« Malheur aux vaincus » . le 1er avril 1939, Franco déclare à Burgos, « La guerra ha terminado. ». Pour échapper à la répression franquiste, de nombreux opposants se cachent, dès le début de la guerre en zone nationale, mais surtout à partir de 1939. Car la répression (exécutions, camps de concentration….) est féroce, et ne connait pas de limite, ni dans les méthodes, ni dans le temps. Trente ans après la fin de la guerre, on traque encore des hommes démocratiquement élus. Certains prennent le maquis, d'autres vivent cloitrés dans des puis, des coffres, des pièces dérobées. Ils sont devenus des taupes, et pour des décennies. La terreur pousse ces femmes et ces hommes à vivre une existence entre parenthèse, dans des conditions physiques et psychologiques terribles. C'est le prix qu'ils sont prêts à payer pour échapper à la terreur. Régulièrement, certaines taupes sont découvertes et exécutées, comme un Mallorquin connu sous le sobriquet de l'amo en Joan, caché au fond d'un puit, dénoncé par des nonnes, dont le corps fut abandonné dans une rue avec une pancarte clouée sur le front. Son crime? Avoir empêché un meeting de la Phalange dans son village en jetant des clous sur la route.
En 1969, à l'occasion des trente ans de la fin de la guerre civile, Franco promulgue le décret-loi 10/1969, par lequel il prescrit tous les « délits » commis avant le 1er avril 1939, c'est-à-dire pendant la guerre civile. Les hommes taupes qui ont survécu jusque là commencent à sortir de tous les coins d'Espagne.
Deux journalistes
Manuel Leguineche et
Jesús Torbado vont tenter de les approcher, de connaitre leur histoire, et ce dès 1969. Ce n'est qu'en 1977 que sera publiée leur enquête, menée auprès de 24 personnes qui vécurent cachées durant des décennies. de « l'anarchiste solitaire », Manuel Serrano Ruiz, originaire de Ciudad Real, caché pendant 13 ans, au maire républicain de la commune de Cercedillas, Protasio Montalvo, qui fit une réapparition publique après trente-huit ans passés dans la cave de sa maison située à 3 kilomètres du village, dont seule la femme et les enfants connaissaient la cachette, les journalistes ont recueilli des témoignages ahurissants qui laissent le lecteur dans un état de sidération totale.
Combien furent-ils, ces enterrés vivants et volontaires? Combien moururent? Ceux qui acceptèrent enfin de se confier après ces longues années d'omerta racontent ce que fut leur quotidien, leurs peurs, leurs idéaux. Retranscrites telles quelles, ces confidences sont bouleversantes. L'ouvrage (en espagnol ou en français) est difficile à trouver. Mais en 2019, le film Une vie secrète (La trinchera infinita) de Jon Garaño, Aitor Arregi et José Mari Goenaga a mis en lumière l'existence des taupes, en s'inspirant de l'histoire de Manuel Cortés, maire de Mijas pendant la seconde République, qui se cacha pendant 30 ans. On peut aussi voir un film plus ancien, Mambru s'en va-t-en guerre (Mambrú se fue a la guerra) réalisé par
Fernando Fernán Gómez en 1986.