rampante de la politique, une tactique très assumée du sacrifice des boucs émissaires ;

- que la protection de l'enfance, à même le texte, habille et cache une vision coloniale de l'animal à civiliser, du corps à dompter, et, plus empiriquement, un retour direct à la ségrégation scolaire ;

- et que le chantage au risque, à même le texte, habille et cache sous les oripeaux d'une humanité décharnée, réduite à l'horizon de ses risques, l'action violente d'État »…

Jean-Michel Frodon, « considérablement inconsidéré », parle, entre autres, de non vue « Toi tu n'as rien vu, et surtout pas ceux qui étaient là », de la langue institutionnelle « Tu parles dans une langue grise et détraquée, boursouflée de consensus et d'abstractions creuses, où la réalité disparaît »…

Cyrille Hanappe interroge l'arrêté municipal au regard du code de l'urbanisme.

Edith Hallauer et Patrick Bouchain font l'éloge de la trace et rappellent qu'un « lieu abandonné n'est jamais vide, mais porteur d'histoire, tout en étant libre et ouvert à l'usage », les liens entre espace public et manifestation du commun…

Valérie de Saint-Do souligne que « le réel n'a pas pire adversaire que ceux qui se réclament du réalisme »…

En 2013, l'administration et la police françaises ont doublé les arrêtés d'expulsions de Roms par rapport à 2012. Laisser faire, détourner les yeux c'est contribuer au développement du racisme d'État et de l'indignité.

Et avant de prêter ou d'offrir ce livre à ses ami-e-s ou le laisser traîner sur un banc pour une lectrice ou un lecteur en ballade, réécouter la vidéo http://www.post-editions.fr/considerant.html. Une nécessaire invitation à « faire riposte » pour que de tels événements ne puissent plus survenir.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
coda

L'Allemagne nationale-socialiste avait témoigné, sept ans plus tôt, d'un génie administratif auquel, si attaché que fût le génie administratif français de lui ressembler, il n'atteindra pas. Qui fit à la commune de Königsdorf prendre, le 28 septembre 1935, cet arrêté: "Les vaches et les génissens qui, directement ou indirectement, ont été achetées à un Juif, n'ont pas droit à la saillie du taureau communal" Où l'on voit que le souci de rendre "un mari français à sa femme" avait été déjà amplement circonstancié.

Epilogue, sans aucun rapport

En 2013, l'administration et la police française ont doublé les arrêtés d'expulsion de Roms, par rapport à 2012.

(p 301 chapitre de Michel Surya)
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Un mot cependant vient scander ces huits pages de pénible prose dans un funeste refrain qui tinte comme un glas : promiscuité. Faut-il y voir le titre d'infamie dont on voudra dès maintenant frapper toute tentative de vivre ensemble, de créer du commun ?
Le XXIème siècle sera celui des solitudes, annonçait W. Herzog dans un entretien.(...) difficile de lui donner entièrement tort. Une face ou un versant de promesses de nos fabuleuses technologies nous conduit tout droit et à fond de train à cet avenir où rien ne viendrait troubler l'espace ni le temps de nos esseulements parallèles, toutes connexions sécurisées, eau, gaz et internet haut débit à tous les étages.
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Lorsqu'un ou des problèmes techniques se posent, on les résout en les abordant un à un :
- Si l'on déplore que les toilettes ne sont pas assez nombreuses, on multiplie leur nombre, on ne détruit pas celles déjà installées;
- lorsqu'on déplore qu'il n'y a pas de point d'eau, et que l'alimentation se fait à la borne incendie située de l'autre côté de la nationale 7, on fait traverser le point d'eau pour éviter que les personnes ne traversent, et on répond ainsi à un devoir humanitaire international : " le droit à une eau potable propre et de qualité et à des installations sanitaires est un droit à l'homme, indispensable à la pleine jouissance du droit à la vie" (résolution de l'assemblée générale des Nations unies du 28 Juillet 2010)
- quand le maire de Ris-Orangis considère que le danger lié au fait que des habitations soit situées aux abords de la Nationale 7 justifie l'évacuation, on se demande s'il va intimer ordre aux centaines d'habitants de sa commune dont le pavillon borde cette même route;
(...)
- lorsqu'on déplore la présence de rongeurs, on évacue les rongeurs, non les hommes.
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Et il y a une blague pour finir : " Le présent arrêté peut faire l'objet d'un recours devant le Tribunal administratif de Versailles dans un délai de deux mois à compter de sa publication et de sa notification" Deux mois, quand tu as donné 24 heures pour vider les lieux aux personnes vivant dans ce bidonville que tu as maintenu dans l'insalubrité en refusant l'installation d'un point d'eau, comme l'organisation du ramassage des ordures, alors que tu déplores dans ton arrêté l'absence de point d'eau potable et la présence de rongeurs. Deux mois, alors que sans délai ni majuscule ni minuscule tu mettais à exécution l'expulsion. Deux mois pour un recours, tu es trop bon. Un brin farceur, aussi. Les Rissois ont bien de la chance d'avoir un homme plein d'humour à la tête de leurs affaires municipales.
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On n'admire et ne loue en effet que trop rarement les oeuvres de l'administration. Elles ne sont pas faites pour l'être, qui naissent dans l'ombre et dont les auteurs aiment à y demeurer. Elles sont admirables souvent pourtant et pourraient prétendre à l'art pour peu qu'on les porte au jour. Un tel arrêté en relève, qu'on fait bien de rendre public, qui montre le génie singulier à ne rien omettre; à circonstancier ce qui passe de beaucoup de circonstances; à tenir de l'universel le moyen de satisfaire le détail et à tirer du détail le moyen de constituer l'universel. Pas n'importe lequel, certes. L'universel, selon l'administration
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Videos de Sébastien Thiéry (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Sébastien Thiéry
Vendredi 10 Août 2018, dans le cadre du banquet d'été ?Dans la confusion des temps? qui s'est déroulé à Lagrasse du 4 au 10 août 2018, Sébastien Thiéry & Marielle Macé tenaient une conférence intitulée : "Faire connaissance".
Ce dialogue est un préambule à la lecture de Tout autour qui, au soir, fera résonner une vaste suite de témoignages prouvant qu?une autre politique migratoire est possible, puisqu?elle s?exprime à même tant de gestes de solidarité. Faire connaissance, c?est ce qui est requis de chacun de nous, devant les refus d?hospitalité, les destructions, les violences sociales et les expulsions de tous ordres.
+ Lire la suite
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