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3,7

sur 123 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un livre que j'ai eu grâce à Babelio, qui m'a permis d'assister à la soirée de lancement du roman. Dans ce récit autobiographique fictif, l'auteur invente la version des faits de la Lolita, il prend le risque de dépoussiérer ce classique de Nabokov afin de donner enfin une voix à la victime.
En imaginant la découverte de journaux intimes, nous entendons enfin la voix de Lolita. Nous l'accompagnons à travers l'Amérique des années 50 dans ce road trip infernal avec "Hum". le récit est cru, incisif, glaçant. Lolita révèle également des détails à peine esquissés dans l'oeuvre originale, nous en découvrons plus sur sa fuite loin d'Humbert et sur sa tentative désespérée d'avoir "une vie normale". Nous sentons rapidement que l'auteur maîtrise son sujet (il s'exprime ouvertement sur le fait qu'il fut également victime d'un pédophile) les réactions de Lolita face à l'homme qui abuse d'elle sont réalistes et criantes de vérité. Après m'être sentie complice du bourreau lors de ma lecture de Lolita, j'ai aimé découvrir le récit de la jeune fille dont l'enfance fut volée. le texte fonctionne bien, le style est agréable à lire, cependant, nous sommes loin du récit mythique de Lolita. Il n'existe plus que la dure réalité des faits, le récit en deviendrait presque banal. L'auteur a pris un gros risque en revisitant ce classique et j'apprécie finalement la démystification de Lolita, qui, malgré tout les fantasmes des lecteurs, n'est qu'une petite fille violée et abusée, comme tant d'autres.
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Je voudrais commencer par dire qu'il ne faut pas faire de comparaison entre ce livre et "Lolita" de Nabokov.
J'ai trouvé ce livre terrible, beau mais terrible. L'écriture était très intéressante, le choix des mots réfléchi et cela donnait une gravité au texte. Impossible d'être indifférent à la lecture de ce journal. Dolores, alias Lolita, est une jeune adolescente à qui on a volé son enfance. Elle vit des choses horribles, on se sert d'elle, des hommes assouvissent leurs pulsions et la pauvre enfant n'arrive pas à en parler à d'autres adultes, de peur que personne ne la croit. Nous avons envie de hurler, de lui crier de se confier, de la prendre dans nos bras. Lolita est prise dans un cercle infernal dont elle n'arrive pas à échapper. Nous découvrons peu à peu sa désillusion totale sur les hommes, et surtout sa peur, son manque d'amour cruel et son besoin d'être aimée et de trouver une place dans ce monde et dans la société.
Ce livre est un véritable cri du coeur sur l'horreur que certains adultes peuvent faire subir aux enfants.
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Merci beaucoup à Masse critique et aux éditions Goutte d'or pour ce beau livre (je parle de l'esthétisme de l'objet : sa présentation est très réussie).
En m'attaquant à ce roman, j'avais lu « Lolita » (ce qui me semble un pré-requis indispensable si on veut apprécier à sa juste valeur ce travail de retournement fait par l'auteur : Dolores n'est plus celle qui est regardée, mais celle qui regarde et (se) raconte), et « Il m'aimait ». Mais je les ai lus il y a plusieurs années, et je pense que j'aurais tiré plus de profit encore de « Journal de L. » si je les avais lus juste avant. Comparer ces deux romans et ce récit autobiographique doit être une passionnante expérience de lecture.

Ce livre bien écrit se lit très bien et très vite. Au début de ma lecture, j'avais du mal à y croire, je ne trouvais pas le langage de Dolores adapté à son âge. Et puis, à la réflexion, pourquoi pas ? Ce n'est pas une jeune fille des années 2010 qui s'exprime, mais des années 40 et 50, et la longue habitude qu'elle devait avoir prise d'écrire son journal depuis son enfance, comme beaucoup d'adolescentes de cette époque, pouvait l'avoir dotée de ce style et de ce vocabulaire. Et puis, si ce vocabulaire n'est pas très crédible quand elle a 12 ans, il l'est beaucoup plus quand elle en a 15 ou 16 et que ce qu'elle a vécu l'a fait mûrir extrêmement vite.
Au reste, ce n'est pas très important. C'est de la littérature, et cela n'a donc pas à imiter fidèlement la réalité.

Le personnage-narrateur que constitue Lolita est très touchant, par ce qu'il dégage de sincérité, de sensibilité, d'envie d'être aimé. On se retrouve à se prendre au jeu et à trembler ou espérer avec elle. Les émotions complexes et ambiguës éprouvées par les victimes de telles situations ¯ entre haine, peur, mépris, dépendance et, malheureusement, une sorte d'affection, de reconnaissance envers leur bourreau ¯ sont très bien décrites. L'auteur s'est bien sûr appuyé, comme il l'a reconnu dans son entretien accordé à Babelio, sur sa propre expérience d'enfant violé et sur le récit qu'il en a fait dans « Il m'aimait ».

J'ai beaucoup aimé cette idée de donner la parole au personnage culte d'un classique de la littérature, classique où elle ne s'exprime pas, conformément à son statut d'objet sexuel pour le narrateur.
J'ai passé un bon moment à lire ce livre et je le recommande.
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"Il ne faisait que chanter et moi, ça me faisait du bien de l'entendre et ça faisait du bien à l'univers entier. J'aurais voulu la tuer, puis lui dire que dans la vie, on a le droit de lambiner. Si on ne le fait pas à cet âge-là, on le fait quand ? Après, tout s'accélère je suppose, on a des tas de choses à faire comme Magda et Neil. Des tas de choses absurdes. Vite se lever, se laver, s'habiller, vite prendre le tram, travailler, déjeuner, travailler encore, et puis vite rentrer, faire les courses, le dîner, manger, se coucher et vite, vite ça recommence. Plus le temps de rien, plus le temps de chanter en évitant les rainures entre les dalles d'un trottoir. Moi je veux lambiner comme ce gosse à casquette. M'échapper comme lui et sentir mes pieds nus s'enfoncer dans le sable ondulé et les vagues brillantes de Venice Beach. Sinon pourquoi le sable, pourquoi les vagues, les forêts et les montagnes ? Elles mourront aussi si elles ne sont pas aimées, montagnes ou forêts."
Cette critique n'est pas un contrepoint de "Lolita", que je l'ai lu il y a longtemps et dont l'écriture est inimitable (pour ne pas dire indépassable). Ce que je trouve choquant à propos du Lolita de Nabokov ce n'est pas tant le contenu que le fait que l'on considère le viol de Lolita par son beau-père pendant plusieurs années comme une "relation", un "amour passionnel" d'un vieux professeur envers l'enfant dont il a la charge à la mort de son parent, alors qu'il s'agit bel et bien d'un crime et d'abus sexuels (oui, le viol est un crime, la pédophilie aussi)... Je dois dire que le film de Kubrick n'a pas aidé dans la mesure où il donne 16 ans à une Lolita représentée en nymphette aguicheuse et pubère !
Cela étant posé, le Journal de L. écrit par Christophe Tison (mentionnons ici qu'il a été abusé lorsqu'il était enfant par un ami de ses parents, même si la souffrance personnelle de l'écrivain ne donne aucune légitimité particulière en littérature selon moi) réhabilite le statut de VICTIME de Dolores Haze, une ENFANT abusée dans le roman de Nabokov par ce gros dégueulasse de Hum Hum (surnom qui fait penser à l'onomatopée que les enfants utilisent pour désigner l'acte sexuel en gloussant) dès l'âge de 12 ans, date où sa mère meurt et où son beau-père l'emmène avec lui dans un road-trip sordide à travers l'Amérique pourtant parano des années 50 où les étapes dans les motels sont autant d'occasions ratées de dénoncer les actes immondes de ce professeur "européen" cultivé persuadé d'initier sa belle-fille à la littérature russe... Pourtant, plusieurs fois elle fugue, chez sa tante de Venice Beach qui ne veut pas la garder, avec un réal de films porno qui la fait tourner sans scrupule, tombe amoureuse de garçons de son âge, avorte (avec un fil de fer !), est recueillie dans un refuge catholique alors qu'elle se clochardise dans les hauteurs de L.A. (l'ombre de la Manson Family plane déjà...)... en même temps qu'elle apprend elle aussi à le manipuler, à le soumettre car Dolores a grandi vite, trop vite, mais elle est tellement seule, paumée et dévastée qu'elle retourne vite se "réfugier" dans les griffes de son ravisseur, bien au chaud... Des réflexions métaphysiques et féministes très mûres viennent se glisser dans les pages de ce journal qui se lit d'un trait, et qui comporte aussi des passages très crus mais qui a le mérite de nous faire ressentir la fêlure intérieure qui s'opère (la fameuse cathédrale) quand le corps est abusé, le fameux dédoublement salvateur qui se met en place et permet de continuer à vivre malgré tout...
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Et si nous donnions la parole à Lolita ?

L'oeuvre magistral « Lolita » de Vladimir Nabokov publié en 1955 nous avait fait découvrir un des personnages les plus envoûtants de la littérature à travers la voix de son ravisseur, Humbert Humbert.

Dans l'imaginaire public, Dolorès Haze dit « Lolita » est demeurée une jeune fille énigmatique. Christophe Tison a percé son secret en partant sur ses traces.

Il publie son journal rédigé de 1947 à 1952 sous le prisme de ses rencontres masculines et nous dévoile le tournant de son adolescence.

A la mort de sa mère, Lolita, est détenue par son beau-père, Humbert Humbert, qui l'emmène pour un long voyage à travers l'Amérique. Chaque nuit, cet homme l'a rejoint dans son lit.

Son innocence et son enfance lui sont brutalement enlevées. Lolita navigue entre sa volonté de fuir et cette sidération qui la retient sous la coupe de son beau-père.

Peu à peu, elle prend conscience de ses charmes et parviendra à en user. Elle percevra ses rencontres avec de nouveaux hommes comme le début de sa délivrance. Pourtant, la jeune fille sombrera encore davantage dans l'obscurité.

Christophe Tison a tenté un parallèle osé avec le célèbre roman de Vladimir Nabokov. En changeant de point de vue et en redonnant la parole à son héroïne, il réussit avec brio à mettre en lumière Lolita et dessine cette enfance brisée avec une extrême sincérité.

Le célèbre roman de Vladimir Nakobov méritait cette démystification. Vladimir Nabokov, avec sa plume magistrale, avait réussi à humaniser son ravisseur et faisait de « Lolita », une nymphette sexualisée. Pour sa part, Christophe Tison a donné enfin la parole à la victime silencieuse en nous livrant ses plus profondes confessions.

Si le roman de Vladimir Nabokov reste inégalable, le personnage de Lolita, sous le regard de Christophe Tison, m'a profondément émue.

Ce livre m'a emportée et m'a donné aussi l'envie de redécouvrir le classique « Lolita » dont ma lecture remonte à plusieurs années…

Merci à Babelio et aux éditions Goutte d'Or pour l'envoi de ce livre.
Lien : https://memoiresdelivres.wor..
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Dans le "Journal de L." Christophe Tison nous propose de replonger dans un classique connu de tous et pourtant toujours très controversé : "Lolita" de Nabokov.

En s'inspirant de son propre vécu, l'auteur s'est donné le challenge de réécrire la fameuse histoire de Dolorès et d'Humbert Humbert, duo emblématique de la littérature classique. Ici, place à Dolorès, LA Lolita, qui prendra la parole et retracera l'histoire du triste livre de Nabokov, sous son propre point de vue.

L'idée de départ était très intéressante : réécrire un classique sur un sujet aussi difficile que celui de la pédophilie du point de vue de Lolita, personnage au coeur de l'intrigue, mais qui a toujours été présentée à travers la vision de Humbert Humbert. Dans ce livre, elle vit, s'exprime et l'on découvre une interprétation toute à fait fascinante de ce personnage à la fois perplexe et pourtant si simple.

On plonge dans le quotidien de Lolita avec son fameux beau-père, ses réflexions, sa compréhension du monde et sa situation du haut de sa jeune adolescence. D'enfant naïve, on assiste à sa triste évolution : d'enfant abusée à l'adolescente perdue qu'elle deviendra, petit à petit anéantie par une lueur d'espoir qu'elle ne voit plus.

En réécrivant ce classique, Christophe Tison s'est lancé dans un projet à risque, mais à aucun moment je ne l'ai senti dévier de sa trajectoire. J'ai beaucoup aimé lire ce roman, même si cela est difficile à dire, car il expose tout une part de l'histoire de Lolita qui aurait été cachée par Hum. À travers ce roman, l'auteur ouvre les portes sur une réflexion plus large, sur la perception de la pédophilie d'une personne à une autre. Dans "Lolita" de Nabokov, Humbert Humbert ne citera jamais la pédophilie, tandis que dans le "Journal de L.", Lolita n'hésitera pas à en donner les détails. Des passages durs, difficiles, qui participent à mieux comprendre le personnage de cette jeune fille dissimulée sous ses sourires aguicheurs et parfois trompeurs.

Un pari réussi pour l'auteur, une écriture loin de celle de Nabokov, mais qui s'identifie parfaitement à une adolescente des années 40. Une lecture difficile, triste, qui nous fait replonger dans un classique de la littérature en ouvrant le champ des réflexions...

Une lecture que je n'oublierai pas de si tôt.

Merci encore aux éditions Goutte D'or et à Babelio pour m'avoir fait découvrir ce livre.
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Tres bon livre....
C'est instructif d'avoir le point de vue de Lolita sur ce qui lui est arrivé et son rapport aux hommes qu'elle a cotoyé ...
On s'attache á cette ado rebelle et c'est douloureux de la quitter de façon tragique...
A lire pour ceux qui ont aimé Lolita de Nabokov.
Ce livre clôt le chapitre...
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Ma lecture de Lolita remonte à mes cours de littérature américaine à l'université. le roman de Nabokov m'avait grandement fascinée à cause de la façon dont l'auteur parvenait à donner du bourreau l'impression qu'il était la victime : le pédophile Humbert Humbert était « la victime » de Lolita, petite fille de 12 ans le poussant encore et encore au vice. Quand Babelio m'a proposé ce livre, qui voit les choses du point de vue de Lolita grâce au format journal intime, j'ai eu envie de découvrir l'autre face de cette histoire controversée, mais aussi découvrir comment l'auteur allait aborder ce sujet au combien difficile. Merci donc aux éditions Goutte d'Or pour ce livre, à la couverture style collection blanche Gallimard, mais avec la première phrase du roman imprimée en relief.

Le récit débute au moment où Humbert Humbert vient chercher Lolita à son camp de vacances, alors que sa mère vient de mourir. Comme il a épousé la mère de Lolita, Humbert devient officiellement son beau-père et a tous les droits sur elle. Commence alors un voyage interminable sur les routes américaines, de ville en ville, de motel en motel, accueillant les malheurs de Lolita et les perversions de Humbert.

Ce livre se divise en cinq parties, portant le nom des hommes ayant marqué cette période de la vie de la jeune fille. Son existence se résume d'ailleurs à ces passages d'homme en homme, de maison en maison, cherchant désespérément un peu de répit et sa place dans le monde. Lolita ne sera presque jamais seule, mais pourtant, elle ne sera jamais vraiment accompagnée. Elle vit une vie « à côté », elle voit la réalité des gens de son âge, mais flotte autour, tentant d'y entrer, sans jamais y parvenir à cause de ce qu'elle a vécu.

Si j'ai apprécié la plume de l'auteur et le récit en général, j'ai cependant trouvé que l'écriture « journal intime », beaucoup trop mature, n'était pas plausible du tout. Lolita a 12 ans quand on commence à lire son journal, pourtant, elle écrit déjà comme une adulte. Je n'ai pas ressenti ce côté jeune fille insouciante et capricieuse, personnage que j'avais connu au début du roman de Nabokov. Ce roman n'a malheureusement pas réussi à me faire croire que je lisais le journal de Lolita, mais plutôt une réinterprétation de son calvaire.

Des épreuves, Lolita va en vivre beaucoup : traînée de motel en motel, devant subir chaque soir les assauts de son agresseur sans que personne n'intervienne, n'osant pas parler de ce qui lui arrive quand elle le peut de peur qu'on ne la croie pas. Elle est enfermée dans une spirale de perversion de laquelle elle ne parvient pas à sortir et qui l'entraîne de plus en plus au fond du gouffre. Toute l'histoire se déroule alors que Lolita est mineure, et l'auteur décrit les scènes de viol au travers de son regard d'enfant, puis de jeune fille trop vite devenue adulte, ce qui pourrait choquer certains lecteurs.

L'histoire phare de Nabokov revisitée du point de vue de la victime : un récit de voyage au bout de l'enfer pour Lolita, porté par une belle plume, mais trop mature pour le projet de journal intime annoncé. Un point de vue difficile, mais nécessaire.
Lien : https://livraisonslitteraire..
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⁣Pour apprécier cette lecture comme il se doit, il me semble nécessaire d'avoir le roman de Nabokov en tête. Malgré ce prénom qui lui a donné son titre, rares sont les moments où l'on entend Lolita. Ici, sa voix est rétablie... et cela remue. On prend pleinement conscience de son statut de victime, qui subit les assauts d'hommes malsains. L'auteur réussit à l'incarner brillamment. Il est intéressant de lire également des épisodes inventés, non évoqués dans le roman de Nabokov, mais qui trouvent parfaitement leur place dans ce journal. Une grande réussite, donc !⁣
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Le chef d'oeuvre du roman éponyme de Vladimir Nabokov publié en 1955, Lolita reste controversé par son héroïne, une jeune fille de 12 ans, subissant l'amour pédophile de son beau-père Humbert Humbert, récit d'une voix de cette relation par cet homme en prison , cristallisant cet amour unilatéral, de ce pervers, sous la plume anglaise formidable de ce russe naturalisé américain, une prose où l'amour masque les sentiments de cette jeune fille, Dolorès Haze, ne pouvant narrer sa version. Christophe Tison à cette confession, fait parler Lolita, de son journal intime retrouvé, et de cette voix, cette jeune fille.
Christophe Tison donne la parole à Lolita, ce personnage de fiction, sorti de la plume de Vladimir Nabokov pour explorer cette part d'ombre flottant dans les esprits, la petite Lolita, Lo, Lou, cette petite fille de douze ans prisonnière à jamais de la mémoire de cet homme, lui volant sa virginité, ses espérances, cette enfance, ces repères, toute cette vie. Cette enfance racontée semble être un larsen de sa propre vie, narré dans un de ses romans autobiographique Il m'aimait des éditions Grasset publié en 2004, subissant la férocité d'un pédophile, ami de ses parents, ne pouvant exorciser son mal par ce roman, il revient avec ce roman, Journal de L. (1947-1952), écrire ce qu'à put ressentir Dolorès Haze, ayant pour sa part subit ce calvaire d'un amour pédophile.
Le récit est divisé en cinq parties, Christophe Tison met en scène comme Vladimir Nabokov, par un carnet intime, les révélations de la jeune Dolorès comme le roman Lolita, d'Humbert. C'est un calque performant, une route sinueuse avec cette partie manquante où Lolita s'enfuit avec Clare sera dévoilée par la main de Christophe Tison.
Dès les premiers actes sexuels, Dolorès sait le mal subit et se tait ; la peur s'installe, les mensonges aussi, mais aussi son regard acerbe vers la société qui l'environne, cette jeune fille perçoit la perversité de son beau-père, derrière son beau sourire, cette politesse étrangère, ce don de charmer son environnement et aussi la manipulation, le chantage, cette petite fille devient la poupée sexuelle de cet homme, il va la façonner à cette image qui l'excite, la forçant à devenir une autre fille qu'elle ne saura jamais. Tout le long de ce récit, la solitude berce avec mélancolie cette petite fille, orpheline de ses parents, de ses amies, de sa vie d'enfant et d'elle-même. Elle va s'inventer une amie virtuelle, une jumelle à son image floue, c'est son reflet devant la glace dans la salle de bain, un visage déformé par la bué, elle est seule, dans l'intimité de son être, se laver le corps de l'odeur de son bureau sexuel qui la souille, ce sperme en elle, sur elle, puis ce monologue avec son image qu'elle fixe, recherchant à briser cette solitude, s'évaporant dans une diffusion d'âme, cette conversation schizophrène sera pour Christophe Tison, cette liberté de donner vie à la pensée intime de cette jeune adolescente, à ses épanchements, ses désirs, sa solitude.
Dans cet écho au roman de Vladimir Nabokov, Dolorès n'est pas cette fille aguicheuse, provocante, Christophe Tison de son passé argumente avec beaucoup de justesse et d'élégance, la souffrance sourde de cette adolescence, privée de repaire, comme l'héroïne d'Irène Némirovsky de son roman L'ennemie, qui n'a pas appris le bien du mal. Comment une petite fille de douze ans, baiser par son beau-père peut espérer avoir une notion de bien et de mal, connaitre les codes des personnes de son âge, ayant comme seule référence cet homme qui dès la première nuit lui éjacule sur le visage pendant son sommeil, puis se fait tripoter les seins, recevant sur son sexe une langue, devant prendre le pénis entre sa main trop petite, puis s'introduisant dans son anus, cet endroit sale, elle devient un objet de désir, se comparant à sa poupée, juste là pour être caressée, habillée et déshabillée, attendant sur un lit, son sexe devient une tirelire, pour pouvoir s'échapper en gagnant de l‘argent , telle une prostituée, c'est de plus en plus frénétique, plus rude, elle écrira cette comparaison si cruel :
« J'avais l'échine d'un taureau sous les fesses ».
Même lorsqu'elle étudie, Hum la harcelle, lui lèche la chatte, assise sur une chaise, lui sous la table, elle jouit en silence sans lui montrer ses émotions, elle devient un morceau de viande, elle n'est plus personne, lui offre ses yeux de poissons morts, inerte, sans vie.
Ce beau-père lui vole son premier amour, ce jeune adolescent Stan, celui qui lui fera l'amour pour la première fois, la jeune collégienne est amoureuse, vit cet amour tous les jours en retrouvant ce garçon lui donnant l'amour recherché, mais le destin est cruel, tombant enceinte, se faisant avorter sauvagement avec son beau-père, surement le père de cet enfant, ou celui de Stan, son corps devient une pierre, cette absence et ce mensonge, Dolorès sera fui par ce garçon jaloux d'une absence, d'un amour sec, de cet avortement qu'il ne saura jamais, la honte de dire la vérité, Dolorès s'enferme un peu plus dans cette vie d'itinérance. Elle est maladroite avec les filles, avec les garçons de son âge, sera traité de Salope, ne voulant juste être aimé.
Sa rencontre avec Clare est un destin encore néfaste pour elle, l'ayant connu dans son enfance avec sa maman, le reconnaissant, Clare au premier contact, la perce au grand jour, Dolorès sent qu'il sait que Hum la baise, la jeune adolescence se trouve happée par cette force malsaine de cet homme qui la répugne, cette première rencontre scelle sa destinée, pour se faire baiser dès leur premier rendez-vous par cet affreux professeur de théâtre. Elle sa laisse faire, connaissant ces codes, elle ne joue pas avec cet homme, mais fustige le monde aveugle qui l'envoie à l'abattoir. Sa fuite avec Clare sera encore une chute, fuyant le diable de Hum, allant d'un pervers amoureux à un pervers diabolique paradant sa proie à ses amis en la présentant comme sa nouvelle petite nièce. Dès l'arrivée, elle rencontre dans la maison de Clare des serpents, symbole religieux de la perversité sexuelle, est-ce un signe, elle découvre un monde nouveau, aime faire sa crétine, mais reste dans la solitude.
Il y a dans ce récit, des passages forts sur les monologues de cette jeune fille, sur sa vision du monde qu'elle côtoie, et sa relation avec les hommes qu'elle rencontre. Hum l'emprisonne dans sa cage dorée, elle dit de lui au début
« Et c'est vrai qu'il est le seul être au monde à s'occuper de moi »
, ou bien à des moments de doute
« Mais à part lui, qui veut d'une petite princesse comme moi, une petite mendiante ? ».
Et ce constat fort et fataliste sur ces moments où Hum vient la pendre,
« C'est toujours un mauvais moment à passer, non ? Mais étrangement, je n'y pense jamais avant qu'il n'arrive, à ce moment-là…Jamais. Avant et après, il est gentil Hum qui prend soin de moi et qui me fait rire »
, et la force à se laver, la traitant de petite crasseuse,
« Alors, après m'avoir récuré l'âme avec des promesses et des menaces, ses gros doigts pleins de savons glissent maintenant entre mes fesses et s'introduisent là où c'est sale…et il me vide comme un poisson. »
Cette peur s'installe en elle, dès le début, elle a peur de réveiller les pensionnaires de l'hôtel, de trahir ce secret de son beau-père qui la baise, j'utilise ce mot car pour moi, c'est un acte de viol, même si dans l'esprit de Hum, c'est un acte d'amour, il lui posera cette question absurde à la fin si elle l'avait aimée, celle-ci ne répondra pas car elle ne s'était jamais posé la question. Cette peur la rend muette, devant la police lors d'un contrôle routier, elle a comme elle l'écrit le réflexe de sourire et de rien dire, se traitant de conne. Cette peur la rend actrice de sa vie, le mensonge devient son ami, elle a une réalité des choses assez brute, fort pessimiste, si vraie,
« Rien ne te retient plus à elle ni à ton enfance, c'est fini. Tu es jetée dans la vie. Les dés roulent … »
Au plus fort de sa peur, c'est cette hantise de l'effet cathédrale, ressentit la première fois lors de sa première ou deuxième nuit avec Hum, cette sensation se diffuse en elle pour revenir lors de sa fuite de chez Clare dans un parc, elle est seule dans la nuit dormant dehors ne pouvant faire la poupée, c'est une sensation de peur extrême où son corps se fige , son esprit s'échappe, une sorte de mort.
Elle va au fil du récit jouer avec ses partenaires, elle va prendre des cours de tennis , ce qui va lui donner la force de réussir et de comprendre les envies perverses de Hum, elle sait qu'il est excité de la regarder jouer, il aime la voir transpirer, courir, sauter, pour voir sa jupe se soulever et découvrir sa culotte, elle sent cet homme excité et bander au bord des cours. Elle joue de lui, se masturbe à côté de lui pour le rendre fou, à le diable au corps, par vengeance, Hum en devient fou, elle a ce pouvoir sur lui, mais elle se déprave, devient sale, elle le domine sur son propre pouvoir celui du sexe. Lui raconte un rêve érotique, inventé, des histoires sur ses amies du collège. Elle fera e même avec Clare lui racontant la perversité de Hum et un mensonge sur son camp, pour finir emporté dans les méandres de la spirale du sexe et devenir actrice de porno sous la domination de ce Clare.
La déchéance de Dolorès est comme Justine ou les Malheurs de la vertu de Sade, elle va de malheur en malheur et au moment où tout est calme, le destin en décide autrement, sa mort en accouchant.
Christophe Tison entraine le lecteur dans une chute inévitable, Dolorès glisse lentement vers la mort et nous sommes témoin de ce cheminement, du camp à cette maison de Rick celui qui l'aime, cette jeune femme enceinte, n'est plus seule, moins perdue dans les bras de Rick, il y a un lien entre leurs ventres, une communion.
Un roman riche et intense, une douleur froide frisonne votre chair à cette lecture.
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