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EAN : SIE163694_964
Calmann-Lévy (30/11/-1)
3.83/5   3 notes
Résumé :
L'éducation d'Augustin de Chanteprie, enfant d'une riche famille de nobles, est très pudique et pieuse. Sa mère, Angélique de Chanteprie est une «sainte», femme froide qui se vouait au couvent, qui n'a jamais accepté d'être mariée, de ne pas être religieuse. Tous les jours, à heure fixe, Augustin est admis près d'elle, contemple avec un sentiment de terreur et de respect la chambre pareille à une cellule. adore sa mère, l'être vénérable, doux dans sa majesté, terrib... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Evidemment, « La maison du péché » et Les frères Ashkenazy », à première vue, n'ont rien à faire ensemble. Marcelle Tinayre (1870-1948), femme de lettres française, de nos jours on dirait intellectuelle, introduite dans les milieux culturels parisiens, et Israël Joshua Singer(1893-1944), écrivain yiddish d'origine polonaise ayant fini sa vie aux Etats-Unis, ne se sont sans doute croisés que dans mes piles hétéroclites.

C'est pourtant assez étonnant de lire les deux livres en parallèle et de trouver dès les premières pages, des paragraphes qui se font écho : la mère de « La maison du péché » et le père des frères Ashkenazy ont la même exigence d'éducation religieuse et de respect par leurs enfants des principes de cet enseignement. Un respect qui frôle l'intégrisme, dans les deux cas. Les pratiques religieuses sont aussi sombres et contraignantes dans les deux familles. Mme de Chanteprie est chrétienne et Avrom Hersh Ashkenazi est juif.
La conviction de chacun les conduit pourtant à la même intolérance à l'égard de qui ne croit pas selon les mêmes écritures.
La déraison multipliée par deux livres !

D'un côté, les discours doloristes que l'on entendait encore dans les leçons de catéchisme du siècle dernier ; de l'autre, la vie rythmée par le calendrier juif, ses fêtes, ses obligations, ses interdictions multiples et surprenantes pour le goy ignare (ce principe, par exemple, qui impose que la viande et les produits laitiers soient impérativement être séparés ; s'ils ont été en contact, il reviendra au rabbin de définir dans quelle proportion il faut éliminer le produit contaminé).
Le même rigorisme impitoyable.

Mais là où Madame de Chanteprie (ce nom !) a réussi, avec l'aide d'un précepteur, de deux curés et trois amis aussi confits qu'elle en dévotion, à faire d'Augustin, son fils, un croyant convaincu, quasiment forcené, Avrom Hersh peine à écarter de ses enfants, les mouvements de rébellion, d'aspirations à la modernité, que la mixité sociale de la ville de Lodz introduit dans les milieux juifs traditionnels.

Pourtant, à ma gauche, le trouble d'amour s'insinuera dans l'âme d'Augustin. Et à ma droite, l'ambition démesurée et sans scrupules de Simha Meyer, l'un des deux fils Ashkenazi, enverra aux oubliettes à peu près tous les préceptes hassidiques qui lui ont été inculqués.

A ce stade des deux histoires, leurs chemins divergent pour de bon.

Comment résumer celle d'Augustin de Chanteprie sans tomber dans l'invraisemblable, ou la caricature, ce que Marcelle Tinayre évite avec talent (presque tout le temps) ?

Augustin découvre que sa passion amoureuse se satisfait mal des injonctions de sa religion, même si la scène de la déclaration d'amour réciproque se fait sous les auspices d'une foi qu'il est convaincu de pouvoir faire naître chez sa belle Fanny. le livre qui, jusque-là, se défendait bien de la désuétude, donne droit à une scène kitchissime ! Je résume : « Je t'aime, je te convertirai – Je t'aime, je croirai pour te plaire ».

Mais ce n'est pas si simple. Fanny, malgré tous ses efforts, ne trouve pas la voie de la foi. Ce qui met Augustin à la torture : impossible d'amener devant monsieur le curé une femme qui ne ferait que feindre une conviction, qui ne l'éprouverait pas réellement. Et on assiste aux tourments cruels infligés à Augustin par l'exigeante religion qui prône l'amour de Dieu avant celui de la femme. Religion pratiquée avec succès par les anciens de sa famille qui en ont laissé des traces écrites dans les vieux papiers conservés avec ferveur : « Soyez mille fois béni, mon Dieu, qui rompistes les filets de la concupiscence et libérastes cette âme en luy montrant l'indignité de l'objet qu'elle osoit préférer à vous. »
La femme mécréante, elle, ne peut que constater avec douleur, qu'elle n'est pas compatible avec l'obéissance aux desseins divins.

Le style de Marcelle Tinayre est moins démodé que le sujet de son roman. Il y a de jolies pages dans son texte, et elle arrive à rendre crédibles les inquiétudes et les scrupules compliqués de ses personnages. Sa plume est vive, elle crée autour de Fanny et Augustin un entourage de personnages qui prennent de l'épaisseur au fur et à mesure du livre. Si Madame de Chanteprie (qui préfère définitivement la prière au chant) est glaçante de certitudes stériles, la vieille servante-nounou d'Augustin lui manifeste une tendresse rugueuse, bouleversante dans les dernières pages.

Marcelle Tinayre bataille en tant qu'anticléricale, dans ce roman, mais elle cherche honnêtement à comprendre comment cette religion quasiment calviniste, inculquée à son héros depuis sa plus tendre enfance, a fait de lui un homme inquiet, déchiré et malheureux.

Un livre achevé d'écrire en 1902, qui illustre , j'imagine, les affrontements de l'époque autour des projets de séparation de l'église et de l'état, de laïcisation de la vie politique et de l'enseignement en particulier.






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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
La sœur du capitaine ne lui ressemblait pas.
Elle gardait, à cinquante ans, un charme puéril et candide, et ce n’était guère qu’une vieille enfant. A force de traîner dans les chapelles, ses robes conservaient une odeur d’encens, de jacinthe, de rose blanche. Ses joues étaient pâles comme des hosties. Ses mains semblaient modelées dans la cire des cierges neufs. Mlle Cariste ne soupçonnait même pas l’amour, la curiosité, l’ambition, cette « triple concupiscence » qui est l’effet du péché originel. Son âme, engourdie dans l’innocence et l’ignorance, était toute fraîche encore du baptême. Ses jours s’égrenaient comme un chapelet d’ivoire. Elle brodait des nappes d’autel, faisait des sirops et des confitures, reprisait les housses des meubles et les rideaux éblouissants des fenêtres (…) Et c’était le bonheur, un bonheur tiède comme une chaufferette de vieille fille, clos comme un béguinage, pâle comme un printemps du Nord.
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Fanny était une païenne. Elle bornait son désir et sa curiosité au monde visible, où elle ne cherchait que le bonheur. Elle ne comprenait pas qu’on eût fondé des systèmes de morale sur la vertu purificatrice de la douleur ; elle n’éprouvait aucune velléité de se racheter par l’épreuve, ne se croyant point déchue ; et tous les romanciers russes réunis n’auraient pu la convertir à la religion de la souffrance humaine.
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- Qui la défendra contre les mauvais conseils du désespoir ?
- Elle est pécheresse comme vous êtes pécheur : il est juste qu’elle soit châtiée.
- Par moi, qui l’aime !
- Par vous, qu’elle a corrompu. (…) Si Dieu veut la sauver, il la sauvera bien sans vous. (…) Vous tremblez à la pensée des larmes qu’elle versera, larmes d’orgueil déçu, de désir trompé ?... Mon enfant, les larmes des femmes sèchent vite. Ces amours violentes comme l’orage passent comme lui ; et il ne demeure rien d’elles que les ravages qu’elles ont faits. Votre Fanny se résignera… Et puis, qu’est-ce qu’un chagrin de femme auprès de la colère de Dieu ?
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Ces gens assemblés ne parlaient ni d’argent, ni de femmes, ni des petits évènements de leur vie quotidienne. Ils n’avaient point d’autre souci que l’art, la littérature, la politique, et, par un contraste déconcertant, leur émotion s’exprimait en paradoxes bizarres. L’argot des ateliers, ou du boulevard, donnait une forme ironique à leurs enthousiasmes sincères et à leurs sincères indignations. L’un débitait des folies sur un ton sérieux ; l’autre disait légèrement des choses graves.
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Elle fréquentait ce monde composite qui touche à tous les mondes, où l’on trouve des artistes, des hommes de lettres, des amateurs, des bohèmes, des journalistes, des bourgeois intelligents, d’anciens ministres, de jeunes députés, de très honnêtes femmes et des femmes faciles, des gens presque illustres et des gens presque tarés.
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Video de Marcelle Tinayre (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marcelle Tinayre
En Août 1839, Marie a épousé dans la précipitation Charles Pouch-Lafarge du Glandier à Paris. Elle est allée s’installer chez lui dans son château du Glandier, en Corrèze. Mais à l’arrivée, sa désillusion est totale : le château est à l’abandon, infesté de rats, et les forges sont au bord de la faillite. Marie menace son mari de se suicider ou de s’enfuir… Références bibliographiques : Château en Limousin de Marcelle Tinayre. Rebondissements dans l’affaire Lafarge » de Chantal Sobieniak (Editions Lucien Souny, 2010). L’affaire Lafarge » de Gérard Robin (De Vecchi, 2006). Dans le silence recueilli de ma prison, Mémoires 1840 » de Marie Lafarge (Tallandier, 2008)
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